Le défaut de convocation d'un des débiteurs solidaires devant la commission départementale rend la procédure irrégulière.
Si l'administration fiscale peut choisir de notifier les redressements à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et la loyauté des débats l'oblige à notifier les actes de celle-ci à tous ces redevables.
La procédure est irrégulière dès lors que, si l'ensemble de la procédure, depuis la notification de redressement jusqu'au rejet de la réclamation contentieuse, a été suivi à l'encontre du donataire, le donateur débiteur solidaire n'a pas été convoqué devant la commission départementale de conciliation et n'a pas reçu notification de l'ensemble des actes de la procédure autres que la proposition de rectification (1re espèce).
La procédure est également irrégulière dès lors que, si l'ensemble de la procédure a été suivi à l'encontre du donateur, désigné dans l'acte seul débiteur des droits, la donataire débitrice solidaire n'a pas été convoquée devant la commission départementale et n'a pas reçu notification de l'ensemble des actes de la procédure fiscale autres que la proposition de rectification. Le fait qu'aucune poursuite n'ait été engagée par l'administration à son égard n'a pas d'incidence (2e espèce).
Nos observations
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La jurisprudence Marie (Cass. com. 18-11-2008 n° 07- 19.762 : CF-VI-9770), confirmée par la suite (Cass.com. 7 avril 2010 n° 09-14.516, DGFiP c/ Rigault : ENR-VII-2307 fv), a posé un principe novateur : en matière de droits d'enregistrement, postérieurement à la proposition de rectification, l'administration doit notifier à l'ensemble des débiteurs solidaires qui peuvent être poursuivis les actes de la procédure les concernant.
En dépit de ces arrêts, certains juges du fond continuent d'exonérer l'administration de cette obligation. Les affaires ici examinées concernaient un même arrangement familial par lequel un père a consenti une donation de titres à chacun de ses deux enfants, en deux actes différents. Contestant la valeur des titres retenue pour les droits de mutation dans ces deux actes, l'administration a adressé les propositions de rectification tant aux donataires qu'au donateur, ce qu'elle n'est pourtant pas tenue de faire. En revanche, par la suite, elle n'a poursuivi la procédure qu'avec l'un d'entre eux : avec le donataire dans la première affaire (n° 11-30.396), avec le donateur dans la seconde (n° 11-30.397). Elle n'a ainsi pas convoqué les autres parties devant la commission départementale de conciliation.
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Pour juger les procédures régulières, les deux cours d'appel saisies des litiges se sont fondées l'une sur le fait que le donataire poursuivi ne s'est pas plaint d'avoir été privé de ses droits garantis dans le cadre de la procédure contradictoire, l'autre sur l'absence de poursuites effectivement exercées à l'encontre du donataire solidaire par l'administration qui n'a donc fait preuve d'aucune déloyauté.
Réaffirmant le principe posé par sa jurisprudence Marie/Rigault, la Cour de cassation censure les raisonnements suivis par les cours. Elle casse sans renvoi, juge dans les deux cas la procédure irrégulière et décharge les redevables, soulignant ainsi la portée dudit principe et lui conférant une valeur absolue. L'obligation faite à l'administration s'applique ainsi à l'égard de tous les débiteurs pouvant être poursuivis en paiement en vertu de la solidarité fiscale visée à l'article 1705 du CGI,mêmesi les parties ont prévu dans l'acte que seule l'une d'entre elles était débitrice des droits.
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L'administration doit donc notifier à tous les débiteurs solidaires la réponse aux observations formulées par le destinataire de la notification, la convocation et l'avis de la commission départementale de conciliation ou encore le document comportant la motivation des pénalités (si celle-ci n'a pas été portée dans la proposition de rectification).
On rappelle à cet égard que l'arrêt Rigault précité a réservé l'hypothèse d'une représentation des codébiteurs par l'un d'entre eux. Cette représentation est expressément prévue devant la commission départementale de conciliation par l'article R 59 B-1 du LPF qui autorise la désignation d'un mandataire dûment habilité (ENR-VII-2180 s.). Même si les présentes décisions ne reprennent pas cette réserve, on ne peut cependant pas la considérer comme levée, la question n'ayant pas été évoquée devant la Cour.