CA Paris, Pôle 5 chambre 10, 13 juin 2022, n° 20/13759
Dans une opération contractuelle incluant une location financière, il y a toujours au moins 3 parties : un locataire, un fournisseur et une société de location financière également appelée leaseur.
Imaginons un fournisseur qui veut vendre à 50.000€, un photocopieur qui vaut 1000€.
S’il essaie de vous le vendre directement à 50.000€, vous allez probablement lui conseiller d’aller se faire ausculter par un médecin.
C’est la raison pour laquelle, il ne vous le vendra pas directement. Il vous proposera de vous louer le matériel à 793€ par mois, sur une durée de 63 mois (21 trimestres).
Vous lui rétorquerez alors que la location est drôlement chère puisque 793€ x 63 mois = 50000€ environ.
Il vous répondra alors qu’il vous versera tous les 21 mois, une somme d’argent qui fera que le loyer mensuel ne reviendra qu’à 5€.
Pour vous endormir davantage, le fournisseur vous versera immédiatement 10.000€ pour solder votre ancien contrat ou pour racheter votre ancien photocopieur qui ne valait pas plus de 50€.
Vous êtes tellement subjugué que vous perdez tous vos moyens.
Le fournisseur en profite alors pour vous faire signer un bon de commande, un contrat de maintenance ainsi qu’un contrat de location financière.
Ce contrat de location financière vous lie à un organisme de financement dont vous n’avez probablement jamais entendu parler.
Dès que le fournisseur sort de chez vous, il se rend directement auprès de la société de location financière pour lui remettre les documents et lui vendre le matériel.
C’est alors la société de location financière qui vous loue le matériel puisqu’elle en est devenue propriétaire.
Plus tard, vous pouvez rencontrer plusieurs difficultés avec le fournisseur. Par exemple, il est possible qu’il n’assure plus la maintenance, qu’il ne réponde plus à vos appels ou à vos courriers, qu’il ne vous verse pas la somme d’argent promise au bout de 21 mois ou qu’il se place tout simplement en faillite (liquidation judiciaire).
Si vous implorez la société de location financière en lui parlant de vos difficultés, elle vous dira probablement qu’elle n’est intervenue « qu’à titre financier ». Cela veut dire qu’elle n’est intervenue que pour ramasser votre argent et qu’elle n’a rien à faire des problèmes dont vous vous plaignez et dont elle n’est pas responsable.
Vous vous retrouvez alors à devoir payer des sommes astronomiques, pour un matériel qui ne vaut strictement rien et qui de surcroit ne fonctionne même pas.
C’est lorsque vous arrêtez les prélèvements que la société de location financière vous attaquera en justice afin de réclamer votre condamnation au paiement de l’intégralité des loyers restant à courir avec une majoration de 10%.
Devant le juge, la stratégie de la société de location financière est souvent la même. Elle vient soutenir qu’elle n’est au courant de rien en ce qui concerne vos relations avec le fournisseur, qu’elle est totalement innocente, qu’elle a investi énormément d’argent et qu’elle doit récupérer le montant de son investissement.
Dans une opération contractuelle à 3 parties, si vous êtes attaqué par la société de location financière, vous devez avoir le réflexe d’attaquer à votre tour le fournisseur du matériel.
Vous devez impérativement mettre en cause le fournisseur en lui faisant délivrer une assignation en intervention forcée en bonne et due forme.
Si vous ne le faites pas, vos chances d’éviter une condamnation sont très faibles. Pourquoi ?
Parce que généralement les manquements que vous pouvez évoquer sont directement imputables au fournisseur du matériel (pas à la société de location financière).
Or, dans un Etat de droit, on ne peut pas juger le fournisseur sans l’avoir préalablement convoqué en justice pour lui donner l’occasion de se défendre (article 14 du code de procédure civile).
La cour de cassation le dit en ces termes : « Vu l'article 1184 du code civil, […] et l'article 14 du code de procédure civile ;
Attendu que la résiliation d'un contrat ne peut être prononcée ni constatée par le juge en l'absence de l'un des cocontractants ; » Com. 6 déc. 2017 n° 16-21.535.
Sans la mise en cause du fournisseur, il est hautement probable que le juge vous condamne.
La dernière illustration en date est un arrêt du 13 juin 2022, dans lequel la Cour d’appel de Paris juge : « Le matériel a été fourni par la société OLICOPIE qui a versé à la société Château Les Palais la somme de 12.115 euros HT au titre du solde d’un contrat de maintenance.
La SAS NBB LEASE FRANCE 1 (ci-après la société NBB LEASE), a conclu le 20 juin 2017 avec la société Château Les Palais un contrat de location financière pour ce photocopieur, moyennant 21 loyers trimestriels de 2.120,40 euros TTC. [...]
Le prestataire n’étant pas dans la cause, la société Château Les Palais est mal fondée à solliciter la nullité du contrat de financement qui est accessoire au contrat de prestation. […]
Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a condamné la société appelante au paiement des loyers impayés (2 120,40 euros) outre les intérêts, de la somme de 29 155, 50 au titre des loyers à échoir et de l’indemnité de 10% conformément à l’article 14-2 des conditions générales du contrat ». CA Paris, Pôle 5 chambre 10, 13 juin 2022, n° 20/13759
La décision de la cour d’appel de Paris nous semble néanmoins erronée dans la mesure où elle confond clairement la nullité du contrat de location financière et sa caducité.
C’est la caducité du contrat de location financière qui suppose comme préalable, l’anéantissement du bon de commande ou du contrat de maintenance.
La Cour de cassation l’a rappelé ainsi « Attendu que lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement du contrat de prestation ou de fourniture, qui ne peut être prononcé qu'en présence du prestataire ou du fournisseur, est un préalable nécessaire à la constatation, par voie de conséquence, de la caducité du contrat de location ; » Com., 11 avril 2018 n° 17-13.551.
A la différence de la caducité, la nullité du contrat de location financière est complètement autonome par rapport au fournisseur. C’est clair, net et précis.
Dès lors qu’il est démontré que l’ensemble des conditions de validité du contrat de location financière ne sont pas remplies, ce contrat doit être annulé, peu importe la mise en cause ou l’absence de mise en cause du fournisseur du matériel.
En effet, ce ne sont pas les manquements imputables au fournisseur qui justifient la nullité du contrat de location financière mais l’absence d’une ou plusieurs conditions de validité au moment de l’échange des consentements.
Mais par précaution et afin de vous donner le maximum de chances de détruire l’opération contractuelle dans son ensemble, vous devez toujours et dès la première instance, régulariser la procédure pour que l’ensemble des parties impliquées soient convoquées devant le tribunal.
Pour régulariser la procédure, vous devez d’abord délivrer une assignation en intervention forcée au fournisseur du matériel en application de l’article 331 du code de procédure civile.
Ensuite, vous devez demander la jonction avec l’instance principale, sur le fondement de l’article 367 du code de procédure civile.
La procédure est alors sur de bons rails et vous pouvez soulever désormais de multiples contestations pour faire rejeter toutes les demandes de la société de location financière.
Si vous oubliez de régulariser la procédure, la société de location financière se frottera les mains car elle sait que vous allez probablement perdre votre procès en première instance et qu’il vous sera impossible de corriger votre erreur en appel.
Vous devez donc avoir de solides réflexes procéduraux pour vous défendre dans ce genre de litige qui constitue une véritable partie de poker procédurale.
Si vous estimez que vous êtes injustement attaqué par une société de location financière, vous pouvez nous contacter en nous adressant une copie bien lisible de vos contrats à l’adresse contact@procescial-avocat.fr .
PROCESCIAL AVOCAT, Annulation/résiliation de contrats de location de photocopieur ; Annulation/résiliation de contrats de licence d’exploitation de site internet ; Avocat créateur de sites internet pour avocats ; Procédure d’appel
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