Un résumé en une page est disponible avec la fiche copropriété n° 4 des Garanties Citoyennes (La confusion entre copropriété et ASL), réutilisable sous licence creative commons
Pour les néophytes, une erreur excusable
Nul n’est parfait. Nous avons tous pu commettre des erreurs.
Pour des acheteurs immobiliers non juristes, c'est encore plus clair. On leur promet qu’ils pourront devenir des propriétaires de droit divin sans rien avoir à apprendre. Ensuite, on leur inflige un droit instable et d'une extrême complexité, non sans leur donner des leçons de morale, en plus.
Les propos parfois virulents de ceux qui se disent membres du syndic bénévole relèvent justement de ces erreurs pardonnables car compréhensibles. De telles erreurs ne deviennent inexcusables que suite à l'opiniatreté de ceux qui les commettent. Quand on refuse tout effort pour étayer son argumentation, on finit par nuir à ses voisins, même si, à la base, la faute des pouvoirs publics qui trompent les acheteurs est accablante.
En effet, de manière évidente, certains copropriétaires confondent le syndic en copropriété avec le syndicat en ASL, et le législateur y est pour beaucoup.
Ainsi, l’article 9 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 dispose
« L'association syndicale libre est administrée par un syndicat composé de membres élus parmi les propriétaires membres de l'association ou leurs représentants dans les conditions fixées par les statuts.
Le syndicat règle, par ses délibérations, les affaires de l'association. »
Le syndicat des ASL est donc une sorte de conseil d’administration dont on peut être membre. Ses pouvoirs ressemblent à ceux du syndic qui, en copropriété, représente le syndicat des copropriétaires, mais qui est toujours une personne. Il n’est d'ailleurs pas prudent de se dire le membre du syndic, surtout si ce dernier est un monsieur personne physique (voir : Tête de membre du syndic bénévole : une auto-insulte bien choisie).
Différence entre ASL et copropriété
On rappelle que : « Les associations syndicales libres se forment par consentement unanime des propriétaires intéressés, constaté par écrit. » (article 7 de l’ordonnance du 1er juillet 2004).
Les ASL (Associations Syndicales Libres) font partie des associations syndicales de propriétaires qui ne doivent pas être confondues avec les syndicats de copropriétaires.
En effet, selon l’article 1er de l’ordonnance du 1er juillet 2004 :
« Peuvent faire l'objet d'une association syndicale de propriétaires la construction, l'entretien ou la gestion d'ouvrages ou la réalisation de travaux, ainsi que les actions d'intérêt commun, en vue :
a) De prévenir les risques naturels ou sanitaires, les pollutions et les nuisances ;
b) De préserver, de restaurer ou d'exploiter des ressources naturelles ;
c) D'aménager ou d'entretenir des cours d'eau, lacs ou plans d'eau, voies et réseaux divers ;
d) De mettre en valeur des propriétés. »
On peut remarquer qu’à aucun moment la loi n’exige la présence de quotepart de parties communes, contrairement à ce qui est impératif pour l’application obligatoire du statut de la copropriété (voir Quand le statut de la copropriété s’impose-t-il ?).
Une ASL peut ainsi n’avoir pour but que la réalisation d’actions d’intérêt commun en vue d’éviter des risques naturels (par exemple en matière d’éboulements ou d’inondations), sans qu’il n’y ait d’éléments patrimoniaux partagés par les propriétaires concernés.
Poids différent de l’ordre public
Bien comprendre la différence entre ASL et copropriété est très important, car les deux régimes sont profondément différents.
Les règles obligatoires en matière d’ASL sont extrêmement limitées.
Elles concernent surtout les formalités d’enregistrement des statuts et l’existence d’un syndicat élu (qui est donc une sorte de conseil d’administration) (articles 7 à 10 de l’ordonnance du 1er juillet 2004).
L’article 5 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 mentionne aussi la nécessité d’un président de l’association.
Pour le reste, une très grande liberté contractuelle est laissée aux rédacteurs des statuts de l’ASL.
La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est beaucoup plus rigide. Elle impose l’existence d’un syndic en fixant la durée maximale de son mandat, en lui imposant un contrat type s'il est rétribué et en lui assignant de nombreuses tâches. Elle prévoit aussi des formalités très strictes et pointilleuses en matière de répartition des charges, de notifications, de tenue des assemblées générales et de gestion comptable.
Chevauchements malheureux
Les propriétaires en ASL n’ont parfois que faire de la gestion des intérêts communs. Ils s’en débarrassent donc souvent en la confiant à un professionnel qui, par ailleurs, pour la majorité de son activité, est syndic de copropriété. Ces professionnels ne veulent souvent pas changer leur routine.
Quant aux élus membres des syndicats des ASL (ces sortes de conseils d’administration), ils sont parfois d’anciens ou d’actuels copropriétaires concernant d’autres biens. Là encore, ils ont pris des habitudes.
Cela conduit des dirigeants d’ASL ainsi que les professionnels qui les assistent à essayer d’appliquer le droit de la copropriété. C’est impossible tant que les statuts de l’ASL ne reprennent pas explicitement les règles prévues par la loi en matière de syndicats des copropriétaires.
Ainsi, les règles relatives au délai de deux mois pour contester l’assemblée générale, applicables en copropriété, ne sont pas applicables en ASL si les statuts ne l’ont pas prévu (Cass. 3e civ., 13 févr. 2008, n° 07-10.098,).
Les rédacteurs des statuts d’ASL doivent donc être très prudents pour éviter, en étant trop laconiques, que la structure ne se retrouve sans dirigeant en cas de dépassement du délai de mandat du président, si rien n’est prévu pour son remplacement (voir Cass. 3e civ., 14 sept. 2017, n° 16-20.911, obs. Agnès LEBATTEUX, Loyers et copropriété, nov. 2017, com. 215).
Coup de tête (de membre) permanent
Dans ce contexte, lorsque des copropriétaires annoncent qu’ils sont « membres du syndic bénévole », c’est pour s’arroger des pouvoirs qu’ils n’ont pas.
Dans leur tête, il existe une confusion entre le syndicat des ASL, une forme que conseil d’administration qui administre la structure, et le syndic, qui est une personne toujours seule et identifiée, et qui est le représentant légal du syndicat des copropriétaires.
Les deux régimes sont totalement différents. Dans un cas, celui des ASL, on a un organe collectif qui administre la personne morale. Dans l’autre, la copropriété, le syndic est seul représentant légal et il ne peut se faire substituer.
Le copropriétaire qui se prétend « membre du syndic » veut souvent pouvoir signer à la place de ce dernier les PV de réception des travaux, convoquer l’assemblée générale ou missionner des entreprises. Cela peut quasiment relever du pénal si une entreprise est ainsi trompée et finit par ne pas être payée...
En attendant, que les copropriétaires se souviennent du fait qu’un syndic personne physique, même si c’est un monsieur, n’est pas censé signer les documents uniquement avec son membre…
Espérons que cela dissuade les copropriétaires peu précis de se qualifier de membres du syndic bénévole et de confondre le syndic de copropriété avec le syndicat qui gère les ASL.