LES ROMS
"Leur drapeau est bleu et vert, avec au milieu une roue rouge à seize rayons.
La roue pour la roulotte
Le bleu pour le ciel.
Le vert pour l’espoir.
Leur hymne a été écrit par Jarko Jovanovic, sur une chanson populaire tzigane.
Ô Rom, toi l’homme, toi l’enfant,
Ô Rom, d’où êtes-vous venus
Dans vos tentes, sur les chemins de fortune.
Où êtes-vous, maintenant ?
Où sont les hommes ? Où sont les enfants ?
Comme vous, j’avais une grande famille
Comme vous, les hommes en noir l’ont massacrée. »
***
On les appelle les Roms et aussi les Gitans, les Tziganes, les Manouches, les Romanichels, les Saltimbanques, les Sans Papiers, les Bohémiens.
Il les appelait les Bohémiens.
En ces temps-là, la force publique démantelait leurs campements et organisait leur retour en Roumanie.
Il a fait partager son indignation dans une lettre adressée à Georges Sand le 12 juin 1867 :
“Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir.
L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots au Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète.
Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.” Gustave Flaubert.
.../...
ELLE se tient droite devant moi, à distance, les bras engoncés dans une robe immense. Elle regarde le sol sans me parler. Je lui promets qu’elle n’ira pas en prison.
Un ami de la CIMADE l’a accompagnée à mon cabinet pour que je la défende, car elle doit comparaître prochainement devant le tribunal correctionnel de Toulon. Quelques jours plus tôt, elle a été arrêtée par des policiers qui inspectaient la rue où elle mendiait avec sa petite nièce. Mais pour elles, ce n’était pas très grave, la faim est bien pire.
Une passantelui a donné une jolie robe et des petites chaussures : pour la petite fille. L’enfant baladin a pris le cadeau. Elle a rangé le précieux paquet à côté d’elle, sur le trottoir. Blottie entre les bras de sa tante, elle apprenait par cœur un poème :
« Il était une fois
une jeune demoiselle assise sur un nuage
quand elle regarda plus haut, en direction du ciel
quelques plumes tombèrent sur son visage
"A qui appartenez –vous ? "
Demanda t’elle aux plumes blessées
nous sommes les soupirs d'un ange
accroche-nous sur tes épaules et tâche de t'envoler
La petite fille observa les plumes un instant
puis dit finalement : Je vous remercie, petite plume , mais je ne puis accepter
Car du haut de mon nuage, elles ne me seront guère utiles.
Alors, doucement, les petites plumes continuèrent leur chemin
sans remarquer qu’au loin cette étrange petite fille possédait déjà
deux magnifiques ailes blanches
Toutes deux, virevoltantes dans les cieux
Semant derrière elles quelques soleils de cristal
Que nous humain, nommons tout bonnement étoiles.
Les petites plumes finirent par arriver sur terre
entre ombre et lumière, entre amour et guerre
elles virent une enfant pleurant à torrent
sans un bruit, s'approchant lentement, elles lui dirent :
Jeune enfant, chasse ton chagrin, sèche tes larmes
car aujourd'hui quelqu'un a entendu tes cris
nous, nous voulons de toi, envole toi,
sous tes pieds tu sentiras le sol léger
Le soleil n’est pas loin petit ange, accroche-toi … »
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Les policiers ont pris le sac, ont procédé à l’inventaire et à la saisie des biens mendiés.
Elles ont été ensuite conduites toutes les deux au commissariat du centre-ville.
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L’audience devant le tribunal correctionnel commença comme d’habitude dans un air irrespirable, saturé par la souffrance, alternant les affaires de vols, d’agressions sexuelles, de coups et blessures, de conduites en état d’ivresse.
L’affaire de la jeune femme fut appelée dans les derniers dossiers. Elle attendait depuis le matin, raidie par la peur. La présidente interrogea cette jeune femme très intimidée, elle voulait comprendre pourquoi l’enfant n’était pas à l’école, mais dans la rue.
Elle répondit au reproche en butant sur les mots, s’excusant en ces termes : parce que l’école est trop loin du campement.
Mais dans la salle on pouvait facilement entendre murmurer :
Parce qu’il faut bien comprendre que l’on n’est pas dans une position où on peut pas accueillir tout le monde, sinon ce serait n’importe quoi dans les écoles.
Parce qu’il faut faire face d’abord à d’autres besoins en réalité.
Parce que l’on est obligé de l’interdire à certains, ceux qui ne paient pas d’impôt, ceux qui ne financent rien.
Parce que si on ne fait pas preuve de suffisamment de rigueur on empêchera aussi les autres un jour d’y aller.
Parce que l’école de la France n’est pas là pour les cinq millions d’enfants sales de la rue, Saltimbanques, Romanichels, Manouches, Roms, Sans papiers, Bohémiens et Baladins,
Parce que tout simplement on ne peut pas marcher tout le temps sur la tête comme eux."
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Extraits du livre AVOCAT A VIF