Initialement prévu pour le lundi 6 septembre 2010, le procès dit de la filière café-cacao a d’abord été repoussé au 8 septembre avant d’être renvoyé au 16 novembre prochain par le tribunal correctionnel d’Abidjan-Plateau. Faut-il voir dans ces différents reports de date l’expression de l’embarras du pouvoir dans une affaire judiciaire dont il est pourtant le commanditaire ?
On se rappelle, en effet, que l’inculpation, suivie de l’arrestation en juin 2008 de la trentaine d’anciens dirigeants de la filière cacao, est l’aboutissement d’une vaste enquête ordonnée par le chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo.
Une opération diversement accueillie par l’opinion, les thuriféraires du pouvoir y voyant la volonté manifeste du président de lutter contre la corruption, les contempteurs du régime dénonçant un simulacre de coups de balai à des fins électorales. Allez démêler le vrai du faux.
En tout cas, le nombre de griefs retenu contre les ex-princes du café-cacao est à la hauteur du montant de la présumée malversation (150 milliards de franc CFA) : « Détournement de fonds, abus de confiance, abus de biens sociaux, escroquerie, faux et usage de faux en écriture privée de banque ». Himalayen !
Quand on sait que la plupart des prévenus furent ou sont toujours des barons proches du Front populaire ivoirien (FPI), parti au pouvoir, on ne peut s’empêcher de s’interroger mille et une fois.
Que vise réellement le démantèlement de ce gang financier qui aurait, susurre-t-on, contribué à l’effort de guerre au temps fort de la crise ? Serait-ce de la simple com. politico-judiciaire ou plutôt les prémices d’une nouvelle ère de gouvernance ? Quid de la part de responsabilité du président, de sa famille et de son parti dans cette spoliation de la filière très lucrative du café-cacao ? Autant de questions qui en disent long sur les enjeux du procès à venir.
Bien que renvoyée au 16 novembre prochain, c’est-à-dire en principe après le 31 octobre, date annoncée de la présidentielle, la perspective du procès servira, sans nul doute, de fonds de commerce au candidat Gbagbo. Véritable prestidigitateur politique, le président sortant saura transformer cette affaire de la filière café-cacao en filon politique.
Qui connaît l’importance de ces deux produits d’exportation dans l’économie ivoirienne et le nombre de familles qui en tirent leurs revenus directs mesure aisément les enjeux électoraux que recèle cette affaire judiciaire. La simple promesse de faire rendre gorge aux anciens barons des précieuses fèves et cabosses peut procurer des voix.
Surtout que, dans une élection qui s’annonce très serrée, tous les coups seront portés. Et Gbagbo, déjà qualifié de « M. Propre », de « chevalier blanc » et de « redresseur de tort » a une longueur d’avance sur ses adversaires.
Par Alain Saint Robespierre
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