Il convient de subdiviser, entre la condamnation de l'Allemagne par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (I) et ses conséquences sur les dispositions françaises (II).
I – L'arrêt Mucke contre Allemagne.
L’Allemagne a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, par un arrêt Mücke du 17 décembre 2009.
En l'espèce, Monsieur Mücke avait été condamné en 1986 pour vol à main armée, à une peine d'emprisonnement de cinq ans. En 2009, il était toujours en prison, par le recours aux dispositions relatives à la détention de sûreté allemande, appliquées de manière rétroactive... Les cheveux des pénalistes doivent se hérisser.
Monsieur Mücke avait agi auprès des juridictions allemandes. Toutes ses demandes furent rejetées. Il porta donc le litige devant la Cour de Strasbourg, invoquant plusieurs stipulations. Tout d'abord, l'article 7 de la Convention: Monsieur Mücke estimait que le texte manquait de prévision. De même, il estimait que l'article 5 relatif à la liberté individuelle n'était pas respecté.
Le gouvernement allemand, de son côté, soulignait que le la détention de sûreté ne relevait pas de la matière pénale, définie par la Cour de Strasbourg dans un arrêt Oztürk de 1984. Pour lui, la détention de sûreté ne constitue pas une peine, car la peine est fondée sur l'infraction, et que la détention de sûreté ne l'est pas. Au contraire, le gouvernement soutient que la détention de sûreté est fondée sur la dangerosité.
Le verdit de la Cour est sans appel: la détention de sûreté relève de la matière pénale. Elle ne doit pas être appliquée de manière rétroactive. La Cour constate la violation des articles 5 et 7. En conséquence, l'Allemagne est condamnée.
II – Les conséquences sur la rétention de sûreté française.
Le législateur français, par une loi du 25 février 2008, a créé les articles 706-53-13 et suivants dans le Code de procédure pénale organisant une rétention de sûreté.
L'article 706-53-13 dispose :
« A titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l'issue d'un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité, peuvent faire l'objet à l'issue de cette peine d'une rétention de sûreté selon les modalités prévues par le présent chapitre, à la condition qu'elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes, commis sur une victime mineure, d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration. »
En somme, le critère est tout sauf juridique et objectif, puisqu'il s'agit de la « dangerosité », notion floue, que Mme le Professeur Delmas-Marty critique avec vigueur. En effet, pour Mme Delmas-Marty, la « dangerosité » est, d'une part, déconnectée de la culpabilité, ce qui contredit les principes du droit pénal français. Elle est d'autre part liée à un trouble de la personnalité, qui n'est pas un trouble mental. Elle est enfin évaluée par une commission interdisciplinaire, ce qui dénature l'expertise psychiatrique.
Cette notion est directement inspirée de dispositions allemandes, qui nous l'avons vu, ont été censurées par la Cour de Strasbourg.
Il semble dès lors hypothétique de considérer que la rétention de sûreté française est conforme à la Convention Européenne.