Me Christine RAVAZ
Avocat au Barreau de Toulon
60, Cours Lafayette
BP 31024
83057 TOULON CEDEX
A / MONSIEUR LE MINISTRE DE L’INTERIEUR
MINISTERE DE L’INTERIEUR
PLACE BEAUVAU
75008 PARIS
Affaire : PIP
Objet : Droit du public à l’information concernant la gestion des déchets toxiques de l’entreprise
PIP (POLY IMPLANT PROTHESES).
Toulon le 27 août 2012
Monsieur le Ministre de l’Intérieur,
Vous êtes très prompt lorsqu’il s’agit d’ordonner les évacuations des camps de Roms, cela ne vous gêne pas de jeter sur le bitume des enfants qui s’apprêtent à effectuer leur rentrée scolaire dans l’espoir d’une vie meilleure. Vous n’avez en plus aucun mot de compassion envers ce peuple dont l’histoire est ponctuée de malheurs. Vos fonctions semblent vous avoir fait oublier toute notion d’humanité, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, c’est vraiment tragique.
Mais pendant que vos policiers s’activent autour d’enfants et de pauvres gens totalement désemparés, vous n’avez pas apporté la moindre réponse aux questions que je vous posais par courrier recommandé avec AR du 24 mai 2012 concernant la disparition de 40 TONNES de produits chimiques très toxiques de l’usine PIP à La Seyne sur Mer (Var).
Celle délinquance en col blanc dont les dégâts économiques sont considérables, ne vous intéresse donc pas autant que les Roms ? Votre silence, cette chape de plomb, c’est invraisemblable.
Donc, je vous joins à nouveau le texte pour le cas pour être certaine que vous le lirez :
« Monsieur le Ministre de l’Intérieur
Le 10 juillet 1991, Monsieur Jean Claude MAS dépose au greffe du Tribunal de Commerce de Toulon les statuts de la SA POLY IMPLANT PROTHESES. Cette entreprise vient de créer un fonds de commerce de « fabrication et vente de tous matériels à application médicale et biologique. L’associé majoritaire et administrateur est Jean Claude Mas.
L'entreprise occupe rapidement le troisième rang mondial du secteur des implants mammaires. Elle exporte près de 90% de sa production.La fabrication des prothèses mammaires est soumise au respect d’une directive communautaire : directive 93/42/CEE. Cette directive établit les exigences essentielles, en termes de qualité et de sécurité, auxquels les dispositifs médicaux doivent satisfaire afin d’assurer un niveau élevé de protection de la santé.
Avant la mise sur le marché, les fabricants doivent recueillir des données cliniques sur les caractéristiques et les performances du produit. Une fois les prothèses mises sur le marché, les fabricants doivent tenir à jour une procédure systématique pour étudier l’expérience acquise à partir des dispositifs en phase de post-production, y compris les évaluations cliniques prospectives, ainsi que pour mettre en œuvre les moyens utiles à l’application des mesures correctives. Suivant les termes de la directive, les fabricants doivent notifier aux autorités sanitaires tout dysfonctionnement, ou toute altération des caractéristiques, toute inadéquation de l’étiquetage ou de la notice d’instructions susceptibles d’entraîner ou d’avoir entraîné la mort ou une dégradation grave de l’état de santé d’un patient ou d’un utilisateur.
Les femmes porteuses des implants mammaires doivent être suivies médicalement pendant une longue période, afin d’observer l’incidence sur la santé de l’implant et d’en surveiller les effets secondaires à long terme.
13 août 1996
La société PIP fournit la plupart des centres anti-cancéreux pour les reconstructions mammaires après cancer du sein. Le 13 août 1996, la direction des hôpitaux est alertée pour des anomalies sur les implants P I P et des cas de rupture élevés. Les éléments recueillis sont suffisants pour missionner des inspecteurs des Affaires Sanitaires et Sociales. En octobre 1996, leur rapport d’enquête qui fait mention d’irrégularités graves est transmis au Parquet de Toulon qui pourtant le classe sans suite. Entre 1997 et 1999, 115 courriers de demande d’information faisant suite à des signalements d’incidents sont adressés aux autorités sanitaires, sans suite.
En mars 1999, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé devient compétente en matière de matériovigilance, les signalements d’incident se multiplient, sans suite.
En 2000, une alerte est lancée depuis les USA. Suite à plusieurs plaintes, la FDA (agence américaine de contrôle des médicaments) diligente une expertise dans les locaux de PIP. Son verdict est sans appel, les prothèses sont frelatées. L’agence américaine constate onze violations de la réglementation mettant en danger la santé des patientes.
Les prothèses PIP sont interdites sur le sol américain. Mais rien ne se passe à la Seyne sur Mer, à Toulon, dans le Var, en France. L’AFSSAPS n’est au courant de rien.
En 2007, une seconde alerte internationale est lancée depuis la Grande-Bretagne. Une centaine de britanniques portent plainte contre PIP pour « prothèses défectueuses ». L’entreprise est condamnée à verser 1,4 millions d’euros.L’AFSSAPS n’est au courant de rien. Entre 2004 et 2009, les plaintes s’accumulent.
Le 27 mai 2009, l’organisme habilité à délivrer la certification CE, la société TÜV RHEINLAND LGA PRODUCTS, établie à Nuremberg, délivre comme à son habitude un certificat de conformité relatif au gel utilisé par l’entreprise. L’organisme allemand TÜV chargé de certifier les prothèses, ne détecte rien lors des visites et des contrôles, les prothèses sont magnifiques.
11 Mars 2010
Le 11 mars 2010, le Directeur de l’AFSSAPS avise à l’avance la société PIP qu’une inspection est programmée sur le site pour la date des 16 et 17 mars 2010.Les inspecteurs ne trouvent rien. Ils reviennent à l’improviste le 18 mars 2010 et découvrent sur des containers les étiquettes d’un produit industriel. Les inspecteurs de l’Agence française de sécurité sanitaire approfondissent et découvrent aussitôt des factures attestant de la livraison de plusieurs tonnes de produits dénommés :
- SILOPREN W 1000
- Huile silicone triméthylée de marque SILOP W 1000
- Huile silicone terminée vinyle SILOP U 165
- RHODORSIL RTV 141 A
- RHODORSIL RTV 141 B
- Huile silicone triméthyélée de marque RHODORSIL 47V1000
- BAYSILONE M 1000
29 mars 2010
L’AFSSAPS ordonne l’interdiction immédiate de la fabrication des prothèses mammaires PIP « dangereuses pour la santé ».Les sociétés BRENNTAG, MEMENTIVE, GACHE CHIMIE, qui ne vendent que des produits industriels ont considéré qu’il était naturel de livrer des tonnes d’additifs à carburants dans une entreprise fabriquant du matériel médical.
Le RHODORSIL qui est un produit combustible, s’utilise comme fluides thermostatique, pour l’imprégnation de papiers pour les condensateurs, les photocopieurs, les mastics silicones, les fils textiles synthétiques, les polishes, cires, encaustiques, les additifs pour peinture pour les effets anti-cratère, anti-nuançage, anti-rayure, pour les matières plastiques.En cas de contact avec le produit, il faut retirer tout vêtement ou chaussure souillés et les décontaminer.
En cas de fuite, il faut recueillir le produit dans un récipient de secours, absorber le liquide non récupérable avec du sable sec, ensuite, il faut décontaminer et incinérer les matières en installation autorisée.C’est un produit dangereux lors de sa décomposition : sa réactivité est forte. La fiche de donnée de sécurité indique au paragraphe « Informations toxicologiques », « Toxicité aiguë. »
Son rejet à l’égout et dans les rivières est interdit, il doit être éliminé dans un centre autorisé de collecte des déchets. L’attention de l’utilisateur est attirée sur l’existence de possible réticence de la part des autorités locales relatives aux contraintes portant sur l’élimination des déchets. La station de traitement des eaux usées de la Seyne sur Mer n’est pas équipée pour traiter ces déchets industriels toxiques et inflammables. Le SILOPREN est une huile utilisée dans l’industrie automobile. Ses applications potentielles comprennent une variété de joints d’huile situés sous les capots des véhicules. Les caractéristiques précises du produit et sa toxicité, ne sont communiquées qu’aux clients potentiels.
Et il faut aussi ajouter à cette liste : du Xylène, trichloroétahne, stéranios, alcool isopropilique, éthanol, cyclohexane, heptane, eau oxygéné 1O%, appied silicone PN 40 076, Nusil (Med 2245 – MED 6640 – Med 6400-50 – Med 6600 (non déclaré) – Med 6400-50 – Med 4 6400-50 – Med 3 6300
Avril 2010
Monsieur le Préfet du Var fait évacuer par la société ONYX MEDITERRANEE plusieurs tonnes de produits toxiques du lieu de stockage de l’entreprise PIP, en raison d’un péril grave.
Janvier 2012
Etant le conseil de plusieurs victimes porteuses d’implants mammaires PIP , j’interviens à plusieurs reprises auprès de Monsieur le Préfet du Var afin d’obtenir la communication du lieu de transfèrement et de stockage de ces produits toxiques.
Mais je me heurte depuis à son silence. Ainsi, il est impossible de connaitre le lieu actuel de stockage des produits toxiques utilisés lors de la fabrication des prothèses, ce qui ne permet pas d’effectuer des analyses et des expertises indispensables à la connaissance exacte des risques. Il est important également de savoir si depuis 1991, date de l’installation de l’usine, l’élimination des résidus des produits toxiques, après fabrication a été réalisée conformément à la législation ou si ces produits ont été évacués dans les canalisations des eaux usées de la ville de La seyne sur Mer. S’agissant de déchets industriels dangereux , leur gestion a probablement donné lieu à un plan de prévention des risques sanitaires qui doit être communiqué au public. La législation nationale et européenne prévoyant un principe d’information et de transparence à l’égard de la population.
Lors du stockage des produits toxiques, l’environnement est susceptible de recevoir des contaminants chimiques et micro-biologiques. Des risques directs et réels sont donc liés à d’éventuels dispersions de ces déchets dans les eaux usées, ce qui représenterait si tel a été le cas, des risques potentiels pour la santé humaine en raison de leur forte toxicité liée à leur composition. La population doit donc être informée en toute transparence des risques liés à l’élimination des déchets de cette entreprise, l’impact sanitaire est bien réel et inquiétant. Les points de récupération des ces produits doivent faire l’objet d’une information publique.
Dans l’attente de votre intervention afin que l’état de gestion et d’élimination des déchets toxiques de l’entreprise PIP soit porté à la connaissance du public, conformément aux prescriptions du Code de l’Environnement.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, en l’assurance de ma haute considération. »
Christine RAVAZ