EDITORIAL
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ienvenue dans le premier numéro de la Revue[1] Repères juridiques : professeurs, doctorants, étudiants, praticiens et tout intéressé, cette revue s’adresse à tous.
Dans l’éditorial consacré à la première parution de la revue « juris doctoria », le professeur Jean-Philippe Derosier, indiquait « Proposer une nouvelle revue au monde de la littérature scientifique, c’est affronter plusieurs défis et lancer plusieurs paris ». Ce propos inaugural est très symbolique de l’emprise morale de la responsabilité intellectuelle et scientifique qui incombe aux « tenanciers », pour emprunter un terme quelque peu réputé péjoratif, d’une revue juridique.
Une revue juridique classique, tel est le sésame qu’il faudrait bien de nos jours pour véhiculer l’information juridique, au quotidien, au Congo Brazzaville et pour susciter un corps doctrinal juridique vivant et décomplexé, rompu à la déferlante des chroniques de toutes sortes. Mais au-delà de cette première approche, quelque peu surannée et néanderthalienne du droit, comme l’affirme déjà à l’heure actuelle certains juristes tant théoriciens que praticiens, il semble opportun de reconsidérer les canaux de diffusion de la matière. C’est à juste titre que les concepteurs des repères juridiques ont jugé impérieux de procéder à une mutation structurelle majeure du mode de diffusion du droit ou de la science juridique.
Ce choix est celui de la dématérialisation du mode opératoire, c’est-à-dire le changement du procédé classique de publication des revues de droit (en version papier) par une version qui s’accommode bien de l’évolution des mœurs, de la société et du droit. Autrement dit, le passage de la revue papier à la revue numérique ou électronique, pour reprendre un terme qui est loin d’être un simple effet de mode : la revue dématérialisée.
La dématérialisation juridique devenue, sans contredit, un réel facteur de simplification de l’accès au droit, même si la fracture numérique limite considérablement les moyens d’accès, des individus, au droit de façon générale. Du fait de cet infléchissement à ce procédé, nous faisons alors le choix de la dématérialisation partielle, conception pas encore très répandue, en dématérialisant la revue pendant, même, qu’elle fait l’objet de parution classique (papier).
Ainsi, cette revue jouera, sans doute, le rôle ardu de pionnier en matière de droit général congolais diffusé en ligne.
Ce défi est également l’engagement de concevoir une véritable revue juridique, avec les rubriques traditionnelles de la littérature scientifique, mais essentiellement recentrée sur le droit général ou sur la science juridique. En adéquation avec l’idée de décloisonner les conceptions juridiques, ce choix se trouve justifié à plus d’un titre. En réalité, le droit est resté depuis plusieurs siècles une discipline transfrontière, car elle admet régulièrement des concepts renvoyant au syncrétisme scientifique comme l’interdisciplinarité, la multidisciplinarité et la pluridisciplinarité.
D’un point de vue général, il s’agit d’une récusation péremptoire de la formule classique de summa divisio chère à certains juristes, une affirmation du destin lié des disciplines du droit et, nous l’espérons, un refus de la tendance à la prééminence de la souveraineté des disciplines. A cet égard, si tant est que l’on puisse ériger des archipels de souverainetés dans les disciplines, que valent toutes les disciplines du droit privé et du droit public qui s’arc-boutent sur le droit des obligations ou le droit des contrats ? D’ailleurs, les civilistes MM. Flour et Aubert n’ont-ils pas énoncé qu’aucun juriste, privatistes ou publicistes fussent-ils, ne peut prétendre ignorer voire échapper au droit des obligations ?
Toutefois, la configuration du spectre congolais est particulièrement intéressante. Nous pouvons nous interroger comme tout juriste décontenancé, non pas au sens littéral du terme, une revue générale de droit de plus ! Pourquoi ? Nous nous assignons l’objectif de décloisonner les branches du droit général congolais et des droits d’ailleurs, sans acception d’une summa divisio quelconque.
En premier lieu, la pierre angulaire d’une telle acception est avant tout la dispersion du droit congolais, plusieurs disciplines sont codifiées par le législateur et les juridictions produisent régulièrement des décisions censées éclairer davantage les juristes et les citoyens congolais. Mais le véritable problème est celui de l’accès aux divers textes et à la jurisprudence, partant celui d’accès au droit. Que vaut l’affirmation du droit à la gratuité d’accès au juge, proclamé par la loi congolaise portant sur l’organisation judiciaire, si le citoyen congolais n’a pas accès au texte de référence ou face à un citoyen déguenillé mais victime d’une spoliation de droit ?
Cette dispersion ne stimule pas l’activisme juridique citoyen, au demeurant elle le décourage. Or, comme on peut le voir, elle est liée à la difficulté lancinante d’accès au droit au Congo Brazzaville. Au regard d’un paysage juridique d’information empreint de mutisme, l’immobilisme des théoriciens et des praticiens ne peut continuer à servir de maître-mot.
En second lieu, la pierre philosophale d’une revue de droit congolais ne peut, en aucun cas, être l’adhésion au phénomène de la spécialisation. Peut-on imaginer aujourd’hui des revues spécialisées de droit au Congo : droit du travail, droit de la nationalité, droit de la santé, droit de la sécurité sociale, droit des contrats, droit constitutionnel, droit pénal, droit administratif et des marchés publics, droit du commerce international, droit des sociétés, droit processuel ? Deux tendances peuvent se dégager de cette interrogation.
Tout d’abord, certaines branches du droit jouissent d’une certaine forme de floraison, c’est le cas du droit administratif congolais par l’entremise du droit des marchés et des contrats publics qui déploie tout un dispositif d’encadrement même si sa jurisprudence demeure en reste, on pourrait dire qu’il s’agit du printemps des marchés publics ; c’est aussi le cas du droit constitutionnel, au regard de la régularité cyclique des élections et du contentieux constitutionnel important ; c’est le cas du droit des finances publics dont le remodelage est plus que régulier avec la mécanique des lois de finances et des lois rectificatives des finances.
Ensuite, d’autres branches souffrent d’une forme extrême et aigue d’hibernation, car depuis l’adoption des premiers textes les consacrant, soit les textes d’application pris sont timides, soit aucun texte d’application n’a jamais été pris, parfois un texte en annule un autre sans mécanisme de renvoi… Au-delà de ces considérations, que vaut une revue de droit de l’environnement en droit congolais, pourtant la réalité s’y prête au vu du nombre important des instruments internationaux adoptés à cet effet, mais l’immobilisme de la loi-cadre applicable à ce jour (ne subissant aucune mise à jour) et le vide jurisprudentiel dissuadent d’emprunter les sentiers de la spécialisation. Sans convenance particulière, ce droit, ne serait-ce qu’au regard de l’évolution du monde et de tous ses enjeux, mérite un dépoussiérage, hélas il n’en est rien ! Sous ce rapport, la torpeur a gagné plusieurs autres disciplines du droit congolais, tant il devient impérieux que des corps de règles soient forgés là où rien n’existe et que des réactualisations soient faites par-dessus tout.
Il est important de comprendre que la revue donne la parole aux auteurs du droit tant praticiens que théoriciens. Il s’agit d’une revue à Comité de lecture dont les membres examinent les articles transmis puis maintiennent le cadre d’échange avec les auteurs. Ne prétend-on pas que la doctrine de demain est sur le web, pour reprendre Emmanuel Barthe, car la doctrine jouant en droit à peu près le même rôle que l’opinion en science politique, demain pour publier un article de droit nous n’aurons plus besoin des éditeurs.
Auteurs du droit à vos outils. Cybernautes, bonne navigation et cyberlecteurs, bonne lecture.
Aubin N'ZAOU
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