Le constat
Je pars d’un constat (et on peut dire qu’il est largement partagé par les spécialistes dans ce domaine). Les membres du CHSCT sont trop peu sensibilisés, formés (quand ils le sont) et informés sur les risques psychosociaux et les moyens dont ils disposent pour agir sur leur prévention et gestion.
La situation actuelle
L’employeur a l’obligation de financer la formation des membres de son/ses CHSCT (3 à 5 jours selon la taille de l’entreprise), mais ces formations sont en grande partie axées sur la sécurité et la santé physique des salariés. Le temps alloué ne permet pas d’approfondir le sujet si complexe de la santé mentale et des RPS.
Au-delà de la formation classique (initiale ou renouvellement), les membres de CHSCT n’ont pas toujours le temps de se former sur les RPS. Ils sont déjà occupés par un poste de travail et un mandat (quand ils n’en ont qu’un). Et pour prendre le temps de s’y former, encore faut-il d’une part avoir conscience de la nécessité de le faire et d’autre part avoir les moyens financiers suffisants (le CHSCT n’ayant pas à ce jour de budget propre).
En ce sens, voir le rapport de la commission parlementaire des affaires sociales du 25 mai 20111 qui préconise d’accompagner la « montée en puissance des CHSCT ». Pour cela, trois moyens envisagés :
- « Prévoir une élection de ses membres au suffrage direct pour renforcer leur visibilité et leur légitimité »
- Augmenter leur moyen d’actions [ndlr : soit plus d’heures de délégation et un budget propre]
- Développer la formation des élus, plus particulièrement sur les nouveaux risques pour la santé psychologique des salariés »
L’offre de formation sur le marché
Actuellement, on ne peut pas dire que l’offre de formation existante sur les RPS soit très développée pour ce public spécifique. De nombreuses formations sur les RPS existent (médiatisation du sujet oblige…), mais combien ont été réfléchies et prévues spécifiquement pour des membres de CHSCT ? Je dirai assez peu, si l’on met de côté les formations proposées par des organismes associés de près ou de loin à des organisations syndicales.
Illustrations
Pour illustrer mes propos, j’ai interrogé le DRH groupe de France Telecom et le DRH France de Canon, sur l’implication du CHSCT dans leurs démarches de prévention et de gestion des risques psychosociaux. Ces deux entreprises ont engagé de réels moyens dans la prévention et la gestion des RPS, il m’est donc paru intéressant de voir la part consacrée aux membres de CHSCT.
1) France Telecom a engagé des moyens considérables depuis l’affaire médiatisée des suicides de certains salariés : 900 millions d’euros, pour financer leur « contrat social » engagé par la direction avec les partenaires sociaux. Enquêtes, formation de 7000 managers, renforcement des moyens de la médecine du travail, structure de médiation nationale…
Mais quid des CHSCT dans tout ça ? Le DRH Groupe m’a répondu qu’ « une commission de travail a été montée, permettant alors aux CHSCT d’aller plus loin que le pouvoir traditionnel qui leur est confié ». Pas plus, pas moins.
2) Canon France s’est fixé comme principal objectif le bien-être de ses salariés. Sa philosophie depuis 30 ans est ce que l’on appelle au Japon2 le « Kyosei », qui se traduit selon les termes suivants « Vivre et travailler ensemble pour le bien-être commun ». Une forte culture d’entreprise qui ne ménage pas avec la santé des salariés. On sait qu’il est important de prendre le temps de se concerter avec les partenaires sociaux sur la santé et le stress au travail. Canon France a pris le temps : 18 mois de concertation. Beaucoup de mesures à la sortie. Actions préventives, curatives, observation permanente, …
Et les CHSCT ? Le DRH France a répondu qu’une commission de travail a été montée, composée de membres issus de différents CHSCT. Ces membres ont été formés de manière plus approfondie sur les notions de santé et stress au travail. Combien de membres concernés ? 18…
Et dans les autres entreprises ?
Je pourrai citer d’autres exemples de grosse entreprises comme celles ci-dessus. Cela rejoint d’ailleurs une tendance générale dans les grands groupes, qui créent une sorte de « CHSCT central », et seuls les membres de cette instance bénéficient d’une formation plus approfondie sur les RPS. Dans les entreprises moins grandes, ce sont les membres de CHSCT associés au groupe de travail monté en amont des démarches de prévention qui sont formés, en même temps que le reste des membres du groupe.
Quid pour 2012-2013-… ?
Si l’on suit le sens des débats parlementaires ou les préconisations des experts, on peut penser que bientôt sera intégrée dans la formation obligatoire des CHSCT une partie sur les risques psychosociaux.
En attendant, certains organismes prennent les devants, et voient logiquement un nombre important de CHSCT intéressés par la démarche3.
Pierre Monclos
1 : (Rapport d’information n°3457 en conclusion des travaux de la mission sur les risques psychosociaux au travail)
2 : pays d’origine de Canon
3 : ELEGIA Formation monte régulièrement des séminaires sur les RPS pour des membres de CHSCT, et les décline également dans le cadre de formation « sur-mesure » dans les entreprises – http://www.elegia.fr