CA Paris, Pôle 5, chambre 10, 3 mai 2021 n° 19/16132
A – PETIT RAPPEL DES ENJEUX DU TRANSFERT DE NOM DE DOMAINE
Les agences web démarchent non seulement les professionnels qui n’ont pas encore de site internet mais également ceux qui en possèdent déjà.
Si vous avez déjà un site internet, l’agence web peut vous proposer soit une refonte de votre site, soit la création d’un tout nouveau site internet.
Dans les deux cas, il n’est pas techniquement nécessaire de changer de nom de domaine.
Le nom de domaine n’est pas à confondre avec le site internet.
Le nom de domaine est l’adresse informatique que les internautes tapent sur leur navigateur pour accéder à votre site internet.
Quant au site internet, c’est un ensemble de fichiers reliés entre eux et reliés au reste du monde par des hyperliens, et stockés sur un serveur accessible en permanence.
Pour prendre un exemple simple, imaginons que votre ancien nom de domaine est www.monanciendomaine.fr
Imaginons que l’agence web vous a créé un nouveau site internet sans changer de nom de domaine. Les internautes qui utilisent le nom de domaine www.monanciendomaine.fr découvriront votre nouveau site internet sans être redirigés. Techniquement, l’agence web a simplement supprimé les anciens fichiers du serveur pour les remplacer par les nouveaux fichiers qu’elle a créés.
Plutôt que d’utiliser le nom de domaine www.monanciendomaine.fr , l’agence web peut décider de créer un tout nouveau nom de domaine qui va par exemple s’intituler www.monnouveaudomaine.com .
Le choix de l’agence web de créer un nouveau nom de domaine peut être motivé par de bonnes ou de mauvaises raisons.
Au titre des mauvaises raisons, l’agence web peut procéder au changement de nom de domaine simplement pour rendre son client dépendant d’elle. En effet, si l’agence crée un nouveau nom de domaine, l’usage de ce nom de domaine lui appartiendra sauf stipulation contraire. Le jour où vous voudrez changer de prestataire, l’agence web refusera de vous donner les identifiants et codes qui permettent d’administrer le nom de domaine. Vous êtes alors complètement bloqué.
Au titre des bonnes raisons, l’agence web peut créer un nouveau nom de domaine parce que l’ancien nom de domaine avait une mauvaise réputation auprès des moteurs de recherche. Si l’ancien nom de domaine avait fait l’objet « d’actions manuelles » (pénalités infligées par Google généralement pour usage de techniques frauduleuses de référencement appelées Black Hat SEO), il est préférable de changer de nom de domaine et de cesser les pratiques sanctionnées.
L’agence web peut également créer un nouveau nom de domaine simplement parce que la dénomination de l’entreprise a changé et qu’elle souhaite un nom de domaine qui reprend la nouvelle dénomination de l’entreprise.
Dans tous les cas, si l’agence web crée un nouveau nom de domaine, le transfert de l’ancien nom de domaine vers le nouveau nom de domaine est indispensable pour au moins deux raisons techniques.
En premier lieu, le transfert permet de rediriger les internautes qui tapent l’ancien nom de domaine, vers le nouveau nom de domaine.
Concrètement, avec la redirection du nom de domaine, lorsqu’un internaute tape sur son navigateur www.monanciendomaine.fr , c’est le site accessible depuis l’adresse www.monnouveaudomaine.com qui s’ouvrira. Cette opération de redirection permet d’éviter de perdre les internautes qui tapent votre ancien nom de domaine ou qui avaient créé des raccourcis sur leur navigateur.
C’est un peu comme le réacheminement des courriers postaux que vous effectuez suite à un déménagement.
En second lieu, le transfert du nom de domaine permet de faire profiter au nouveau nom de domaine, du référencement naturel SEO déjà acquis par l’ancien nom de domaine.
En effet, quand un nouveau nom de domaine est créé, les moteurs de recherche ne le connaissent pas encore et ils mettront du temps à bien le classer parmi les résultats qu’ils affichent à la requête des internautes.
Si le transfert du nom de domaine est correctement effectué avec une redirection permanente appelée 301, alors les moteurs de recherche donneront au nouveau nom de domaine, la même position de référencement que l’ancien nom de domaine qu’ils connaissaient déjà.
Pour prendre un exemple imaginons que l’ancien nom de domaine avait une autorité de domaine de 40 sur 100. L’autorité de domaine est la note de référencement que les moteurs de recherche attribuent à un nom de domaine et qui permet de définir sa position dans le SERP (page des résultats affichés suite à la requête d’un internaute).
Si le transfert de domaine est effectué, le nouveau nom de domaine démarrera avec une autorité de domaine de 40 sur 100 au lieu de 0 sur 100.
Bien entendu, si votre ancien nom de domaine avait fait l’objet de pénalités de la part des moteurs de recherche, vous devez absolument éviter de faire le transfert.
Si votre nouveau domaine démarre avec une bonne note de référencement, vous pourrez vous faire connaître auprès de nouveaux clients potentiels, sans risquer de perdre les clients qui connaissaient déjà votre ancien site internet.
Les enjeux économiques d’un transfert de nom de domaine réussi sont donc très importants que ce soit pour un site e-commerce ou un site vitrine.
Pourtant de nombreuses agences web s’abstiennent d’effectuer le transfert de nom de domaine alors même qu’elles créent de nouveaux noms de domaine à des clients qui avaient déjà un nom de domaine.
Une telle faute justifie la résiliation pure et simple du contrat de création de site internet.
B – LA RÉSILIATION DU CONTRAT DE CRÉATION DE SITE INTERNET EN CAS DE MANQUEMENT À L’OBLIGATION DE TRANSFERT DU NOM DE DOMAINE
Dans la décision commentée, la société TRI KATELL avait déjà un site internet avec un nom de domaine. La société JALIS s’est engagée à lui créer un nouveau site internet et un nouveau nom de domaine, avec transfert de l’ancien nom de domaine vers le nouveau.
Le procès-verbal de livraison et de conformité a été signé mais le transfert de nom de domaine n’a pas été effectué.
La société JALIS a considéré que la signature du procès-verbal de livraison et de conformité par la société TRI KATELL, empêchait cette dernière de lui reprocher de ne pas avoir exécuté ses obligations, notamment en matière de transfert de nom de domaine.
Sans surprise, ce raisonnement n’a pas convaincu la Cour d’appel de Paris qui a confirmé la résiliation du contrat, à travers une décision particulièrement bien motivée qu’il convient de citer largement : « A titre préliminaire, il sera souligné que la société TRI KATELL est un client profane, qui a fait appel à une société prestataire réputée pour son savoir-faire et son expertise.
S'agissant du transfert du nom de domaine, la société TRI KATELL disposait d'un nom de domaine depuis 2010, associé à son site web « historique » (precologique.com).
Selon la société TRI KATELL, la prestation était essentielle. Le prestataire devait assurer toutes les opérations nécessaires au transfert du nom de domaine afférent au site « precologique.com » vers le site « amianteexpertises.fr » créé par JALIS. Il était prévu au contrat de licence que le prestataire devait procéder à ce transfert.
Elle expose qu'elle lui avait confié la création d'un nouveau site web, afin que la société JALIS, concomitamment à cette création, opère le transfert du nom de domaine existant, afin de ne pas perdre le référencement acquis par le client entre 2010 et 2015 via son site historique.
La société JALIS ne nie pas l'absence de transfert du nom de domaine, mais oppose que le transfert ne lui incombait pas, que celui-ci dépendait du 'bon vouloir' du prestataire précédent. Pour justifier sa position elle se fonde sur la fiche technique qui porte la mention manuscrite : 'transfert du nom du domaine sous réserve du prestataire actuel'.
Cette lecture de la fiche est contestée par la société TRI KATELL, qui établit a contrario que la société JALIS s'était engagée à opérer ce transfert en se fondant sur la mention ajoutée sur la fiche technique, et renseignée par le technicien de JALIS, qui a entouré la mention « à transférer » ce qui démontre l'obligation souscrite par le prestataire. Cette dernière justification emporte la conviction dans la mesure où le contrat avait été conclu pour ce motif déterminant.
En tout état de cause, il incombait à la société JALIS d'informer clairement et loyalement son client profane, au moment de la formation du contrat, sur les difficultés de transfert du nom du domaine, qui dépendait de la bonne volonté de l'ancien prestataire. Ainsi que l'a relevé le tribunal, le courrier de la société TRI KATELL en date du 20 mars 2016, témoigne de son absence totale de connaissance en informatique.
En outre, dans l'hypothèse où la société JALIS aurait adressé une demande de transfert au prestataire initial et se serait heurtée à une absence de réponse de celui-ci, en occultant cette information, la société JALIS a commis une faute à l'égard de société TRI KATELL en ne l'informant pas de cette difficulté majeure, qui rendait la prestation sans objet.
Ainsi que l'a retenu le tribual, ces éléments démontrent que la société JALIS n'a pas rempli ses obligations afférentes au transfert de nom. Or l'obligation de délivrance de la société JALIS ne pouvait être pleinement exécutée qu'une fois réalisée la mise en oeuvre du site et le transfert de nom.
La société JALIS ne peut dès lors valablement se réfugier derrière les conditions générales et se prévaloir de la signature du procès-verbal du 1er février 2016 pour s'exonérer de ses obligations.
Il ressort en outre des mentions figurant sur le procès-verbal, qu'elles ne permettaient pas à la société TRI KATELL de savoir si le nom de domaine associé au site historique « precologique.com » avait été réalisé à cette date. Il convient dès lors d'écarter la clause contractuelle en contradiction avec l'économie générale du contrat. […]
La non-conformité de la livraison du site conformément à la fiche technique, notamment l'absence de changement du nom de domaine, telle que spécifiée par les parties, constitue un manquement grave.
Les dénégations teintées de mauvaise foi de la société JALIS démontrent qu'elle n'est pas davantage intervenue pour remédier aux problèmes rencontrés relevant du contrat de maintenance, et notamment à un blocage informatique, dénoncé en 2016. S'agissant des autres griefs, il n'est pas nécessaire d'en examiner la gravité, dès lors que la société TRI KATELL a suffisamment caractérisé les manquements graves et persistants de la société JALIS pour justifier la résiliation unilatérale du contrat aux torts du prestataire. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de licence d'exploitation de site internet, à compter du 11 janvier 2017. ».
Il est donc clair qu’en cas de changement de nom de domaine, le manquement de l’agence web à son obligation d’effectuer le transfert de nom de domaine, est susceptible de justifier la résiliation du contrat de licence d’exploitation de site internet.
Naturellement, la signature par le client de l’agence web, du procès-verbal de livraison n’empêche pas ce dernier de demander la résiliation du contrat pour défaut de transfert du nom de domaine.
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