Introduction
Bien qu’il existe de nombreuses règles en vigueur ayant force obligatoire, la réglementation nationale ou internationale des activités du commerce, de la finance et des investissements en rapport avec les droits de l’homme ne doit pas se traduire par l’imposition de contrôles indus sur les acteurs transnationaux ou par la mise en place de protections inefficientes.
En effet, compte tenu de l’impact négatif des Sociétés Transnationales (STN) sur toutes les catégories des droits de l’homme, en particulier les violations du droit de la santé par les STN pharmaceutique, les conditions de travail désastreuses et pratiques d’esclavage moderne, les conséquences de l’environnement, la santé et le développement de l’essor des organismes génétiquement modifié, etc., il nous semble évident qu’il est temps de mettre en place un régime international complet qui considère les droits de l’homme comme faisant partie intégrante de la conduite internationale du commerce, des investissements et des finances, en particulier les comportement des STN qui sont les principaux acteurs dans ces domaines.
Cette réglementation devrait, de référence, orienter lesdits opérateurs pour créer les conditions leur permettant de satisfaire les objectifs de développement national et international, tout en réalisant des bénéfices raisonnables. A ce sujet, le rôle des gouvernements est capital dans l’instauration de politique de développement national rentable et conforme aux aspirations de leurs populations, tout en gardant une ouverture, bien nécessaire, sur l’économie mondiale.
Ces créations du droit interne mais, qui agissent beaucoup au niveau international sans que le Droit International Public (DIP) possède d’institutions pertinentes, sont fondées sur des bases juridiques obligatoires pour toutes les personnes physiques ou morales, indépendamment du fait que les règles ou normes en question soit plus ou moins respectées dans les faits. En d’autre terme, les STN sont des personnes morales de droit privé et, en que telles, elles sont des sujets et des objets de droit, auxquels les normes juridiques en matière des droits de l’homme s’appliquent nécessairement de façon contraignante. Mais Quel statut ont ces organisations? Sont-ce un sujet de droit unifié avec des relations d’autorité et avec des représentations différentes en droit local ou plutôt des acteurs distincts?
Dans cette présente étude, nous allons d’une part identifier les textes, indépendamment de leur nature juridique contraignante ou non, qui s’appliquent aux STN soit de façon générale, soit en rapport avec le droit pénal international, soit en rapport avec le droit international du travail, ou en rapport avec le droit international de l’environnement. D’autre part, il faudrait rendre compte du phénomène des codes de conduite; ces textes volontaires qui s’adressent en particulier aux STN et qui ont été élaborés par ces mêmes entreprises, par des ONG des organismes indépendants ou par des organisations intergouvernementales internationales.
Les tendances textuelles applicables aux STN
Bien qu’ils ne s’adressent pas spécifiquement aux STN, plusieurs instruments internationaux peuvent être interprétés comme s’appliquant à la fois aux « personnes physiques » comme aux « personnes morales » y compris les STN, en tant qu’ « organes de la société », « institution », « organisations » ou encore en tant qu’ « entreprises », « secteur privé » ou « entités juridiques privées ».
Ces textes juridiques sont, certes, de nature juridique différente pouvant être des traités/conventions ou adoptés sous formes de déclarations et résolutions par des organismes universels ou régionaux. Ces textes qui sont a priori dépourvus de force contraignante, on rappellera simplement que leurs dispositions font partie intégrante du droit international, soit en tant que principaux de droit qui ont été assez souvent appliqués par des tribunaux nationaux ou internationaux, soit en tant que normes coutumières internationales confirmées par la pratique étatique et interétatique.
Dans cette catégorie, on peut citer d’abord, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui énonce les droit fondamentaux des personnes et fait obligation aux gouvernements et à d’autres organes de la société à garantir ces droits, le Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social de 1969, la déclaration sur le race et les préjugés raciaux adoptée par la conférence générale de l’UNESCO à Paris en 1978, la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, proclamée par la l’Assemblée Générale des Nations Unies le 25 novembre 1981, la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus de 1998.
On peut ajouter ensuite dans cette optique d’onde, des textes conventionnels ayant une vocation générale ou spécifique, qu’ils soient universels ou régionaux, mais il nous semble qu’ils sont aussi applicables aux STN. Au niveau universel, il s’agit de toutes les conventions relatives aux droits de l’homme à commencer par les pactes internationaux de 1966, en passant par la convention internationale su l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, dont l’article 2 fait mention claire à la notion de l’entreprise en faisant obligation aux États parties de « prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l’égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque… ».
Cependant, le DIP a très, peu à dire sur les multinationales. Elles bénéficient de la protection des étrangers qui peut leur être pertinente (particulièrement contre l’expropriation sans compensation), mais pour le reste elles sont invisibles. Le DIP évolue très lentement en la matière. Ceci leur permet de choisir le forum dont elles dépendent (forum shopping) et de faire jouer les droits nationaux les uns contre les autres et échapper à toute réglementation. Mais si le DIP n’évolue pas dans le sens de la réglementation voulue, le droit international pénal est en mesure de nous élucider quelque chose sur la responsabilité pénale internationale des STN.
En Droit International Pénal plusieurs instruments internationaux témoignent une prise en compte de la responsabilité des STN. En vertu de ces instruments juridiques, les personnes, y compris les STN en tant que personnes morales et leurs dirigeants en tant que personnes physiques, sont tenues pénalement responsables de leurs actes ou omissions. Parmi ces instruments, on peut noter, la convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage de 1957, la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, la Charte de Nuremberg de 1968, le statut de Rome de la Cour Pénale internationale de 1998, la convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid de 1973, la convention pour la répression de la traite des être humains et de l’exploitation de la prostitution d’’autrui de 1949.
Là encore, certains instruments, par exemple ceux qui ont trait à la corruption, à la criminalité transnationale organisée ou à la criminalité informatique mettant en particulier l’accent sur les responsabilités des personnes morales.
Il faut encore ajouter d’autre domaine faisant engager la responsabilité des STN comme le statut des droits du travail qui a une place importante dans toute discussion sur a la question qui nous intéresse. Comme l’énoncent les conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).
Dans un autre domaine, notamment de l’environnement où les STN avancent systématiquement l’argument de la compétitivité/concurrence ou celui de l’absence de règles applicables en la matière dans les pays d’accueil pour justifier le non respect des normes environnementales, auxquelles elles s’opposent d’ailleurs de façon explicite. Pourtant, elles ont énormément de responsabilité qui découlent de plusieurs textes internationaux, obligatoires ou volontaires, universels. À ce stade, peut-on citer les conventions sur la diversité biologique, sur la couche d’ozone, sur les mouvements des déchets toxiques, sur le commerce des espèces menacés, la convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal du conseil de l’Europe, adoptée en 1998. Citons également les conventions de Bâle de 1989 et de Bamako de 1991 sur les mouvements transfrontières des déchets dangereux et leur élimination, la convention d’Helsinki de 1992 sur les effets transfrontalières des accidents industriels majeurs, celle de Lugano de 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de 1969.
Ainsi donc, ces textes s’adressent à ces entreprises soit en tant qu’entités industrielles et commerciales, soit en tant que STN. Ces dernières sont redevables à notre sens des normes, en particulier en matière d’environnement qui ont été énoncées dans un grand nombre d’instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes auraient même acquis, selon certains, le caractère d’obligation erga omnes de prévention des dommages.
La Cour Internationale de Justice (CIJ), qui a créé en juillet 1993 une chambre pour les questions environnementales en son sein, a récemment eu l’occasion de souligner toute l’importance que revêt le respect de l’environnement. À son avis « non seulement pour les États mais aussi pour l’ensemble du genre humain », y compris donc les intervenants ou publics.
Les tendances des codes de conduite
Les STN constituent un phénomène d’une grande importance et ampleur dans la société contemporaine et posent des problèmes économiques, financiers, juridiques, sociaux et humains spécifiques. Leur caractère transnational, leur versatilité économique et juridique, leur énorme puissance économique et financière et leur grande influence politique et sociale ne sont pas les moindres de ces problèmes. Lesdites caractéristiques constituent en plus des obstacles importants pour les tentatives d’exercer un contrôle juridique et social sur les STN.
En réaction à cela, la technique d’autorégulation reste, néanmoins, l’élaboration de codes de conduite. Ce dernier est un document juridique non-contraignant adopté par une entreprise, posant un ensemble de règles et de principes sur lesquels l’entreprise va baser son comportement. Ces codes sensés érigés une structuration formelle de l’entreprise, sont destinés à faire respecter les droits de l’homme, les normes du travail et de l’environnement, la préservation des ressources naturelles, ou encore les libertés individuelles et politiques.
L’intérêt de ces codes, est de parvenir à autoréguler le comportement des STN et de remplir ses obligations en matière des droits de l’homme. Cette démarche est vue comme un outil de relation publique, permettant à l’entreprise d’améliorer son image, accroissant ainsi la confiance qu’a le public dans l’entreprise et ses produits. Ils permettent également aux STN de renforcer avec les Etats d’accueil, ce qui leur permettra d’avoir des relations commerciales préférentielles. En outre, le respect des droits de l’homme, contribue à réduire les risques, conflits et retard dans les projets de développement controversés dans les Etats d’accueils souffrant de stabilité politique. Mais ces codes sont-ils capables de remplir leurs obligations en matière des droits de l’homme ?
Les codes de conduite contiennent largement des obligations que se reconnaissent les STN. Certains d’entre eux portent un seul aspect du travail, alors que d’autres contiennent tout un éventail d’engagement sur les normes fondamentales du travail.
Les droits de l’homme, bien que figurant dans de nombreux textes comme nous l’avons expliqué plus haut, sont souvent reformulés par les entreprises. Ainsi le code de pratiques commerciales de la Fédération internationale des industries du jouet (FIIJ), reformule l’interdiction de recours au travail forcé. Il prévoit dans une partie sur la main d’œuvre employée, « qu’il ne soit en aucun cas fait appel à une quelconque main d’œuvre forcée ni recouru au travail en milieu carcéral, que les employés soient libres de quitter le site de l’entreprise une fois leurs temps de travail écoulé, et que les gardes éventuellement chargés d’assurer la surveillance des locaux n’aient vocation qu’à assurer des tâches de sécurité normales. » Dans ce code, il est suggéré que l’entreprise respecte les droits de l’homme, dès l’instant où le travailleur peut rentrer chez lui après avoir effectué ses heures de travail.
Néanmoins certains codes de conduite font référence à la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi qu’à la liberté d’expression ou plus largement au respect des institutions démocratiques.
En Europe, la préoccupation de cette autorégulation des STN est témoignée par une résolution du parlement européen en janvier 1999 auquelle se réfère aux textes de l’OIT. Cette résolution demande à la Commission européenne de mettre sur pied un comité de surveillance afin d’évaluer la manière dont les sociétés européennes travaillent dans le Tiers Monde. Mais des doutes subsistent quant à la volonté de la Commission de s’engager sr ce point.
Mais la question ici, ne porte pas sur la mise en œuvre ou pas de ces codes de conduite. La question qu’il convient de se poser est de savoir quelles obligations doit-on imposer aux STN et par quels moyens ? Certes, certains droits et valeurs peuvent être considérés comme universels du fait de leur reconnaissance par les Etats dans de nombreux instruments juridiques. Si on prend l’exemple du droit à la négociation collective ou l’interdiction des enfants, on peut considérer que ce sont des droits largement reconnus mais dont la mise en œuvre n’a pas donné à un consensus. Les Etats unis par exemple, n’ont ratifié ni la convention 154 (1981) sur les négociations collectives, ni la convention 138 (1973) sur l’âge minimum des travailleurs de l’OIT. Mais cela ne suffit pas de dire que les Etats Unis sont opposés aux droits des négociations collectives ou à l’interdiction de travail des enfants, ils refusent en revanche, de ratifier une convention dont les exigences ne sont pas en adéquation avec la législation américaine.
Donc, essayer d’inciter les STN à respecter les droits de l’homme et punir celles qui ne le font pas, revient à construire un nouveau cadre normatif en droit international. Un tel cadre est le résultat de plusieurs étapes que sont l’établissement des standards, les progrès dans le contrôle et l’information sur les abus commis, la criminalisation de ces abus en droit international et la création des moyens institutionnels effectifs pour punir les « délinquants ». il en est ainsi du cadre normatif visant à imposer des obligation en matière des droits de l’homme aux Etats.
Conclusion
Aux termes de notre travail il convient de souligner le manque de volonté des Etats à s’engager véritablement dans le domaine de la responsabilité des STN. Ces Etats sont toujours réticents à créer des nouveaux traités internationaux relatifs à la responsabilité de ces grandes sociétés. Alors qu’il ne semble pas que les traités existant en matière des droits de l’homme puissent être interprétés de façon à considérer les STN comme des destinataires directs de ses obligations.
Ainsi, les STN ne sont plus traitées seulement comme des partenaires mais également comme titulaires d’obligation en matière des droits de l’homme. Ces obligations ont été définies par les lignes directrices de l’OCDE, les propres déclarations des entreprises et leur participation au Pacte Mondial des Nations Unies. Soulignons que l’absence d’une juridiction internationale spécifique pour sanctionner les infractions internationales des entreprises n’a pas empêché l’imposition d’un certain degré de responsabilité aux STN.
Par ISSA SAID