LES REGIMES MATRIMONIAUX : OPTION D’UN SYSTEME MATRIMONIAL (CAS DE LA POLYGAMIE)
Problématique : En droit camerounais, entre le régime de communauté légale et de séparation de biens, lequel de ces eux régimes s’accommode-t-il le mieux du mariage polygamique ?
Le Code Civil tel qu’il est appliqué au Cameroun, n’impose ni à un mariage monogamique, ni à un mariage polygamique un régime matrimonial déterminé. Le principe demeure le respect de la liberté des conventions matrimoniales. Ainsi un mari polygame tout comme un mari monogame peut opter indifféremment pour le régime de communauté ou de séparation de biens.
Seules, l’étude des problèmes posés par le fonctionnement de ces deux régimes et l’analyse de la jurisprudence camerounaise détermineront notre préférence pour un régime matrimoniale donné.
1°) Le régime de séparation des biens
Sous le régime de séparation de biens, il y a distinction entre les patrimoines des époux : chaque époux conserve en effet la propriété, l’administration et la jouissance de ses biens, ainsi que la charge de ses dettes. Par contre il contribue proportionnellement à ses facultés, aux dettes et charges du ménage lorsque la part de cette contribution n’a pas été déterminée dans le contrat de mariage.
A la dissolution du régime par divorce, chaque époux reprend tous les objets qui lui appartiennent et dont il justifie être propriétaire par titre, usage, marques ou factures. Lorsque la dissolution du régime a lieu par décès de l’un des époux ses héritiers reprennent de la même manière les objets qu’il a laissés à son décès.
Si au cours du fonctionnement du régime, les époux ont acquis en indivision un bien, ou s’il s’est produit une confusion entre les biens de l’un ou de l’autre époux ; il y aura lieu de procéder préalablement à la liquidation du régime.
Tel qu’il fonctionne le régime de la liquidation pose moins de problèmes tant dans son fonctionnement que dans sa liquidation.
2°) Le régime de communauté de meubles et d’acquêts
Sous ce régime la répartition des biens entre les époux se fait en trois masses distinctes : les propres du mari, les propres de l’épouse et les biens communs. L e mari administre seul les biens de la communauté. Il peut les vendre, les aliéner, et les hypothéquer sans le concours de sa femme. Il ne peut aliéner les immeubles personnels de sa femme sans son consentement. Il est par contre responsable de tout dépérissement des biens personnels de sa femme causé par défaut d’actes conservatoires.
Le régime de communauté de biens tel qu’il fonctionne est de plus en plus critiqué :
a) Sous ce régime, le code civil attribue des pouvoirs exorbitants au mari en tant que chef de la communauté conjugale. Sous le couvert de les administrer, le mari polygame peut habilement confondre ou détourner à son profit personnel les biens de la communauté et ceux personnels de l’une de ses épouses. Cela est très fréquent et constitue selon une étude l’une des causes principales du divorce.
b) Lorsqu’une action en partage de la communauté est portée devant le tribunal coutumier, cette juridiction a toujours tendance à désavantager la femme ; par ailleurs la juridiction de droit coutumier n’admet l’existence d’un régime de communauté que sous condition de participation de la femme à l’acquisition des biens communs. Les tribunaux de droit moderne n’appliquent toujours pas le principe égalitaire dans le partage de la communauté comme le recommandent l’article 1474 du Code Civil et la jurisprudence camerounaise (C.S., 28 juillet 1995, arrêt n°68/L : R.C.D. N°30, P.417).
c) A la dissolution du régime de communauté de meubles et d’acquêts, se pose en mariage polygamique le problème de la détermination même de la communauté, et des éléments à prendre en compte pour le partage de celle-ci.
Il n’en saurait être autrement car le code civil de 1804 tel qu’il est appliqué au Cameroun n’avait considéré la communauté de meubles et d’acquêts que comme un régime légal ne devant s’appliquer que dans le cadre d’un mariage monogamique à l’instar de la société française.
Au Cameroun, il a été décidé par les juges du fond qu’en cas de polygamie il existe autant de communauté avec le mari que celui-ci a d’épouses. (Douala, 30 avril 1971 : R.C.D. N°3. P.95) Prenant en considération l’élément temporel, certains juges du fond ont décidé dans une espèce où le divorce était intervenu entre le mari et la première femme que rentraient dans cette communauté les biens acquis avant le second mariage du mari. Ces juges ont attribué les 2/3 des biens au mari et les 1/3 à la femme. Leur décision est cassée par la Cour Suprême qui toutefois n’indique pas les éléments à prendre en considération pour la formation de la masse communautaire partageable. Dans d’autres décisions, les juges se contentent alors d’affirmer l’existence d’une communauté dont ils ordonnent la liquidation et laissent le soin au notaire commis d’en fixer les règles.
Sur toutes ces questions une intervention urgente de la Cour Suprême s’avère indispensable pour harmoniser les positions.
De tout ce qui précède, et à la suite de la constatation des problèmes complexes et interminables posés par les grandes successions (Succession de Feu Fouda André et autres, et plus récemment la Succession de Feu Soppo Priso Paul) la tendance actuelle semble être l’adoption de plus en plus du régime de la séparation des biens dans un mariage polygamique, surtout lorsque certaines ou toutes les épouses exercent une profession séparée de celle de leur mari.
A l’instar d’autres législations africaines, des mouvements féministes camerounaises notamment celles des femmes juristes et d’une grande partie de la doctrine camerounaise, il faut penser que le régime de la séparation des biens est celui qui s’accommode le mieux d’un mariage polygamique. Seuls les époux monogames pourraient choisir dans leur contrat de mariage, soit la communauté soit la séparation des biens, mieux encore la communauté réduite aux acquêts. Et c’est à défaut de ce choix qu’il leur sera fait application du régime de communauté.