Aujourd'hui, de nombreuses entreprises possèdent une charte ayant pour objet de définir « leur culture d’entreprise », c'est-à-dire les valeurs ou règles auxquelles elles adhèrent. Exemple : Charte du développement durable, Charte des valeurs, Charte éthique, Charte qualité…
De ce fait et en principe, elles n’ont pas pour but de réglementer la relation de travail entre le salarié et l’employeur.
Toutefois, ces dernières années, il a été de plus en plus constaté que des entreprises publient des chartes fixant des règles et des sanctions à l’encontre des salariés.
Exemples :
- la charte informatique définissant les règles d’utilisation du matériel informatique par les salariés
- la charte du bon conducteur définissant les règles d’utilisation du véhicule du service mis à disposition du salarié
Or, pour rendre des règles de conduite opposables au salarié, il faut remplir plusieurs conditions :
- les faire figurer au sein du contrat du travail, signé par le salarié
- les faire figurer au sein d’un règlement intérieur ou d’une charte annexée au règlement intérieur, dès lors que le règlement intérieur seul ou le règlement intérieur et la charte sont déposés au Conseil de Prud’hommes et à l’inspection du travail et soumis au représentant du personnel de l’entreprise. L’employeur doit aussi prouver que le salarié a eu connaissance du règlement intérieur lors de son embauche. A défaut de remplir toutes ces conditions, les règles et sanctions figurant au sein du règlement intérieur ne sont pas opposables au salarié.
Ainsi, le simple fait de publier de telles chartes et de les remettre au salarié lors de la signature de son contrat de travail, ne suffit pas à les rendre opposables au salarié et à justifier des sanctions en cas de non-respect par le salarié.
Par conséquent, si un employeur se permet de licencier un salarié parce que ce dernier n’a pas respecté les règles prévues au sein d’une simple charte, il est important de savoir qu'il n'en a pas juridiquement le droit.
Illustration : une société de dépannage d'ascenseur met à disposition de ses salariés des véhicules de service. Elle ne prévoit pas d'interdiction d'utiliser ce véhicule à des fins personnelles au sein du contrat de travail ou du règlement intérieur. Par contre, elle publie une charte du bon conducteur au sein de laquelle elle interdit à ses salariés d’utiliser leur véhicule de service à des fins personnelles.
A l'appui de ce texte, l'employeur décide de licencier pour faute grave un salarié qui a utilisé son véhicule un dimanche, jour non travaillé (fait constaté par la réception d'un pv).
Le salarié conteste son licenciement auprès du Conseil de Prud’hommes en indiquant que les règles prévues au sein d’une charte ne lui sont pas opposables dès lors qu’elles ne figuraient ni dans son contrat de travail, ni au sein du règlement intérieur.
Le Conseil de Prud'hommes a donné raison au salarié et a considéré son licenciement abusif dès lors qu’une charte, ne remplissant pas les conditions d’opposabilité du règlement intérieur, n’a pas le pouvoir de prévoir des sanctions contre un salarié (Conseil de Prud’hommes de Paris, 10 juin 2014, n°13/02093).
Mon avis : En cas de licenciement fondé sur une méconnaissance par le salarié des dispositions d’une charte, il ne faut pas manquer de s’interroger sur la valeur de cette charte et son opposabilité au salarié.
Raphaëlle BENSOUSSAN
Avocat à la Cour
8 Avenue Victor Hugo - 75116 PARIS
Téléphone : 01 81 70 99 00 - Fax : 09 57 23 77 68
bensoussanraphaelle@gmail.com