La justice britannique a rejeté mardi la demande d'extradition vers la Serbie de l'ancien président de Bosnie Ejup Ganic, arrêté à Londres en mars en vertu d'un mandat d'arrêt pour crimes de guerre au cours du conflit en Bosnie de 1992-95.
La Serbie a aussitôt indiqué son intention de faire appel de ce refus d'extradition.
Ejup Ganic, 64 ans, ancien membre musulman de la présidence bosniaque pendant la guerre et ex-président de la fédération de Bosnie-Herzégovine, avait été arrêté le 1er mars à l'aéroport londonien de Heathrow en application d'un mandat d'arrêt émis par la Serbie pour crimes de guerre. A la mi-mars, il avait été remis en liberté sous contrôle judiciaire.
La Serbie accuse Ejup Ganic d'avoir participé en 1992 à la conception d'attaques sur un mess d'officiers de l'armée yougoslave, puis sur des ambulances dépêchées sur place et enfin sur un convoi militaire à Sarajevo qui avait fait 18 morts. M. Ganic nie toute implication.
Expliquant sa décision, le juge Timothy Workman du tribunal de Westminster, à Londres, a dénoncé une "procédure lancée et utilisée à des fins politiques", ce qui "constitue un abus de procédure", a-t-il estimé.
"J'en ai conclu qu'il n'y avait aucune justification valable pour entamer des procédures contre M. Ganic", a-t-il déclaré, soulignant que deux enquêtes, l'une par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et l'autre du parquet de Bosnie-Herzégovine, "ont conclu à l'absence de preuves susceptibles d'étayer une inculpation de M. Ganic".
Aucune nouvelle preuve n'est venue changer cela, a tranché le juge, contredisant l'argument de James Lewis, représentant du procureur serbe pour les crimes de guerre, qui avait affirmé lors du procès "qu'il y avait un dossier (d'accusation) solide auquel M. Ganic devait répondre". Ce dossier comprend de nouveaux éléments et témoignages en liaison avec des attaques contre Sarajevo de 1992, avait-il affirmé.
Edward Fitzgerald, avocat de M. Ganic, avait argué au cours de la dernière audience, que son client "ne bénéficierait pas d'un procès équitable" s'il était extradé vers la Serbie, accusant les autorités serbes de vouloir "réécrire l'histoire".
Ejup Ganic a souri à la lecture du jugement, tandis que son fils et sa fille ont applaudi avant de s'effondrer en larmes.
"J'ai passé ici cinq mois de ma vie. La seule revanche que j'ai, c'est que je vais retourner en Bosnie travailler avec mes enfants, les élever... ", a déclaré Ejup Ganic à sa sortie du tribunal, se disant prêt à "ouvrir un nouveau chapitre avec la Serbie". Sa famille a précisé qu'il serait à Sarajevo mercredi.
Le procureur serbe pour les crimes de guerres, Vladimir Vukcevic, a indiqué qu'il allait faire appel. "Nous ne sommes pas satisfaits avec cette décision, que nous respectons, et nous allons faire appel", a-t-il déclaré devant le tribunal.
2010 AFP