L’article 1er, al. 1, du protocole additionnel n°1 à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales prévoit que :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. »
Le droit de propriété, depuis de nombreux siècles, fait l’objet d’une protection particulière. Il figure ainsi à l’article 10 de la Charte de 1215, et dans le 5ème amendement de la Constitution des Etats-Unis.
Certains, comme J.L. Charrier, se sont étonnés de ce qu’il ne figure pas dans le texte initial de la Convention ; c’est oublier le contexte dans lequel elle a été signée. En effet, en 1950, la propriété n’était pas perçue de la même manière à l’ouest et à l’est de l’Europe. En outre, le protocole 1 porte sur les biens, alors que la Convention porte sur la personne. Il ne paraît pas si surprenant de vouloir marquer une différence. S’en étonner, c’est également oublier que la propriété n’est pas protégée par le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques.
Le droit de propriété apparaît comme un pilier de la société occidentale. La formule des Révolutionnaires, selon lequel il revêt un caractère « inviolable et sacré » (art. 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) est toutefois légèrement surannée. Il est également à noter que dans la confrontation entre la liberté et la propriété, les Révolutionnaires ont placé en premier la liberté (art. 2 de la Déclaration). Tel n’était pas le cas de l’autre côté de l’Atlantique. Dans l’affaire Dred Scott jugée par la Cour suprême américaine en 1857, les juges accordèrent au maître le droit de propriété sur son esclave. La propriété du maître était plus importante que la liberté de l’esclave.
Certains auteurs ont constaté l’émergence du caractère « économique » du droit de propriété, dans le sens où certains requérants voient dans l’action devant la Cour Européenne un aspect indemnitaire (v. p. ex. JF. Flauss, La banalisation du contentieux indemnitaire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme : RTDH 1996, p. 93-100). Cause ou conséquence, le fait est que la Cour a modifié sa jurisprudence concernant l’octroi de sommes au titre de l’article 50. Pendant longtemps, elle n’indemnisait que la violation du droit : elle tend désormais à instaurer un système de réparation intégrale du préjudice subi (CEDH, Raffineries Grecques Stran et Stratis Andreadis c/ Grèce, 9 déc. 1994, série A, n°301-B : Berger, n°544-552. Dans cette affaire, la Cour a alloué aux requérants une somme de plus de seize millions de dollars. V. également CEDH, Motais de Narbonne c/ France, 27 mai 2003 : indemnisation de plus de trois millions d’euros pour les sept requérants, héritiers d’une personne qui a été expropriée de son terrain).