En l’état actuel du droit, il n’existe pas d’obligation légale de constituer un bureau pour le déroulement de l’assemblée générale des actionnaires. La partie règlementaire du Code de commerce évoque la constitution d’un bureau sans pour autant l’ériger en condition sine qua non du déroulement d’une assemblée générale.
En l’absence de texte, la jurisprudence et la pratique ont pallié à cette carence législative. D’ailleurs, tout à fait récemment, le rapport Poupart-Lafarge sur les assemblées générales des sociétés cotées rendu le 2 juillet 2012[1] a proposé de consacrer textuellement les solutions issues de la pratique et notamment, d’insérer dans le Code de commerce le principe selon lequel un bureau doit être constitué lors de l’assemblée générale.
Il convient de s’intéresser successivement à la nomination des scrutateurs puis à leur rôle.
I. La nomination des scrutateurs
Il résulte de la lecture combinée des articles R. 225-100 et R. 225-101 du Code de commerce que le bureau est composé du président du conseil d’administration[2], de deux scrutateurs et d’un secrétaire[3].
Les scrutateurs sont en principe les deux membres de l’assemblée disposant du plus grand nombre de voix et acceptant cette fonction[4]. Mais dans le cadre de leur désignation, il convient de prendre en compte les droits de vote double et ceux qui sont détenus en vertu d’un mandat. Le comité juridique de l’ANSA a précisé que « l’application du critère de détention du plus grand nombre de fois n’intervient qu’au moment de la constitution du bureau, préalablement à l’ouverture des débats ; une fois désignés, les scrutateurs exercent leur fonction pour toute la durée de l’assemblée, en tant qu’organes de l’assemblée, indépendamment de la variation éventuelle du nombre de droits de vote qu’ils peuvent exercer, lié à leur situation personnelle »[5].
Les potentiels scrutateurs peuvent-ils refuser d’exercer cette fonction ? Si un scrutateur refuse d’assumer cette fonction, la personne suivante dans l’ordre décroissant du nombre des voix se verra soumettre la possibilité d’assumer ladite fonction. Si personne n’accepte cette fonction, le président du bureau devra assumer seul cette fonction et il faudra prendre acte de ce refus dans le procès-verbal de l’assemblée générale. La fonction de scrutateur relève donc d’un choix et n’est pas obligatoire.
Le rapport Poupart-Lafarge recommande d’une part aux sociétés cotées d’identifier dans la mesure du possible les personnes susceptibles d’être scrutateurs afin d’anticiper un éventuel refus des deux premiers actionnaires détenant le plus grand nombre de voix de participer au bureau. D’autre part, il recommande aux sociétés cotées de les familiariser avec le rôle que les scrutateurs auront à jouer.
Se pose la question de savoir si les scrutateurs doivent être nécessairement des actionnaires. Il convient de répondre par la négative. A ce titre, plusieurs points méritent d’être soulignés :
· Le conjoint d’un actionnaire peut être désigné comme scrutateur. En effet, au titre de représentant de son conjoint, il est membre de l’assemblée ;
· Une personne morale peut également être désignée comme scrutateur. En effet, celui s’avère possible par le truchement de son représentant légal à l’assemblée.
Aussi, se pose la question de savoir si les délibérations de l’assemblée générale peuvent encourir la nullité dans l’hypothèse où le bureau ne serait pas constitué comme tel.
Une question semblable avait été posée par Pierre Sudreau lors de la deuxième séance de l’Assemblée Nationale du 3 novembre 1970. Il avait demandé au Ministre de l’Economie et des Finances si « le bureau peut être considéré constitué, et l'assemblée valablement délibérer, lorsque les actionnaires ayant été valablement convoqués, au jour et à l'heure de la convocation ne se présentent que deux actionnaires, dont le président du conseil d’administration, ces deux personnes mandatées ou non par les autres actionnaires mais représentant par leurs propres actions et celles de leurs mandants le quorum requis »[6]. Il lui a été répondu que « dans le cas où le bureau d'une assemblée générale d'actionnaires n'aurait pas été constitué conformément aux dispositions de l'article 147 du décret du 23 mars 1967, la délibération de l'assemblée ne peut, de ce seul fait, être annulée »[7].
La jurisprudence était d’ailleurs venue préciser qu’une assemblée s’est régulièrement tenue quand bien même le nombre de scrutateurs requis ne serait pas respecté, à condition toutefois qu’un huissier de justice ait dressé un constat des opérations de vérification des pouvoirs et du scrutin[8].
Les modalités de détermination des scrutateurs étant définies, il convient à présent de s’intéresser au rôle qu’ils doivent jouer lors de l’assemblée générale.
II. Le rôle des scrutateurs
Les scrutateurs n’ont pas de pouvoirs propres. Ils sont simplement titulaires de pouvoirs au titre de leur appartenance au bureau de l’assemblée générale. Des missions leur sont dévolues avant à l’assemblée générale, au cours de celle-ci et à son issue.
Le tableau suivant, réalisé par l’Afep dans son vade-mecum réalisé en liaison avec l’ANSA[9] reprend le rôle des scrutateurs à chaque étape de l’assemblée générale.
[1] http://www.amf-france.org/documents/general/10303_1.pdf
[2] Mais en l’absence de ce dernier, il s’agira soit de la personne désignée par les statuts, soit d’une personne désignée par l’assemblée elle-même (art. R. 225-100 C. com.)
[3] Le secrétaire peut être choisi en dehors des actionnaires (art. R. 225-101 al. 2 C. com.)
[4] Art. R. 225-101 al. 1 C. com.
[5] Séance du 7 juillet 1995, comm. n° 2803, avis n° 345.
[6] http://archives.assemblee-nationale.fr/4/cri/1970-1971-ordinaire1/037.pdf (V. question 13768)
[7] Ibidem
[8] CA Paris, 25 janvier 1972
[9]http://www.afep.com/uploads/medias/documents/Vade-mecum_a_l_attention_des_membres_du_bureau_des_AG_0311.pdf