I.L’arbitrage : saisine, composition et instance devant le tribunal arbitral
Longtemps attaché à la justice étatique, le monde des affaires connait actuellement une autre frontière et option judiciaire, dont l’arbitrage. Au souhait du domaine des affaires contemporain, l’arbitrage s’est manifesté comme l’acteur incontournable et crédible de la sécurité des affaires. Au regard de cette innovation, l’arbitrage qui est apparu au XIIIème siècle, donne une vision en tant que telle de confiance aux yeux des opérateurs économiques. De part son rôle d’une justice privée destinée à résoudre d’une manière efficace et rapide un différend, l’arbitrage donne plutôt le sourire aux Etats moins avancés, au vue d’une politique de séduction aux investissements directs étrangers (IDE).
A. Définition de l’arbitrage
L’arbitrage est le règlement des différends le plus pratiqué des modes alternatifs de règlement des litiges. L’arbitrage est une justice alternative à la justice classique, qu’elle soit étatique ou interétatique, qui se fonde sur le consentement des parties au litige. Le règlement arbitral est une procédure de règlement des différends par des tiers choisis par les parties, et investis du pouvoir de rendre une décision obligatoire dans un litige donné, sur la base du droit. C'est un mode non étatique de règlement des litiges.
L’arbitrage est dit soit interne soit international :
L’arbitrage est international lorsque le conflit met en cause des intérêts du commerce international.
L’arbitrage est national lorsque le conflit met en cause des intérêts du commerce national.
Collé au concept d’arbitrage, le terme commercial revêt une signification large et extensive couvrant les questions économiques, financières, commerciales, les droits de propriété intellectuelle…
B) Composition du tribunal arbitral
Le tribunal arbitral est l’organe chargé de mettre en œuvre la convention d’arbitrage et de trancher les litiges opposant les parties. L’arbitrage, contrairement aux systèmes judiciaires, offre aux parties la possibilité de désigner comme arbitres les personnes de leur choix, sous réserve qu’elles soient indépendantes. Les différends peuvent ainsi être tranchés par des spécialistes du domaine concerné. Pour former le tribunal arbitral, les parties peuvent :
• désigner eux-mêmes le ou les arbitres qu’ils chargent d’une mission juridictionnelle destinée à résoudre le conflit qui les opposent, ou recourir dans le même but à un tiers ; on parle alors d’arbitrage « ad hoc »
• faire organiser la procédure arbitrale par une institution préconstituée appelée communément Centre d’arbitrage qui va leur proposer une liste d’arbitres présélectionnés ; on parle alors d’arbitrage « institutionnel »
Les arbitres tiennent leurs pouvoirs du consentement des personnes qu'oppose un différend, en vertu des effets que la loi reconnait à la volonté des parties à faire trancher leur différend par ce mode de règlement.
C) Saisine du tribunal arbitral
Le tribunal arbitral est saisi soit conjointement par les parties, soit à la demande de l’une d’elles par une demande d’arbitrage. Mais, la saisine ne commence à produire ses effets que lorsque l’arbitre a préalablement accepté sa mission. L'arbitre est investi de la mission de trancher un litige en vertu d'un contrat doté de la force obligatoire. Ce contrat d’arbitrage qui est l’accord par lequel les parties décident de recourir à l’arbitrage pour trancher les différends qui les opposent, peut préexister au litige (clause compromissoire) ou être conclu postérieurement à la naissance du litige (compromis) :
La clause compromissoire est définie comme une disposition rédigée et insérée dans un traité ou dans un contrat en prévision d’un litige futur ou éventuel. La clause compromissoire présente une autonomie juridique par rapport au contrat dans lequel elle est insérée. Le principe d’autonomie de la convention compromissoire signifie que le sort de celle-ci n’est pas nécessairement lié à celui du contrat où elle est insérée. Par conséquent, la nullité de la convention principale n'affecte pas la validité de la clause compromissoire.
Le compromis d'arbitrage est défini comme un accord totalement consacré à l’arbitrage d’un litige déjà né. Le compromis est précisément conclu pour résoudre le litige qui a déjà survenu, c'est-à-dire que, s'étant d'abord accordées sur le principe même de l'arbitrage, elle délègue ensuite la recherche de la solution à l'arbitre qu'elles se sont choisies.
D) La sentence arbitrale
En droit procédural, la sentence est l’appellation donnée aux décisions rendues par des arbitres. Cette sentence arbitrale, ressemble presque exactement à une décision de justice “classique” et est motivée en droit, et acquiert force de chose jugée. La sentence arbitrale n’est susceptible d’exécution forcée qu’en vertu d’une décision d’exequatur émanant du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la décision a été rendue.
Parmi les sentences, on distingue les sentences définitives des sentences avant dire-droit qui se divisent elles-mêmes en sentences provisoires, par lesquelles sont ordonnées des mesures provisoires ou qui tranchent un point préliminaire.
Une fois la sentence rendue, elle entraine le dessaisissement de l’arbitre d’une part, et acquiert l’autorité de la chose jugée et la force probante d’autre part. Mais, le principe du dessaisissement de l’arbitre comporte toutefois quelques exceptions. L’arbitre dispose tout d’abord du pouvoir, non limité dans le temps, d’interpréter sa sentence. Il peut de même rectifier les erreurs et omissions matérielles qui entachent sa décision. il peut enfin la compléter quand il a omis de statuer sur un chef de demande
II- La portée de l’arrêté n°12-01.A. du 17 janvier 2012
L’arrêté du 17 janvier 2012 a consacré un certain nombre de solutions posées de manière prétorienne par la jurisprudence de l’OHADA.
A) Le champ d’application de la reconnaissance et exécution des sentences arbitrales tel qu’il est prescrit par l’Arrêté du 17 janvier 2012
Inspiré des dispositions à l’arbitrage de l’OHADA, l’arrêté du 17 janvier 2012 s’applique à la reconnaissance et à l’exécution des sentences arbitrales. Les questions de la reconnaissance et de l’exécution des sentences arbitrales sont réglées par cet arrêté issu des articles 30 à 34 de l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage de l’OHADA. La procédure de reconnaissance permet à la partie à qui la sentence a donné satisfaction de soulever l’autorité de la chose jugée lorsqu’un tribunal est saisi d’une demande portant sur un litige qui a déjà été soumis à l’arbitrage.
a. Sentences rendues aux Comores
Les sentences arbitrales sont reconnues ou exécutées en Union des Comores si leur existence est établie par celui qui s'en prévaut et si cette reconnaissance ou cette exécution n'est pas manifestement contraire à l'ordre public interne et international.
La sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une ordonnance d'exequatur émanant de la Cour d’Appel dans le ressort duquel la sentence a été rendue pour les sentences nationale et de la Cour d’Appel de Moroni pour les sentences étrangères.
La sentence arbitrale une fois prononcé, requiert l’autorité de la chose jugée. Les effets de l’autorité de la chose jugée pour les sentences arbitrales sont les mêmes que ceux des jugements. Mais si ces deux formes de décisions judiciaires requirent l’autorité de la chose jugée, leur exécution présente des particularités. Afin de conférer à la sentence arbitrale un caractère obligatoire, le Règlement d'arbitrage de la CCJA prévoit une procédure d'exequatur.
En droit OHADA, deux particularités sont attachées à la sentence: d’une part, l’autorité de la chose jugée qui est acquise à titre définitif, et d’autre part la sentence dispose une portée plus grande que celle des décisions de justice. Ce caractère définitif de la sentence signifie qu’elle ne peut être remise en cause et qu’elle n’est susceptible d’être frappée d’aucune autre voie de recours que celle prévu par les articles 26, 29, 32 et 33 du Règlement de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA). C’est là une différence fondamentale avec les jugements qui, malgré l’autorité de la chose jugée peuvent être remis en cause par l’exercice d’une voie de recours.
La reconnaissance de la sentence est devenue classique au vu du droit de l’arbitrage. L’article 6 de l’arrêté du 17 janvier 2012 démontre l’identité de l’autorité de la chose jugée. La sentence arbitrale acquiert l’autorité de la chose jugée, dès qu’elle est rendue.
Recours contre la sentence arbitrale
L’unique voie de recours à l’encontre de la sentence arbitrale est le recours en annulation, lequel ne peut se fonder que sur les cinq cas limitativement énumérés :
La déclaration à tort de compétence ou d’incompétence par le tribunal arbitral
La constitution irrégulière du tribunal arbitral
Lorsque le tribunal a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée
Lorsque le principe du contradictoire n’a pas été respecté
La reconnaissance ou l’exécution de la sentence est contraire à l’ordre public international
Ce recours ne peut être reçu que devant la Cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue, dans le mois de la notification de la sentence, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la sentence déclarée exécutoire.
b.L’exequatur
L'exequatur est une procédure permettant d'exécuter, soit une sentence arbitrale, soit une décision de justice étrangère. En droit OHADA, L’exequatur est octroyé par le juge compétent de l’Etat partie qui ne peut le refuser que dans le cas où la sentence est contraire à l’ordre public international des Etats parties. Le juge ne revient pas sur le fond de l’affaire, il se contente de procéder à des vérifications liées à la régularité formelle de la sentence, à la validité de la convention d’arbitrage et au respect de l’ordre public international ou de l’ordre public international d’un Etat partie. A cet égard, le juge de l’exequatur n’exerce sur la sentence qu’un contrôle prima facie.
Concernant les ordonnances d’exequatur, permettant l’exécution forcée de la sentence arbitrale, l’arrêté prévoit toujours explicitement la possibilité de faire appel à l’encontre de cette ordonnance. L’article 8 dispose que « l’ordonnance qui refuse l’exequatur doit être motivée. En revanche, il est toujours possible de faire appel à l’encontre du refus opposé par le juge étatique de délivrer l’ordonnance d’exequatur. L’exequatur est dénué de tout caractère contradictoire.
En droit OHADA, la partie qui refuse l’exequatur ne peut faire l’objet que d’un pourvoi en cassation auprès de la CCJA. Celle qui l'accorde n'est, en revanche, susceptible d'aucun recours, sauf a être indirectement contestée par un recours en annulation visant la décision arbitrale.
B) Dispositions communes
Les décisions judiciaires peuvent être entachées d’erreur ou d’injustice. Aussi les justiciables sont-ils garantis contre ce risque par le moyen de provoquer un nouvel examen du procès, grâce aux voies de recours.
Les recours contre les sentences arbitrales ne sont pas suspensifs d’exécution, que ce soit les recours en annulation ou les appels, et cela dans un souci d’exécution rapide des sentences arbitrales internes et internationales. Cela étant, dès lors que l’exécution de la sentence arbitrale pourrait avoir des conséquences difficilement réparables.
a. Les voies de recours
Le recours ou les voies de recours désignent l’ensemble des procédures destinées à permettre un nouvel examen de la cause. Elles visent les cas d’irrégularité de la procédure, d’absence ou d’insuffisance de motivation. L’arrêté du 17 janvier 2012 prévoit un seul recours qui est le recours en annulation ou en contestation de validité.
• Le recours en annulation ou en contestation de validité.
Si une partie entend contester la reconnaissance de la sentence arbitrale et l’autorité de la chose jugée qui en découle, elle doit saisir la juridiction compétente par une requête notifiée à la partie adverse. Ce recours est en effet, une voie de recours ouverte aux parties en cause qui n’est recevable que si les parties n’y ont pas renoncé dans la convention d’arbitrage, et à condition que l’arbitre n’ait pas statué en amiable compositeur, sauf volonté expresse contraire des parties. Sont applicables à la procédure d’annulation contre une sentence, les mêmes règles que celles qui valent pour le recours en annulation contre un jugement.
Le recours en annulation n’est ouvert que s’il ya:
Absence, la nullité ou l’expiration de la convention d’arbitrage,
Non respect par l’arbitre de sa mission,
Non respect du principe contradictoire,
Contrariété de l’ordre public international.
Le recours en annulation, comme la voie d’appel lorsqu’elle est ouverte, devra avoir lieu devant la Cour d’appel dans le ressort duquel la sentence a été rendue, dans le mois qui suit sa notification, entrainant la suspension de l’exécution de la sentence. Lorsque la juridiction annule, elle statue au fond dans la limite de la mission des arbitres.
Nous pouvons cependant regretter que parmi les cas d’ouverture du recours en annulation figure la violation de l’ordre public international qui n’a pas été clairement défini. Nous percevons dès lors toute la difficulté qu’il y aurait à mettre en œuvre cette cause d’annulation. Donc, n’est-il pas à cet égard nécessaire de prévenir d’autres recours autres que celui précité ?
b.Quelques imprécisions
Nous saluons ce pas important pour la reforme juridique des affaires des Comores, néanmoins, nous regrettons, que ce texte organisant la reconnaissance et exécution des sentences arbitrales n’ait pas été jusqu’au but de la logique et de l’efficacité. Mais tout reste possible à y remédier. Les juridictions de l’Union des Comores peuvent le faire elles-mêmes en tranchant certaines questions posées et qui relèvent de leur compétence.
Il reste toutefois que ce mécanisme, certes peu contraignant en matière de reconnaissance et exécution des sentences arbitrales, comporte des imprécisions regrettables.
La première imprécision est relative à la notion d'ordre public international. Cette notion pourtant fondamentale pour l'octroi de l'exequatur n’a pas été définie par l’Arrêté.
La seconde imprécision est le vide enregistré par l’arrêté qui ne prévoit pas une issue de secours en accordant par exemple au premier président de la cour d’appel la faculté d’aménager ou de suspendre l’exécution de la sentence.
ISSA SAID