La garde-à-vue est un sujet qui me tient à cœur, comme en témoignent les nombreux articles présents sur ce blog. Tout comme le droit des étrangers.
Sur la question spécifique de la garde-à-vue des étrangers, il y a lieu de rappeler que la Cour de cassation estime, à la lumière des arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 28 avril 2001 (El Dridi) et du 6 décembre 2011 (Achugbabian), qu'un étranger ne peut être placé en garde-à-vue du seul chef de séjour irrégulier. Cela ressort notamment d'un avis n°9002 du 5 juin 2012.
Or, à compter du 7 novembre 2012, le Parlement examinera un projet de loi instaurant un nouveau régime de garde-à-vue pour les étrangers en situation irrégulière.
Il s'agirait d'une « retenue » de dix heures, pouvant être prolongée de six heures, la seule contrainte à cette prolongation étant l'information du procureur. Pendant cette retenue, la personne ne devrait être ni menottée, ni fouillée au corps, ni placée dans un local de garde-à-vue. Elle aurait en outre droit à un avocat, à un médecin, à l'aide juridictionnelle et à contacter une personne de son choix, ce qui correspondrait aux droits du gardé-à-vue (art. 63-1 et suivants du code de procédure pénale).
Le ministre de l'intérieur, Monsieur Manuel Valls, estime en effet que le dispositif actuel est insuffisant. Aujourd'hui, les officiers de police judiciaire ne peuvent retenir une personne que pendant quatre heures, c'est-à-dire le délai maximal prévu pour la procédure de vérification d'identité (art. 78-3 du code de procédure pénale). Cette durée, d'après le ministre, serait insuffisante pour procéder à un éloignement du territoire.
Certaines associations, comme la Cimade, estiment que ce projet de loi revient à « réparer la machine à expulser mise en place par le gouvernement précédent ».
Au-delà du débat sur les objectifs de ce projet de loi, il nous semble que celui-ci devra faire preuve de finesse, au regard des positions des juridictions nationales comme supra-nationales.
Ici, la retenue aurait pour objectif de contrôler la régularité de la situation de la personne. Dès que la situation est connue, les autorités doivent soit relâcher la personne, soit procéder à un éloignement.
Pour être conforme aux décisions précitées, il faudrait que la retenue soit levée dès que la procédure d'éloignement est lancée. En effet, dans son arrêt Achugbabian, la Cour de justice rappelle que la garde-à-vue doit cesser dès lors que la procédure d'éloignement est déclenchée, en ce qu'elle ne concourt pas à la réalisation dudit éloignement. A ce stade, il faudra donc qu'un juge du siège intervienne, et se prononce sur l'affaire.
Il conviendra, surtout, de s'assurer de l'effectivité de l'assistance d'un avocat.