Actuellement, toute personne suspectée d'avoir commis une infraction peut être placée en garde à vue par un officier de police judiciaire pendant 24 heures renouvelables, quelle que soit la gravité des faits. En outre, l'intéressé ne bénéficie pas de l'assistance effective d'un avocat. Contestant la légalité de l'extension des cas dans lesquels la garde à vue peut être ordonnée, plusieurs citoyens ont décidé de saisir le Conseil constitutionnel.
Statuant sur plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62, 63, 63-1, 63-4, 77 et 706-73 du Code de procédure pénale (CPP) relatifs justement au régime de garde à vue, le Conseil constitutionnel a estimé que si la garde à vue devait demeurer "une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire", les récentes réforme du Code de procédure pénale l'ont toutefois détournée de sa finalité. Elle peut dans certains cas, constituer un abus de la part de l'autorité de police judiciaire.
Tout d'abord, sur le régime de la garde à vue en matière de criminalité et de délinquance organisées, de terrorisme et de trafic de stupéfiants - (visé aux articles 63-4, alinéa 7 et article 706-73 du CPP) et tel qu'issu de la loi du 9 mars 2004, mettant en place un régime particulier de garde à vue pour la criminalité et la délinquance organisées - les Sages ont estimé que la durée totale de la garde à vue qui peut notamment être portée jusqu'à 96 heures, était conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel explique qu'il avait jugé ces dispositions conformes à la Constitution à l'occasion de l'examen de la loi du 9 mars 2004, et qu'"en l'absence de changement des circonstances depuis cette décision (...) il ne peut posé de QPC sur ces dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil".
S'agissant ensuite du régime de droit commun de la garde à vue (visé aux articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du CPP), les Sages rappellent que si le Conseil constitutionnel avait déclaré ces dispositions conforme à la Constitution, des modifications ont toutefois été apportées depuis. Aussi, ils estiment qu'une "évolution des règles et des pratiques a contribué à un recours accru à la garde à vue, y compris pour des infractions mineures", ce qui justifie aujourd'hui qu'il "procède à un réexamen de la constitutionnalité" de ces articles.
Dans sa décision du 30 juillet 2010 (QPC n°2010-14/22), le Conseil constitutionnel a jugé que, "compte tenu des évolutions survenues depuis près de 20 ans, les dispositions attaquées n'instituent pas les garanties appropriées à l'utilisation qui est faite de la garde à vue".
Il ajoute même que "la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infraction et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée" à ce jour.
En conséquence, les Sages ont jugé que les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du Code de procédure pénale étaient contraires à la Constitution. Cependant, "l'abrogation immédiate de ces dispositions aurait méconnu les objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infraction et aurait entrainé des conséquences manifestement excessives", aussi le Conseil accorde un délai d'un an au législateur pour apporter les modifications nécessaires.
Les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité sont reportés au 1er juillet 2011" avec, comme conséquence, que les mesures prises avant cette date ne pourront être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité".