Gestion du contentieux des affaires et sécurisation des investissements dans l'espace OHADA

Publié le Modifié le 07/01/2011 Vu 8 711 fois 1
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Aux lendemains des indépendances, les Etats africains nouvellement affranchis du giron colonial se sont retrouvés avec des handicaps sérieux. Une telle situation est le résultat d'un passé assombri par la colonisation. Sans doute, l'Afrique dans sa généralité, est la partie du monde où la conception d'un modèle de reconstruction constitue une urgence, et l'union qui est la voie idéale pour parvenir à cette fin, doit susciter chez ses peuples respectifs un sentiment de survie et de nécessité. Justement pour ce faire, un certain nombre de facteurs semblent militer en faveur d'un rapprochement, d'une dynamique d'Intégration devant favoriser l'émergence d'une Afrique forte et stable dans tous ses domaines, unifiée dans toutes ses parties. Sous ces éclairages, il apparaît que devant la nécessité de reconstruction d'un continent décimé, et fortement affaibli. Face au défi de l'union, perçu comme la voie de salut pour le continent. La culture, l'histoire et même le milieu physique, semblent à maints égards y apporter leurs concours.

Aux lendemains des indépendances, les Etats africains nouvellement affranchis du giron colonial se sont retro

Gestion du contentieux des affaires et sécurisation des investissements dans l'espace OHADA

Depuis 1993 une nouvelle institution est venue garnir le cadre des organisations internationales africaines. Cette institution se veut très ambitieuse, dans la mesure où elle n'entend pas se confiner dans aucune zone régionale ou sous régionale. L'Organisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), comme son nom l'indique, a une ambition continentale. Elle désire l'adhésion de tous les Etats africains, conscients aujourd'hui que l'Unification de leurs différentes législations est la passerelle ultime pour favoriser la renaissance de leurs économies.

Les investisseurs étaient sans cesse confrontés aux législations hétérogènes. Ils étaient à la merci d’un environnement martelé par une instabilité juridique et judiciaire aux conséquences souvent catastrophiques pour eux et par conséquent, pour les pays qui les accueillaient. opérateurs économiques, ils avaient coutume de dénoncer une situation qui leur était préjudiciable. Celle-ci était caractérisée par la coexistence de textes contradictoires, par la lenteur des procédures, par l’imprévisibilité des tribunaux, la corruption des systèmes judiciaires et les difficultés d’exécution des décisions.

Ces imperfections ne faisaient que repousser les investisseurs étrangers, français notamment, tout en lésant les entrepreneurs africains. Il est donc indéniable que la balkanisation juridique[1] et l’insécurité judiciaire constituaient une entrave réelle au développement économique. L’harmonisation du droit des affaires et l’amélioration des systèmes judiciaires étaient donc considérées comme nécessaires pour restaurer la confiance des investisseurs, faciliter les échanges entre les pays et développer un secteur privé performant. L’harmonisation du droit des affaires constituait pour ces pays une nécessité pour créer les conditions favorables à l’instauration d’un espace de sécurité juridique et judiciaire indispensable pour drainer d’importants investissements.

Le droit de l’OHADA apparaît  comme un acte réalisant une grande révolution tant en ce qui concerne l’étendue des matières qu’il englobe que s’agissant de son domaine d’application directe dans l’espace OHADA. Un double constat s’impose en effet ici, qui marque son originalité :

 

  • D’une part, afin d’organiser un cadre juridique propice au développement des investissements, les auteurs du Traité OHADA ont défini très largement le domaine du droit des affaires africain.
  • D’autre part, l’institution d’une « Communauté Économique Africaine », objectif final du processus d’intégration dont le Traité OHADA ne constitue que l’une des étapes, nécessitera l’abandon de certaines parcelles des souverainetés nationales.

Ainsi le traité de l’OHADA qui en est l'aboutissement fixe des règles substantielles des conditions de nature à atténuer l'insécurité juridique et judiciaire fréquemment relevées par les Etats et les opérateurs économiques.

Donc, afin de mieux faire la part des choses entre gestion du contentieux et sécurisation des affaires, nous allons mettre notre accent sur deux axes:

I. L’instauration d’une sécurisation juridique d’un droit des affaires harmonisé :

Cet axe visera essentiellement a montré si l’objectif de l’OHADA de la sécurité juridique du droit des affaires a été atteint. A cette fin, nous mettrons notre accent  à cette question en étudiant les moyens mis  en place pour obtenir la sécurisation du droit des affaires renforcé, par les Etats membres de l’OHADA qui les ont mis en place, grâce au Traité de l’OHADA, des organes chargés de veiller au bon fonctionnement et au bon ordre juridique à l’intérieur de l’espace OHADA.

II. L’institution d’un système judiciaire de contrôle et de règlement des différends :

Ce dernier axe  va étudier les institutions crées par les rédacteurs de l’OHADA, qui ont été instituées  pour mission d'assainir l'environnement judiciaire des entreprises et des entreprises étrangères afin que celles-ci puissent enfin évoluer dans un environnement sain. Ces institutions sont : L'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature et la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.

 

I. L’instauration d’une sécurisation juridique d’un droit des affaires harmonisé

 

Pour stimuler les initiatives économiques et assurer plus de fiabilité au corpus juridique des Etats, les Etats membres de l’OHADA ont mis en place, grâce à ce Traité, des organes chargés de veiller au bon fonctionnement et au bon ordre juridique à l’intérieur de l’espace OHADA. Il s’agit du Secrétariat Général et surtout du Conseil des Ministres de l’OHADA (A). Sur le plan organique, ces deux institutions concourent de concert à la sécurité juridique dans l’espace OHADA et occupent une place prépondérante et sont le support des décisions politiques de l’OHADA car ils disposent de compétences importantes. De même, ces Etats ont mis en place des règles appelées « Actes uniformes » (B) chargés de régir le droit des affaires uniformisé. Ce nouveau droit des affaires a eu un apport non négligeable pour l’ensemble des pays membres de l’OHADA.

 

A. Le conseil des ministres et la sécurité juridique

 

Les Etats  membres de l’OHADA ont voulu régler le problème de la disparité de leurs normes juridiques en matière de droit des affaires. Cela passait nécessairement par une uniformisation de ces règles par le biais d’un organe législatif commun à tous ces Etats. Cette uniformisation qui permet une application directe des règles du droit des affaires des pays membres est possible grâce à l’OHADA. Afin d’uniformiser ces règles, il fallait mettre en place un organe commun à tous les Etats membres. Pour ce faire, on a choisi de créer le Conseil des Ministres et de lui confier cette tâche. Le Conseil des Ministres qui est un organe composé de membres de l’exécutif des pays membres va donc avoir une certaine compétence pour agir dans la sphère législative.

Le Traité OHADA a prévu la création d’un organe particulier, le Conseil des Ministres. Pourquoi cela a-t-il été mis en place ? Quel est son mode de fonctionnement ? Les rédacteurs du Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ont prévu une structure supranationale appelée Conseil des Ministres. Cet organe a été créé afin d’harmoniser le droit des affaires des Etats membres de l’OHADA ce qui permettra de faire cesser l’insécurité juridique dont sont victimes les entreprises en Afrique.

Le Conseil des Ministres de l’OHADA est composé de certains ministres des Etats membres. En effet, tous les ministres de ces Etats n’en font pas partie. Pour siéger au Conseil des Ministres, il faut être Ministre de la Justice ou Ministre des Finances d’un des Etats membres ; la dénomination exacte importe peu (cela peut être le Garde des Sceaux ou le Ministre du budget), ce qu’il faut, c’est être ministre en charge de la justice ou des finances. C’est ce qui ressort de la lecture de l’article 27 du Traité.

Les Ministres de la Justice et des Finances des Etats membres de l’OHADA se réunissent au minimum au moins une fois par an. Pour se faire, il faut qu’il soit convoqué. En ce qui concerne la convocation, celle-ci ne peut être faite que par son Président, par une tierce personne (peut importe que la personne soit physique ou morale, il faut qu’elle appartienne à l’un des pays membres et sera, en principe, un des Ministres de la Justice ou des Finances de ces Etats) mais à l’initiative du Président ou lorsque des pays membres représentant un tiers des membres du Conseil de demande. L’OHADA étant composé de 16 pays, cela signifie qu’il faudra que cinq membres plus une demande la convocation du Conseil[2].

Le Traité OHADA a prévu un important transfert des compétences législatives au Conseil des Ministres. Cependant, ce transfert est limité. En principe, l’exécutif n’a pas à agir dans la sphère législative, sauf habilitation expresse. Cela découle de la théorie de la séparation des pouvoirs[3] qui est en vigueur dans l’ensemble des pays membres et dans la quasi-totalité des pays du monde. Ici, le Conseil des Ministres dispose, grâce à l’OHADA, de compétences qui appartiennent aux Parlements nationaux. Ayant confié une partie des prérogatives législatives à l’exécutif communautaire, le Traité n’a pas prévu de Parlement communautaire.

Les promoteurs de l’OHADA ont choisi de confier au Conseil des Ministres compétence pour édicter les normes qui caractérisent le droit communautaire à savoir les actes uniformes. On sait qu’en droit interne, la plupart des constitutions des Etats membres reconnaissent aux Parlements nationaux compétence pour ce qui concerne les matières constituant le domaine du droit harmonisé. On peut donc, au vu de cela, reprocher au système législatif de l’OHADA de porter atteinte à la distribution constitutionnelle nationale des compétences car il confère aux membres de l’exécutif la compétence qui revient de droit aux représentants élus des peuples, et au-delà, aux peuples qui les ont mandatés.

En ce qui concerne le problème du choix entre l’application de la norme communautaire et la norme législative nationale, c’est-à-dire entre le Traité OHADA et la loi des différents Etats membres, l’article 10 du Traité édictant une primauté du droit communautaire sur le droit interne, il suffira aux membres du pouvoir judiciaire d’appliquer le Traité bien que la législation nationale ne lui soit pas contraire.

La création d’un organe législatif supranational était nécessaire pour atteindre l’objectif d’unification des législations nationales. Dans la mesure où certains Etats africains voulaient disposer d’une législation commune quant à certaines matières relatives au droit des affaires (nous verrons dans notre deuxième titre que toutes les matières du droit des affaires ne sont pas encore prises en compte par l’OHADA et plus spécifiquement, pas ses actes uniformes), il apparaissait normal qu’ils se dotent d’une institution représentative des différents Etats. Etant donné l’aide que les organisations internationales et les pays occidentaux, principalement la France, ont apporté à la création de l’OHADA, il était logique de penser que les Etats africains allaient se tourner vers eux et copier leurs institutions.

Il est très facile d'affirmer que le traité de l'OHADA n'opère un transfert de compétence aux institutions communautaires qu'à propos du droit des affaires puisque c’est le droit des affaires est la raison d’être de ce Traité. Mais, la lecture de ce texte laisse perplexe quant à la détermination des nombreuses matières que recouvre forcément cette terminologie. La notion de « droit des affaires » telle qu'elle est envisagée par le Traité est beaucoup plus vaste que le contenu de la matière telle qu'on a l'habitude de l'appréhender dans les manuels de droit.

La sécurisation juridique de l’OHADA est donc le fait d’un organe supranational composé exclusivement des membres des pays membres et non d’une émanation de la représentation nationale de chacun des Etats. Le Conseil des Ministres sécurise le droit des affaires en adoptant des règles qui s’appliquent directement dans tous les Etats membres, ces règles sont appelées Actes uniformes et apportent de nombreuses innovations.

 

B. Les actes uniformes : Moyens d’obtenir une sécurité juridique

 

Pour assurer une protection effective des investissements, le Traité de l’OHADA précise dans son article que « les actes pris pour l’adoption des règles communes prévues à l’article premier du présent traité sont qualifiés ‘’Actes uniformes’’ ». Ainsi les actes uniformes permettent  la matérialisation de la volonté d’harmonisation et contiennent les innovations que cette volonté a suscitées.

Les actes uniformes ont un domaine qui est précisé par le traité. Leur élaboration se fait conformément a une démarche placée sous le triple signe du réalisme, du gradualisme et de la concertation, tant en ce qui concerne les matières devant être harmonisées que relativement au processus d'adoption de ces actes. Si le droit des affaires, dans sa conception actuelle, est né en Afrique avec la colonisation[4], la nouveauté aujourd'hui, c'est que les Etats africains indépendants reviennent vers un nouveau droit commun, mais cette fois fruit de leur œuvre collective et libre (même si on peut mettre ici le bémol lié à la grande implication de la France tant au moment de la conception que de la mise en place du Traité OHADA).

Compte tenu de la complexité et de l'étendue des matières pouvant relever du droit des affaires (ce que nous avons déjà évoqué plus haut dans notre étude), le Traité s'est contenté d'indiquer à l'article 2 qu'entrent dans le domaine du droit des affaires l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports.

La priorité accordée à ces matières s'explique sans doute par l'existence à ce niveau de grandes divergences: alors que certains pays en sont encore au droit du début du siècle dernier, d'autres ont une législation qui a moins de 10 ans[5]. Donc, comme on peut le constater au regard des différentes législations nationales relatives au droit des affaires et à ces matières en particulier, certains pays ont travaillé afin de moderniser quelque peu leur droit des affaires alors que d’autres en sont encore restés à la législation de l’ancienne métropole. Cela peut aussi se comprendre par la nécessité affichée d'améliorer rapidement le régime juridique des entreprises implantées dans les divers Etats parties afin que celles-ci soient aussi compétitives et aussi efficaces que possible dans un monde des affaires internationalisé. Sur ces huit matières, sept ont déjà fait l'objet d'Actes uniformes.

Donc, comme on peut le constater au regard des différentes législations nationales relatives au droit des affaires et à ces matières en particulier, certains pays ont travaillé afin de moderniser quelque peu leur droit des affaires alors que d’autres en sont encore restés à la législation de l’ancienne métropole. Cela peut aussi se comprendre par la nécessité affichée d'améliorer rapidement le régime juridique des entreprises implantées dans les divers Etats parties afin que celles-ci soient aussi compétitives et aussi efficaces que possible dans un monde des affaires internationalisé. Sur ces huit matières, sept ont déjà fait l'objet d'Actes uniformes. L'objectif poursuivi par ces différents textes est la modernisation et la sécurisation de l'environnement juridique à travers la rénovation du statut des entreprises, le renforcement des garanties des créanciers et l'adéquation des solutions aux difficultés des entreprises. Selon l'article 6, les Actes uniformes sont préparés par le Secrétariat Permanent en concertation avec les gouvernements des Etats parties. Ils sont délibérés et adoptés par le Conseil des ministres après avis de la Cour commune de justice et d'arbitrage ». L'élaboration des Actes uniformes se fait donc en deux phases, chacune de ces phases étant assurée par des organes spécifiques, à l'exclusion des parlements des Etats parties. Il faut tout d’abord préparer le projet d’Acte uniforme, puis, il faut l’adopter.

Des dispositions des articles 9, 10 et 12 du Traité, il ressort que les règles traditionnelles de mise en vigueur des lois ont été bouleversées et la portée des Actes uniformes s'est trouvée renforcée.

Selon l'article 9 « les Actes uniformes entrent en vigueur quatre vingt-dix (90) jours après leur adoption sauf modalités particulières d'entrée en vigueur prévues par l'Acte uniforme lui même. Ils sont opposables trente (30) jours francs après leur publication au Journal officiel de l'OHADA. Ils sont également publiés au Journal officiel des Etats parties ou par tout autre moyen approprié ». Il ressort de cette disposition que le Traité OHADA enlève aux organes exécutifs nationaux leur pouvoir puisque l'article 9 détermine les modalités d'application des actes uniformes qui relèvent en principe du pouvoir réglementaire. Aucun acte réglementaire n'est nécessaire pour la mise en vigueur des actes uniformes en revanche, leur publication demeure nécessaire.

A partir de l'adoption de ces actes par le Conseil des Ministres, leur entrée en vigueur se fera en principe quatre-vingt-dix jours après. Si aucun acte réglementaire n'est nécessaire pour l'entrée en vigueur des Actes uniformes, il n’en demeure pas moins que les promoteurs de l’OHADA n’ont pas dépourvu leur efficacité de tout formalisme. En effet, les Actes uniformes doivent faire l'objet d’une publication pour pouvoir être opposables. L'article 9 indique que celle-ci doit avoir lieu dans le Journal officiel de l'OHADA, et également dans le Journal officiel des Etats parties (lorsque ceux-ci en possèdent un). Mais la seule publication au Journal de l'OHADA suffit pour rendre les actes opposables trente jours francs après.

Selon l'article 10 « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure ». Ainsi sont affirmées la force obligatoire des actes uniformes et leur supériorité sur les normes juridiques nationales existantes et même futures. Par application directe et obligatoire, il faut entendre que les Actes uniformes se substitueront obligatoirement, sans aucune autre procédure, aux règles de droit interne applicables dans chaque Etat partie. Les auteurs du Traité ont pensé que la solidarité entre Etats nécessaire au développement des pays ne peut exister que dans la mesure où elle est soutenue par un ordre juridique relativement uniformisé et suffisamment contraignant.

Donc, la sécurité juridique voulue par les Etats partie au Traité OHADA est donc mise en œuvre par un organe supranational appelé Conseil des Ministres qui intervient dans la sphère législative afin de créer des nouvelles règles juridiques, appelées Actes uniformes, qui apportent de nombreuses innovations au droit des affaires des pays membres de l’OHADA. Mais, qu’a-t-on prévu en ce qui concerne la sécurisation judiciaire du droit des affaires dans l’espace OHADA ?

 

I. L’institution d’un système judiciaire de contrôle et de règlement des différends

 

La crainte constante des entreprises de la zone OHADA, et au-delà dans toute l'Afrique, est l'insécurité judiciaire qui règne dans l'environnement de tous les jours des entreprises. Les entreprises se retrouvent confrontés à des procédures très longues, à l'issue incertaine des litiges en raison de la formation imparfaite des magistrats ou d'autres causes beaucoup moins avouables telle la corruption, à l'instabilité de la jurisprudence ou encore à l'absence de transparence de celle-ci. Les Etats membres de l'OHADA se sont donnés pour mission d'assainir l'environnement judiciaire de leurs entreprises et des entreprises étrangères afin que celles-ci puissent enfin évoluer dans un environnement sain. Pour ce faire, les rédacteurs de l'OHADA ont créé deux nouvelles institutions. Il s'agit de l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSM) et de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA).

En dépit de son importance, l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature n'est pas l'organe principal de la sécurisation judiciaire même si elle y participe forcément de par la formation qu'elle dispense en ce qui concerne le droit OHADA et l'enrichissement juridique qu'elle procure aux personnes qui suivent ses enseignements. C'est la raison pour laquelle nous ne développerons pas d'autres réflexions à son sujet. En effet, ce rôle est dévolu à titre principal à la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage. Celle-ci se voit attribuer par le Traité OHADA plusieurs compétences qui concourent à préserver la cohérence et l'unité du droit uniformisé des affaires.

Mais Comment va se faire le contrôle du droit des affaires harmonisé? Les dispositions relatives à ce contrôle sont différentes selon qu'il s'agit du contentieux du Traité ou du contentieux des actes uniformes (A). Et qu'en est-il exactement de l'arbitrage? Le droit de l’arbitrage prévu par le Traité OHADA nécessite une étude approfondie car participant de l’objectif de sécurisation de l’environnement juridico-économique des entreprises (B).

 

A. La Cour Commune de Justice et d’arbitrage

 

La CCJA est l'organe juridictionnel du Traité OHADA. Elle dispose à cet effet de compétences et autres attributions que les Etats parties lui ont confié au travers du Traité. La CCJA dont le siège est établi à Abidjan, a été souhaitée, en raison de ses doubles fonctions juridictionnelles et de centre d'arbitrage, comme la plus indépendante possible des Etats Parties. Ainsi, afin d'éviter que chaque Etat Partie y ait son juge, elle n'est composée que de sept juges, nationaux des Etats Parties, tous de nationalités différentes. Le Traité précise même spécifiquement en son article 31 qu'elle ne peut comprendre plus d'un ressortissant d'un même Etat[6].

La Cour Commune de Justice et d'arbitrage est composée de sept juges élus par le Conseil des ministres pour sept années renouvelables une fois sur la liste présentée par les Etats. Les postulants peuvent être des magistrats (il faut au moins quinze années d'expérience professionnelle et avoir occupé de hautes fonctions juridictionnelles), des avocats et des professeurs de droit ayant quinze années d'expérience au moins. A ces deux derniers membres ne sont réservés que deux sièges. En effet, il paraît déjà anormal que des personnes, bien qu'ayant des compétences juridiques certaines (nous ne mettons aucunement cela en doute), puissent être membres d'une juridiction aussi importante que la CCJA, encore ne faudrait-il pas que ceux-ci soient présents en nombre assez conséquent.

La CCJA a un fonctionnement assez particulier du fait de sa position de juridiction supranationale. Quant à la procédure à suivre pour arriver devant cette haute juridiction, elle mérite quelques éclaircissements. La CCJA peut être consultée par tout Etat partie, le Conseil des Ministres et les juridictions nationales. C'est ici l'occasion d'affirmer le principe de la compétence de la CCJA pour l'interprétation du Traité et l'application de tous les textes du droit harmonisé de l'OHADA susceptibles de concerner des parties en litige. Cette prérogative lui est conférée de manière explicite par le Traité lui-même.

Les juridictions nationales, aussi importantes qu'elles puissent être (Cour de cassation, Conseil constitutionnel ou autres) n'ont donc aucune compétence en la matière. La CCJA joue ici un rôle administratif. Ce système est bon car cela participe de la recherche de l'unité juridique et de l'intégration économique au sein de la zone OHADA. Etant donné que seuls les Etats parties, le Conseil des Ministres de l'OHADA et les juridictions nationales sont les seuls à pouvoir demander l'avis de la CCJA, cela exclut automatiquement toute autre institution qui n'a aucune compétence en la matière (elles devront passer automatiquement par leurs Ministres chargés des finances et de la justice, leur Etat ou par les juridictions nationales).

La saisine de la CCJA peut être faite directement par l'une des parties à l'instance, sur renvoi d'une juridiction nationale. Lorsque la CCJA est saisie par une juridiction nationale statuant en cassation qui lui renvoie le soin de juger une affaire soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes, cette juridiction est immédiatement dessaisie. Elle transmet à la Cour l'ensemble du dossier de l'affaire avec une copie de la décision de renvoi. Depuis la mise en vigueur de la CCJA, celle-ci a très peu rendu de décisions.

Les fonctions de la CCJA sont multiples et sont différentes selon que l'on prend en considération la fonction juridictionnelle ou la voie de l'arbitrage. Les compétences de la CCJA mettent en exergue la spécificité de son caractère supranational. Cette supranationalité s’est traduite par la dévolution de certaines attributions traditionnelles des juridictions suprêmes nationales à la juridiction commune ce qui peut poser problème.

Il existe deux types de contentieux, celui du Traité et celui des Actes uniformes. Le contentieux sur l’interprétation et l’application du Traité et de ses règlements d’application (qui en font partie intégrante) est assuré par la CCJA. Celle-ci est saisie et consultée à ce propos par tout Etat partie ou par le Conseil des Ministres ou par toute juridiction nationale. Dans ce dernier cas, le traité ne prévoit pas le mode de saisine mais la CCJA pourra être saisie par la voie de la question préjudicielle. Il est probable que cet avis ne s’impose pas à la juridiction nationale mais il prévaudra lorsque le litige sera porté devant la cour[7]. L'acte uniforme est, comme l'indique le Traité, l'acte pris pour l'adoption des règles communes mais il est également, l'acte en vertu duquel la plus haute juridiction de chaque Etat partie devient incompétente au profit de la CCJA dans le double but d'harmoniser l'interprétation des textes et d'élaborer une jurisprudence unique et uniforme; cela marque la supranationalité judiciaire de la CCJA. La CCJA peut être saisie en matière contentieuse dans deux cas: par voie de recours en cassation et par voie du recours à titre préjudiciel. Seul le recours en cassation fera l'objet de développements.

L'article 13 confirme le maintien de la compétence des juridictions nationales du fond pour connaître des différends relatifs aux actes uniformes en première instance et en appel. C'est pour assurer aux magistrats de ces juridictions une formation spécialisée en droit des affaires qu'une Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature est prévue au Bénin. En revanche, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes, le recours en cassation n’est possible que devant la CCJA. Le Traité consacre l'abandon de la souveraineté judiciaire des Cours suprêmes ou des cours de cassation des Etats parties pour assurer une efficace harmonisation de l'interprétation des actes uniformes en évitant des interprétations divergentes.

En tant que juridiction de cassation, la CCJA est régie par une procédure particulière. Pour la saisir, il faut former un pourvoi contre une décision rendue en dernier ressort par les juridictions nationales du fond. Lorsqu’elle casse une décision d’une juridiction nationale du fond, elle ne renvoie pas l’affaire. En effet, elle évoque et statue au fond.

 

B. L’arbitrage comme moyen de sécurisation des affaires

 

L'un des piliers de l'harmonisation du droit des affaires en Afrique est la création d'un droit de l'arbitrage se positionnant clairement dans la modernité[8]. Au lieu de porter leurs contestations devant les tribunaux, il arrive fréquemment que les particuliers s'adressent à d'autres personnes en vue d'arbitrer leurs différends. L'arbitrage est devenu aujourd'hui le mode favori de règlement des conflits entre commerçants spécialement au niveau international. Il pallie la lenteur, évite la publicité, épargne des frais de procès et permet le rétablissement de bons rapports avec l'adversaire.

Pour trancher de telles contestations, plutôt que de s'adresser aux juges professionnels qui devraient forcément avoir recours aux experts, on s'adresse directement à ces derniers pour leur demander d'exprimer leur opinion, mais aussi de résoudre la contestation en fonction de cette opinion. Une autre raison qui explique le recours à ce mode de règlement des litiges est l'état du droit qui est parfois inapte à résoudre certains différends engendrés par l'exercice du commerce. L'arbitrage devient là non seulement un complément du droit mais a pour objet de substituer à celui-ci une réglementation fondée sur des usages correspondants à ses besoins.

Les composantes essentielles de l'arbitrage OHADA se situent à deux niveaux. Tout d'abord, à un niveau institutionnel avec la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, qui, fait unique dans l'histoire juridique, en plus de fonctions juridictionnelles de cour suprême des Etats Parties au Traité, est érigée en centre international d'arbitrage, il s'agit de l'arbitrage CCJA. Mais il concerne aussi un niveau législatif avec l'insertion dans la législation interne des États Parties d'une réglementation en matière d'arbitrage, il s'agit de la législation commune d'arbitrage. Celle-ci et l'arbitrage CCJA forment l'arbitrage OHADA.

La consécration de l'Arbitrage, par le Traité relatif à " l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique " comme un mode normal de règlement juridique des conflits commerciaux" constitue un événement majeur pour les praticiens et les opérateurs du commerce international[9]. Ces aspects expliquent sans nul doute pourquoi le législateur communautaire, dans sa volonté de garantir la sécurité des activités économiques et encourager l'investissement en Afrique, a réservé à l'arbitrage le titre 3 du Traité.

Les dispositions de l’arbitrage OHADA ne s’appliquent pas dans tous les cas. Un domaine est en effet défini pour cet arbitrage, un domaine qui n’est pas le même selon qu’il s’agisse de l’arbitrage organisé par l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage (droit commun de l’arbitrage dans l’espace OHADA) ou du système d’arbitrage original encadré par la CCJA[10].

Il était devenu presque une règle internationalement connue de dissocier arbitrage interne et arbitrage international. Mais, l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage a unifié les droits de l’arbitrage des Etats parties de l’OHADA et n’a donné aucune référence sur le caractère interne ou international de ses dispositions. Les mêmes dispositions sont donc applicables aussi bien en arbitrage interne qu’en arbitrage international. Il ressort de l’article 1 de l’acte uniforme que l'acte uniforme a vocation à s’appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des Etats parties. Le champ d’application de l’acte uniforme est donc défini par rapport à la notion de siège du tribunal arbitral. Mais, les parties ont la possibilité d'écarter l'application de l'Acte uniforme si elles le désirent.

Aux termes de l’article 21 du Traité OHADA : « En application d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, toute partie à un contrat, soit que l’une des parties ait son domicile ou sa résidence habituelle dans un des Etats parties, soit que le contrat soit exécuté ou à exécuter en tout ou partie sur le territoire d’un ou plusieurs Etats parties, peut soumettre un différend d’ordre contractuel à la procédure d’arbitrage prévue par le présent titre. » Ce texte détermine donc le champ d’application aussi bien matériel que spatial de l’arbitrage CCJA.

Selon l’article 21 du traité OHADA : « En application d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, toute partie à un contrat, […] peut soumettre un différend d’ordre contractuel à la procédure prévue par le présent titre. » Cet article détermine un critère principal qui est le contrat. Les litiges arbitrables doivent par conséquent être d’ordre contractuel ce qui exclut les rapports extra-contractuels[11].

Mais, l’absence de définition de la notion de contrat devrait s’interpréter pour certains auteurs comme la volonté des concepteurs des textes de l’entendre de la façon la plus large possible au-delà du strict entendement du droit des affaires. Ainsi, aussi bien les contrats civils que les contrats commerciaux sont-ils arbitrables mais encore faudrait-il que les litiges aient un caractère patrimonial.

Le domaine des litiges arbitrables semble donc dépasser donc celui de l’unification qui se limite aux branches du droit des affaires. En outre, il faut souligner que la question de la validité de principe de la clause compromissoire revient ici car, si dans les droits internes des

Etats parties sa validité était limitée aux seuls litiges commerciaux, le traité OHADA étend celle-ci aux litiges civils. Ce critère principal qu’est le contrat doit être accompagné de l’un des critères secondaires que sont le domicile ou la résidence habituelle de l’une des parties dans un Etat partie et (ou) l’exécution totale ou partielle du contrat dans un ou plusieurs Etats parties pour que le litige soit arbitrable selon règlement d’arbitrage CCJA.

 

 

Conclusion

 

Depuis sa création, l'OHADA a sans nul doute contribué à l'amélioration du cadre économique et juridique des affaires en Afrique. La majorité de la doctrine et des acteurs économique a souligné les efforts fournis et les progrès réalisés pour pallier au manque de sécurité juridique et judiciaire et corriger l'inadéquation des législations face à l'évolution socio-économique du fait de la création d’ importants organes supranationaux tels le Conseil des Ministres et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et la mise en place d’une législation communautaire, les Actes uniformes, qui embrassent un large champ du droit des affaires (droit commercial, des sociétés commerciales, sûretés, voies d'exécution, arbitrage etc) et s’imposent à tous les Etats parties au Traité.

Aujourd'hui, le droit harmonisé devrait permettre de rétablir la confiance des investisseurs étrangers à l'égard des pays de la zone OHADA. Maintenant que les bases sont bien établies et les institutions bien rodées, il serait souhaitable que la zone OHADA s'étende à d'autres pays d'Afrique désireux de participer à ce processus d'intégration régionale.

De même, il est important que la « démarche OHADA » soit toujours appliqué et prédomine sur les éventuelles réticences nationales. Cependant, malgré tout cet enthousiasme, certaines questions demeurent en suspens. L’uniformisation du droit laisse subsister des règles nationales ou des règles spécifiques à d’autres institutions supranationales, notamment celles de l’UEMOA, lesquelles pourraient conduire à des blocages à défaut de dispositions relatives aux conflits des lois. Les juges de la CCJA ne sont habilités à statuer que sur les textes propres à l'OHADA.

Donc, tous ces arguments développés dans ce projet, ferons l’objet des traits  que nous allons suivre tout au long de nos recherches relatives à notre sujet.

 

Par ISSA SAID

 


[1] Philippe TIGER, Le droit des affaires en Afrique, PUF, 2001, Collection Que sais-je ?

[2] Article 28 du Traité

[3] Théorie développée au XVIIIème siècle en France avec les philosophes des Lumières dont Montesquieu avec son ouvrage « De l’esprit des lois ».

[4] Au nom de la succession d’Etats, les diverses constitutions africaines ont affirmé le maintien du droit applicable au moment de l’indépendance jusqu’à l’élaboration de nouvelles dispositions

[5] C’est le cas du Sénégal, du Mali, de la Guinée.

[6] Thierry LAURIOL, Modernité et attractivité de l'arbitrage OHADA, Marchés tropicaux, 16 mars 2001

[7] Joseph ISSA-SAYEGH, L ‘OHADA, instrument d’intégration juridique des pays africains de la zone franc,RJC, 1999, p. 237 et s.

[8] Thierry LAURIOL, op cit.

[9] Alain FENEON, De l'apport de l'Acte Uniforme sur l'arbitrage dans l'espace OHADA, ohada.com, 01/05/200

[10] Mayatta MBAYE, L’arbitrage OHADA : réflexions critiques, Mémoire de DEA

[11] Le champ d'application de l'arbitrage CCJA est donc plus étroit que celui de la Convention de New York qui accueille les différends nés dans une relation contractuelle ou non.

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1 Publié par Visiteur
06/02/2018 13:35

Super

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