CA Douai Ch.2 Sect. 2 16 mai 2024 n° 23-00405
Nous défendons plusieurs avocats pour l’annulation de contrats abusifs de type one shot, généralement conclus pour la création de site web ou le leasing de matériel professionnel (photocopieur, matériel de téléphonie, serveurs informatiques etc.). Il y a énormément de difficultés avec certains de ces contrats.
Dans cette affaire, nous assurions la défense d’une avocate qui a signé en 2017, un contrat de création de site web avec la société AXECIBLES.
Puisque la société AXECIBLES est généralement accompagnée de son « partenaire financier » la société LOCAM, un contrat de location a été signé entre l’avocate et la société LOCAM, pour une durée de 48 mois.
L’origine du litige porte sur le fait que l’avocate n’était pas satisfaite du référencement du site web créé par la société AXECIBLES.
Il faut savoir que la quasi-totalité des professionnels qui nous sollicitent pour l’annulation de leurs contrats de création de site internet, se plaignent d’un mauvais référencement du site web dans les moteurs de recherche.
Un site internet professionnel ne peut être utile que s’il permet de faire découvrir les services du professionnel concerné, à des internautes qui ne le connaissaient pas.
Si votre site n’est pas référencé ou est mal référencé, il ne sera visité que par ceux qui vous connaissaient déjà, ce qui ne sert strictement à rien pour le développement de votre activité professionnelle.
C’est la raison pour laquelle, votre site internet doit être conçu pour apparaître en priorité, lorsque des internautes qui ne vous connaissent pas mais qui sont susceptibles d’avoir besoin de vos services, tapent sur leur moteur de recherche, un certain nombre de mots-clés.
Par exemple, si vous êtes avocat en droit du travail, votre site internet professionnel doit être paramétré de telle sorte qu’il s’affichera en priorité sur les moteurs de recherche, lorsqu’un internaute tape les mots-clés « avocat licenciement économique » ou « avocat harcèlement moral » ou encore « avocat licenciement faute grave » etc.
Généralement, quand une agence web vous démarche, la première chose qu’elle vous promet pour vous faire signer, c’est un excellent référencement du site sur les moteurs de recherche, afin de booster votre activité.
Si cette promesse est respectée, en général tout se passe bien dans la relation contractuelle.
Mais parfois, cette promesse n’est pas du tout respectée.
Dans la présente affaire, l’avocate que nous défendions a estimé que son site internet n’était pas du tout référencé.
Après mise en demeure infructueuse, nous avons saisi le tribunal de commerce de Lille.
Nous avons demandé l’annulation des contrats notamment en invoquant la protection du code de la consommation étendue aux professionnels employant au maximum 5 salariés.
Il faut savoir que depuis 2014, la loi a étendu la protection du code de la consommation, aux professionnels qui n’emploient pas plus de 5 salariés.
LES CONDITIONS POSÉES PAR LA LOI
C’est l’article L.221-3 du code de la consommation qui prévoit l’extension de certaines dispositions du code de la consommation aux professionnels, en posant 3 conditions cumulatives.
La première condition est la conclusion du contrat hors établissement.
Cela veut dire que le professionnel qui revendique la protection du code de la consommation (l’avocate que nous défendions) doit avoir été démarché dans un lieu autre que celui dans lequel son cocontractant (AXECIBLES) exerce habituellement son activité.
Cette condition ne posait pas difficulté puisque l’avocate a été effectivement démarchée à son cabinet.
De manière générale, certains commerciaux de certaines agences web démarchent leurs clients sur le lieu de travail de ces derniers. Ces commerciaux viennent souvent à deux et restent pendant des heures pour faire signer les documents contractuels le jour même.
La seconde condition est relative à l’emploi, par le professionnel qui revendique la protection du code de la consommation, d’un nombre de salarié(s) compris entre 0 et 5 salariés au maximum.
Si un professionnel emploie 6 salariés ou plus, il ne peut revendiquer le bénéfice de l’extension du code de la consommation car la loi est destinée à protéger uniquement les très petites entreprises.
Cette condition n’a posé aucune difficulté car l’avocate que nous défendions n’employait aucun salarié.
La troisième et dernière condition tient à l’exclusion de l’objet du contrat, du « champ de l’activité principale » du professionnel qui revendique la protection du code de la consommation.
C’est cette dernière condition qui a posé difficulté.
L’INTERPRÉTATION DE LA NOTION DE CHAMP DE L’ACTIVITÉ PRINCIPALE PAR LE TRIBUNAL ET LA COUR D’APPEL
En résumé le tribunal de commerce de Lille a jugé que le code de la consommation ne s’appliquait pas car le contrat litigieux était utile à l’activité professionnelle de l’avocate que nous défendions.
En d’autres termes, pour le tribunal de commerce de Lille, la loi qui protège les petits professionnels, ne s’applique pas à ceux qui ont agi à titre professionnel.
C’est un raisonnement assez étonnant que le tribunal de commerce de Lille a adopté dans la quasi-totalité des affaires dans lesquelles nous l’avons saisi en annulation de contrats AXECIBLES.
C’est un peu comme si un tribunal vous disait que la loi qui protège les enfants mineurs ne s’applique qu’à ceux qui ont 18 ans révolus. C’est très étonnant comme raisonnement.
Quand c’est ainsi, ce n’est pas utile de s’énerver : il faut faire appel et contester le jugement.
C’est la raison pour laquelle, nous conseillons systématiquement à nos clients de faire immédiatement appel contre de telles décisions qui nous semblent particulièrement erronées.
Dans cette affaire, le droit a été dit en appel puisque la Cour d’appel de Douai a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Lille en statuant en ces termes : « La notion de contrat dont l’objet n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (1ere Civ., 27 novembre 2019, pourvoi n°18-22.525).
Toutefois, il est jugé qu’un contrat dont l’objet est en rapport direct avec l’activité professionnelle du contractant ou qui a été conclu à la faveur exclusive de son activité professionnelle, n’entre pas nécessairement dans le champ de son activité principale (1ere civ., 17 mai 2023, pourvoi n°21-24.086) […]
Le contrat principal signé par Mme X avec la société Axecibles le 20 décembre 2017 avait pour objet « la mise en place d’une solution internet globale permettant la présentation des produits et services de l’abonné sur internet et comprenant notamment la création et la mise en place d’un site internet, sa mise à jour, son hébergement, son référencement ainsi que le suivi de ce référencement ».
Cet objet, s’il est en rapport avec l’activité d’avocate de Mme X et s’il a été conclu pour les besoins de sa profession, comme elle a pu l’attester dans le contrat, ne constitue cependant pas le cœur de l’activité d’une avocate et n’entre pas dans le champ de son activité principale, qui est le conseil juridique et la représentation en justice, non la création de sites internet.
Les dispositions protectrices du code de la consommation visées à l’article L.221-3 précité s’appliquent donc au contrat « d’abonnement et de location de solution internet » conclu par Mme X avec la société Axecibles. ».
Cet arrêt est conforme à la jurisprudence développée depuis 2018 par la Cour de cassation, sur la notion de champ de l'activité principale.
Il ressort en effet de la jurisprudence de la Cour de cassation que si le juge du fond apprécie souverainement la notion de champ de l’activité principale, il ne peut motiver sa décision de manière impropre. C’est motiver sa décision d’une manière impropre que d’interpréter la loi d’une manière tellement absurde que son application devient impossible.
Dire que la loi qui protège les professionnels ne s’applique pas à ceux qui ont conclu un contrat utile à leur activité professionnelle, c’est en réalité empêcher l’application de la loi car aucun professionnel n’a vocation à conclure un contrat sans utilité pour son activité professionnelle.
La Cour d’appel de Douai a jugé que le contrat AXECIBLES de création de site internet n’avait rien à voir avec le champ de l’activité principale d’une avocate car l’objet d’un tel contrat n’est pas au cœur de l’activité de conseil et de défense d’un avocat.
Les avocats et l’ensemble des professionnels de France qui remplissent les conditions posées par l’article L.221-3 du code de la consommation, sont protégés par le code de la consommation.
LES CONSÉQUENCES DE L’ANNULATION DU CONTRAT AXECIBLES
Sur le fondement du code de la consommation, la Cour d’appel de Douai a annulé le contrat de création de site web de la société AXECIBLES au motif que cette dernière n’avait pas indiqué à l’avocate que nous avons défendue, le prix total de la prestation, préalablement à la conclusion du contrat.
Il faut en effet savoir que l’obligation d’indiquer le prix global de la prestation est une obligation légale prévue par le code de la consommation.
S’agissant de la société LOCAM, la Cour d’appel a prononcé la caducité de son contrat en conséquence de l’annulation du contrat de la société AXECIBLES.
En conséquence, la Cour d’appel a condamné la société LOCAM à rembourser l’intégralité des mensualités qu’elle avait prélevées depuis le début du contrat en 2017, ce qui est une juste application de la loi.
Devant le tribunal et la Cour d’appel, la société LOCAM a invoqué son argument favori consistant à dire qu’elle a la qualité d’établissement financier, qu’elle ne relève pas du code de la consommation mais du code Monétaire et financier.
Nous avons plaidé que même si la société LOCAM relevait du code monétaire et financier ou du code du tourisme ou de tout autre code de son choix, l’anéantissement du contrat de la société AXECIBLES entraîne inexorablement, la destruction totale du contrat de LOCAM.
La Cour d’appel a suivi ce raisonnement en prononçant la caducité du contrat de la société LOCAM et en la condamnant à restituer l’intégralité des sommes qu’elle avait perçues depuis le départ.
Cette décision est juste car en l’état du droit, si votre procédure est régulière, il n’y aucune circonstance dans laquelle la société LOCAM peut échapper à la caducité de son contrat de location financière en conséquence de l’anéantissement du contrat interdépendant conclu avec le fournisseur.
Dans la présente affaire, la société LOCAM a en outre été condamnée à désactiver le site internet sous astreinte de 200€ par jour de retard et à payer 3000€ à l’avocate que nous défendions, au titre de ses frais d’avocat.
Si vous souhaitez rompre un contrat de création de site web ou de leasing de matériel professionnel, vous pouvez nous adresser vos contrats de manière bien lisible et ordonnée à l’adresse contact@procescial-avocat.fr .
Si nous estimons que l’opération contractuelle est illégalement formée, nous pourrons demander en justice son annulation et le remboursement de l’intégralité des sommes que vous avez payées depuis le départ.
PROCESCIAL AVOCAT, Annulation/résiliation de contrats de location de photocopieur ; Annulation/résiliation de contrats de licence d’exploitation de site internet ; Avocat créateur de sites internet pour avocats
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Barreau de Lille