CA Paris, Pôle 5, ch. 1, 3 mars 2020 n° 18-09051
Créer un site internet est une chose. Le faire remonter parmi les premiers résultats des recherches des internautes en est une autre encore plus difficile. L’objet de la prestation de référencement est de booster le site internet, d’augmenter sa visibilité et donc sa valeur économique.
Il existe deux types de référencement. Le premier est le référencement dit naturel également appelé SEO. Il permet de faire émerger le site web en bonne position dans les classements des moteurs de recherche, sans aucun recours à une campagne de publicité. Le référencement naturel consiste en un ensemble coordonné d’actions sur la structure du site internet, sur son contenu lexical et en dehors du site internet. Il doit se faire en respectant les conditions posées par les moteurs de recherche, faute de quoi des pénalités seront infligées au site internet en question qui disparaîtra purement et simplement des résultats des moteurs de recherche.
Le référencement naturel se fait nécessairement dans la durée.
Pour aller plus vite, il existe un second type de référencement, le référencement dit payant, également appelé SEA ou référencement publicitaire. Il consiste à payer un moteur de recherche pour faire apparaître une annonce prioritairement dans ses résultats, lorsqu’un internaute fait une requête sur un ou plusieurs mots clés déterminés. Le paiement est dû chaque fois que l’internaute clique sur l’annonce. Les tarifs varient en fonction du niveau de concurrence sur le mot clé en question.
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris porte sur l’obligation de loyauté en matière de référencement publicitaire d’un site internet.
Dans cette affaire, une société exploitait depuis plusieurs années, la marque « Aquarelle ». Elle avait créé le site internet www.aquarelle.com spécialisé dans la vente de fleurs en ligne.
La société a remarqué qu’en tapant le mot composant sa marque sur Google, le moteur de recherche affichait l’annonce d’un site internet concurrent, en l’occurrence le site www.lebouquetdefleurs.com
Les exploitants du site internet www.aquerelle.com ont alors décidé d’attaquer en justice, la société SCT qui exploite le site web www.lebouquetdefleurs.com.
Il était notamment reproché à la société SCT d'avoir réservé le mot clé « Aquarelle » sur la plate-forme Google Adwords (le service de référencement payant de Google).
Les exploitants du site internet aquarelle.com ont soutenu en première instance comme devant la Cour d’appel de Paris, que l'achat par la société SCT de l’expression « Aquarelle » comme mot clé sur la plate-forme Google Adwords, pour vendre des produits identiques, constituait une atteinte à leur marque déposée « Aquarelle ».
La question était donc de savoir si le fait d’acheter, dans le cadre d’une campagne de référencement publicitaire d’un site web, un mot clé qui correspond à la marque d’un concurrent, constitue un acte de contrefaçon de marque.
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris rappelle le principe selon lequel, le titulaire d’une marque peut interdire l'usage d'un signe identique à la marque pour des produits identiques à ceux déposés, si cet usage porte atteinte à ses intérêts propres en tant que titulaire de la marque (CJUE du 12 novembre 2002, ARSENAL FOOTBALL CLUB n° C-206/01).
S’agissant spécifiquement d’une campagne de référencement payant de site web, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne considère que le titulaire d’une marque ne peut pas interdire à tout concurrent, d’utiliser le mot clé correspondant à cette marque, dans une annonce publicitaire.
Le titulaire de la marque ne peut interdire l’usage de mot clé correspondant à celle-ci que si l’annonce publicitaire « ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers » (CJUE 23 mars 2010, GOOGLE C/ LOUIS VUITTON MALLETIER SA n° C-236/08 à C-238/08).
Seul le risque de confusion sur l’origine des produits ou services est déterminant en matière de contrefaçon de marque dans le cadre d’une campagne de référencement Adwords d’un site internet.
Au cas d’espèce, la Cour d’appel de Paris n’a pas fait droit aux demandes fondées sur l’action en contrefaçon de marque dans la campagne de référencement publicitaire.
En effet, les juges d’appel ont estimé que « l'usage par la société SCT du signe Aquarelle comme mot-clé dans le système de référencement Adwords, pour faire de la publicité pour des produits et services identiques à ceux pour lesquels la marque Aquarelle est enregistrée, permet à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent de la société Aquarelle, titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à elle ou, au contraire, d'un tiers ».
En revanche, la contrefaçon a été reconnue non pas en raison de la campagne de référencement payant sur Google Adwords mais du fait de l’utilisation, sur le site internet lebouquetdefleurs.com, de la marque « Aquarelle » dans des conditions entretenant la confusion dans l’esprit de l’internaute moyen, sur l’origine des produits.
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