Il s'agit ici de préciser les droits de la victime d'accidents subissant, du fait de son handicap, une inaptitude professionnelle définitive.
La notion recouvre au moins deux réalités:
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celle de la personne incapable d'exercer à l'avenir et de façon permanente la moindre activité professionnelle, c'est l'inaptitude professionnelle définitive et absolue,
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celle d'une incapacité permanente limitée à la reprise de la profession que la victime exercait avant la survenance de l'accident, l'inaptitude professionnelle définitive et relative.
Dans les deux cas, il est indéniable que l'impact de l'accident sur la vie professionnelle de la victime engendre l'indemnisation de deux préjudices distincts: l'Incidence Professionnelle et la Perte de Gains Professionnels Futurs (PGPF).
Leur chiffrage sera logiquement modulé selon le caractère selon le caractère - absolu ou relatif - de l'inaptitude.
S'agissant de la victime qui est inapte à son travail antérieur, mais physiquement et intellectuellement capable de se reconvertir dans une autre activité (inaptitude relative), la question s'est posée de savoir si les choix de celle-ci quant à son avenir professionnel sont susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de l'indemnisation due par l'assureur, particulièrement au titre des PGPF.
En effet, les victimes devenues inaptes à leur activité professionnelle antérieure se trouvent régulièrement face au dilemme suivant: dans le cadre de l'indemnisation de mes préjudices, l'assureur peut-il me "sanctionner" si je refuse une possibilité de reconversion qui m'est présentée.
Autrement dit, l'assureur peut-il - indirectement par une minoration de son offre d'indemnité - me reprocher une décision personnelle qui retarderait ma reprise du travail ?
Cette ambiguïté est malheureusement souvent entretenue par les représentants des assureurs (médecins-experts, inspecteurs-régleurs, gestionnaires d'indemnisation) face auxquels la victime peut dans certains cas se sentir contrainte de reprendre une activité professionnelle le plus rapidement possible, sans forcément que celle-ci corresponde à ses attentes et motivations.
La situation a été soumise à l'examen de la Cour de Cassation.
En l'espèce, la victime exerçait avant l'accident, la profession de conducteur de machine.
Confronté à son inaptitude à ce poste, l'employeur lui a proposé un reclassement en tant qu'agent de qualité.
L'intéressée a refusé cette modification, et a été licencié pour motif économique.
Dans le cadre de l'action en indemnisation des préjudices corporels, l'assureur a soutenu que la perte d'emploi était la conséquence, non de l'accident, mais du refus de reclassement par la victime de sorte que le calcul des PGPF devrait s'établir par la différence, non entre le salaire antérieur et les allocations de chômage, mais entre les revenus antérieurs à l'accident et ceux qui auraient découlé dudit reclassement.
La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation n'a pas suivi cette analyse.
Sur le visa du principe de réparation intégrale du dommage, celle-ci affirme que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.
Par voie de conséquence, le licenciement doit être vu comme une conséquence directe de l'accident, et les PGPF doivent se calculer par référence aux indemnités de chômage.
Christopher NICOLLE