AF447 Rio-Paris : Une responsabilité pénale non-intentionnelle?

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AF447 Rio-Paris : Une responsabilité pénale non-intentionnelle?

L’origine de la diversification  des fautes non-intentionnelles

Si le droit pénal pose le principe selon lequel tout délit ou crime doit être intentionnel, elle crée néanmoins des infractions non intentionnelles qui reposent toutes sur la notion de mise en danger d'autrui. A l'analyse des éléments matériels (analyse de la faute, de la gravité du risque) il est demandé au juge de prendre en considération un élément subjectif concernant l'état de conscience de l'auteur de l'infraction.

L’article 121-3 du Code pénal rappelle dans son alinéa premier le principe selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». C’est pourtant dans ce même article que sont définies les fautes non-intentionnelles depuis la loi du 12 juillet 1992 instaurant le Nouveau Code pénal, article qui a été cependant modifié et complété par la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d’imprudence ou de négligence et par la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non-intentionnels. Cette dernière a eu des conséquences très importantes sur la diversification et la gradation des fautes non-intentionnelles et de ce fait sur la répression, en revenant notamment sur le concept traditionnel des fautes pénales et civiles et en élevant le degré de gravité de la faute par la création de la notion de faute caractérisée. Comment cette gradation se manifeste-t-elle ? Sur la base de quel critère ? Quelle conséquence cela a-t-il sur la sanction ?

La loi du 10 juillet 2000 répond au malaise de certains fonctionnaires et élus locaux face à l’augmentation inquiétante du nombre de mise en examen pour des délits non-intentionnels dans l’exécution de leur mission. En effet, avec la multiplication des risques et des accidents liés à la Révolution industrielle, l’opinion publique n’accepte plus la fatalité. Elle cherche donc par tout moyen un responsable.

Tout en supprimant la responsabilité pénale des personnes physiques, auteurs indirects d’une faute d’imprudence ordinaire, la loi a créée la faute d’imprudence caractérisée pour pouvoir engager la responsabilité  pénale dans certains cas de causalité indirecte. Toutefois, la loi du 10 juillet 2000 a restreint son champ d’application en ne faisant pas bénéficier de la nouvelle disposition les personnes morales. Ainsi, il suffit d’une faute d’imprudence ordinaire pour engager la responsabilité des personnes morales, qu’elles soient auteurs directs ou indirects.

Depuis une jurisprudence de la Cour de cassation du 18 décembre 1912, c’est le principe de l’identité des fautes civiles et pénales qui est retenu, à savoir qu’il ne peut y avoir de répression civile que s’il y a répression pénale. Cela conduisait donc les juridictions pénales à retenir des fautes normalement trop légères pour justifier une condamnation pénale, afin d’obtenir réparation au civil, et inversement à ne pas sanctionner une faute légère au pénal et de ce fait les victimes n’obtenaient pas d’indemnisation au civil. Ainsi, en exigeant une faute d’imprudence qualifiée (faute délibérée ou faute caractérisée), en cas de causalité indirecte, la loi du 10 juillet 2000 a retenu un système dualiste.

Le législateur n’a pas souhaité laisser de côté des fautes graves bien qu’elles ne soient pas intentionnelles. Ainsi, il a créé les fautes dites qualifiées, c’est-à-dire la faute caractérisée (article 121-3 alinéa 4 du Code pénal) et la faute de mise en danger délibérée d’autrui (article 223-1 du Code pénal). En effet, la loi  sanctionne par la faute caractérisée un comportement grave voire inacceptable qui n’était pas réprimé antérieurement. Ce n’est cependant pas une faute inexcusable au sens du droit du travail : il convient de ne pas les confondre. Quant à la mise en danger délibérée d’autrui, elle sanctionne un comportement risqué pour autrui et ce, même en l’absence d’un quelconque résultat dommageable.

L’article 121-3 alinéa 1 du Code pénal signifie que l’intention est indifférente en matière contraventionnelle. Par principe, il peut y avoir faute contraventionnelle avec ou sans avoir eu l’intention de la commettre. La faute contraventionnelle consiste en la simple inobservation d’une prescription légale ou réglementaire qui ne suppose ni intention de violer la loi pénale ni même imprudence ou négligence. Elle est en effet constituée dès que le fait réprimé par la loi est commis. La doctrine parle donc d’infractions matérielles.

La gradation des fautes non-intentionnelles à l’origine de l'existence d'une faute pénale

Sous le bénéfice de la loi du 10 juillet 2000, il convient d'examiner, les nouvelles conditions de mise en oeuvre de la responsabilité pénale en matière d'infractions non intentionnelles.

Les délits d’imprudence qualifiée : sanctionner la gravité du risque

La faute d’imprudence simple (ou ordinaire) est définie à l’article 121-3 alinéa 3 du Code pénal. Elle vient sanctionner l’imprudence, la négligence, la maladresse et le manquement  à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. L’article 121-3 pose le principe de l’appréciation in concreto de la faute d’imprudence ordinaire qui ne saurait plus être présumée ou déduite de la seule survenance d’un dommage.

Il existe deux types de fautes dites « qualifiées ».

La démonstration d'une faute qualifiée en matière d'infractions non intentionnelles n'est exigée par l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, que si les trois conditions suivantes sont réunies :

- l'infraction, objet de la poursuite, doit supposer la réalisation d'un dommage ;
- le prévenu doit être l'auteur indirect du dommage ;
- le prévenu doit être une personne physique.

a- La mise en danger délibérée d’autrui :

Il s’agit tout d’abord de la faute de mise en danger délibérée d’autrui qui correspond à l’incrimination d’un risque causé par une imprudence ou une négligence. L’auteur ne souhaite pas les conséquences éventuelles de la prise de risque mais ce risque est pris intentionnellement. Une dénomination générique est proposée à l’article 121-3 alinéa 2 du Code pénal mais il existe une définition légale du concept de mise en danger d’autrui avec des termes plus précis dans plusieurs articles du Code pénal.

b- La faute caractérisée :

Elle est définie à l’alinéa 4 de l’article 121-3 du code pénal. Il doit d’abord s’agir d’une imprudence ou négligence « caractérisée » c’est-à-dire d’une particulière gravité. Les fautes légères sont donc exclues contrairement à la mise en danger délibérée où la gravité de la faute n’est pas prise en compte. De plus, la faute doit exposer autrui à un risque grave. Par conséquent, le critère pour qualifier un comportement de faute caractérisée est non seulement la gravité de la faute mais aussi la gravité du risque. Enfin, la dernière exigence est la conscience du risque par l’auteur de l’infraction (élément intellectuel). Cette notion subjective a été laissée à la libre appréciation des juges qui l’ont utilisée de manière différenciée selon les milieux professionnels, sanctionnant davantage les chefs d’entreprise, soumis à des règlements précis en matière de sécurité, ou les élus des zones de montagne, censés être plus sensibilisés aux questions de prévention. La latitude qui leur est laissée est peut-être trop grande car elle leur permet de faire le tri entre les personnes qu’ils veulent condamner et les autres.

Ce sont donc ces délits que le tribunal de grande instance (TGI) de Toulon a reconnu, mardi 28 septembre 2010, « l'existence d'une faute pénale » lors de l'accident de l'Airbus d'Air France AF447 Rio-Paris afin d'attribuer une provision d'indemnisation à la famille d'une des victimes avant la fin des enquêtes technique et judiciaire. La commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales (Civi) du TGI de Toulon a considéré qu'elle pouvait verser une provision d'indemnisation de 20.000 euros à la famille d'une hôtesse de l'air, car « la coexistence de défaillances antérieures et de la défaillance constatée la nuit du crash, affectant les deux sondes Pitiot », suffisait pour déduire « l'existence d'une faute pénale caractérisant le délit d'homicide involontaire ».

En considérant « la coexistence de défaillances antérieures et de la défaillance constatée la nuit du crash, affectant les deux sondes Pitiot », suffisait pour déduire « l'existence d'une faute  pénale caractérisant le délit d'homicide involontaire ».

C’est ce qui s’emble montrer l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal prévoyant qu'une faute "qualifiée" doit être établie en cas de causalité indirecte entre la faute et le dommage. La nécessité d'établir une faute qualifiée n'est imposée par l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal qu'au profit de ceux « qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter ». L'analyse du lien de causalité est donc déterminante puisque selon son caractère, direct ou indirect, le juge, pour entrer en voie de condamnation, pourra ne relever que l'existence d'une faute simple (causalité directe) ou devra établir l'existence d'une faute entrant dans les prévisions des dispositions précitées (causalité indirecte).

 

Par ISSA SAID

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1 Publié par plebriquir
29/09/2010 16:19

Cher Issa,
Comme d'habitude, merci pour votre article. C'est amusant, j'étais en train de préparer un commentaire d'arrêt où notre cher article 121-3 est également à l'honneur. Puis-je faire un lien vers vôtre billet?
Cordialement

2 Publié par issa said
29/09/2010 18:46

Mr Blebriquir.

Je vous remercie énormément pour l'importance que vous accordiez à mes articles. ça me fait du bien et c'est un signe encourageant.

Pour la question sollicitée à mon égard, aucun souci, vous pouvez faire ce que vous semble de mieux.

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