Pour la première fois, le groupe pétrolier BP et les victimes de la marée noire dans le golfe du Mexique se feront face devant la justice, jeudi 29 juillet à Boise (Idaho, ouest des Etats-Unis), en prélude à ce qui pourrait être l'un des procès de la décennie.
Face aux quelque 200 plaintes déposées par les victimes de la marée noire devant les tribunaux de plusieurs Etats américains, les sept juges fédéraux du Panel des Litiges Multi-Etats (le Panel MDL, en anglais) doivent répondre à deux questions: les plaintes doivent-elles être rassemblées en une seule? Où se tiendront les audiences d'avant-procès et sous la présidence de quel juge?
Plusieurs années de procès en perspective
Aucune décision ne devrait être prise jeudi -- les juges devraient se prononcer dans un délai de une à deux semaines -- mais l'audience fait figure de galop d'essai pour les avocats des parties en présence, à l'aube d'une affaire qui pourrait durer des années.
Tous les acteurs de la catastrophe feront jeudi le voyage dans la capitale de l'Idaho: le groupe BP, Transocean (propriétaire de la plateforme Deepwater Horizon, dont l'explosion le 20 avril a provoqué la marée noire), la société Cameron (fabricante du "bouchon" défaillant qui n'a pu empêcher l'écoulement du pétrole) ainsi que les multiples plaignants, des familles des victimes de l'explosion, qui a fait onze morts, aux pêcheurs du Golfe du Mexique, en passant par les actionnaires qui ont vu chuter les cours de bourse.
S'il est probable que les juges décideront de rassembler les plaintes - pour des raisons de simplification de procédure - les questions les plus sensibles seront le choix du tribunal et la personnalité du magistrat.
Un juge d'expérience serait privilégié
"Pour des raisons pratiques, le panel devrait être enclin à choisir un tribunal situé près du Golfe du Mexique", car les témoins sont majoritairement situés dans cette région, déclare à l'AFP Richard Nagareda, professeur de droit à l'Université de Vanderbilt, spécialiste des plaintes en nom collectif.
Richard Arsenault, l'un des avocats des plaignants, considère pour sa part que l'avant-procès devrait se tenir en Louisiane, l'Etat dont les côtes étaient les plus proches de la plateforme pétrolière.
"Mais dans cette affaire, je pense que c'est l'expérience du juge que le panel MDL va d'abord prendre en considération, et les autres facteurs passeront au second plan", déclare-t-il à l'AFP.
Richard Nagareda partage cet avis. "Je pense que le panel fera très attention à choisir un juge sans aucun lien financier ou professionnel avec l'industrie du pétrole, pour que son impartialité soit au-delà de tout soupçon", dit-il.
Où qu'elle se tienne au final, l'affaire promet d'être retentissante. Richard Nagareda la compare au procès du constructeur japonais Toyota, poursuivi en Californie pour des défauts de fabrication présumés de ses véhicules.
La SEC enquête sur un délit d'initiés
Le rendez-vous judiciaire de jeudi intervient pendant une semaine chargée pour BP. En parallèle des prémices du procès marée noire qui s'annonce retentissant, l'autorité des marchés financiers américains (SEC) enquête sur un possible délit d'initiés commis par des tiers sur l'action du groupe pétrolier britannique BP dans le cadre des efforts contre la marée noire, a affirmé mercredi la chaîne d'informations financières CNBC.
"La SEC enquête, selon des personnes proches du dossier, sur le fait de savoir s'il y a eu des opérations de marché anormales liées aux actions de BP", affirme CNBC.
L'agence étudie en particulier la période du 20 avril, date de l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon, à la fin juin, au moment où le groupe tentait à tout prix de recouvrir le puits d'où s'échappait du pétrole.
"L'enquête se concentre sur la possibilité que des tiers, comme des fonds spéculatifs, aient réalisé des échanges qui indiqueraient qu'ils disposaient d'informations sur le succès ou l'échec des efforts de BP pour arrêter la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique", ajoute CNBC.
BP s'était contenté d'indiquer mardi dans le document remis à l'agence gouvernementale sur la publication de ses résultats du deuxième trimestre que "la SEC et DoJ (ministère de la Justice, ndlr) conduisent des enquêtes informelles sur des questions de titres financiers en relation avec l'incident" de la plateforme Deeptwater Horizon, à l'origine de la plus grande marée noire jamais connue aux Etats-Unis.
Une marée noire qui contribue très fortement aux mauvais résultats de BP puisque sa perte trimestrielle annoncée de 16,9 milliards de dollars s'explique par les 32,2 milliards de dollars de provisions passés pour couvrir les frais techniques et judiciaires liés à la catastrophe.
(Nouvelobs.com avec AFP)