Insectes xylophages, péril et vice caché

Publié le Modifié le 31/05/2023 Vu 3 111 fois 0
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L’absence de péril est un critère de décence du logement. Celui qui achète une habitation dans un immeuble rendu dangereux par la présence d’insectes xylophages peut donc invoquer un vice caché.

L’absence de péril est un critère de décence du logement. Celui qui achète une habitation dans un immeub

Insectes xylophages, péril et vice caché

Cass. 3e civ., 8 févr. 2023, n° 22-10.743 (publié)

Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 21-24.109

Cass. 3e civ., 13 avr. 2023, n° 21-18.368

 

Décence et mise en sécurité

Depuis le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, les critères de décence des logements sont précisément énumérés.

Dans un logement non décent, le loyer peut être diminué voire être totalement suspendu.

Parmi les critères de décence du logement prévus par le décret figure l’absence de péril

Désormais, il faut parler de ‘‘mise en sécurité’’ (suite à l’ordonnance 2020-1144 du 16 septembre 2020), même si cette appellation recouvre exactement la même réalité.

En tout état de cause, dans un logement situé dans un immeuble frappé par un arrêté de péril ou de mise en sécurité, aucun loyer n’est dû et la garantie d’impayé de loyers ne peut plus fonctionner (Cass. 3e civ., 6 mai 2021, n° 20-15.094).

 

Vice caché et annulation

Quand on vend un lot dans un immeuble qui va bientôt être frappé d’un arrêté de péril, la prudence commande donc d’indiquer ce fait à l’acheteur, surtout si celui-ci indique vouloir mettre le lot en location.

Cela vaut même quand l’acheteur acquiert en fait les parts d’une société propriétaire de logements.

En Alsace, dans la commune de Soultz, une société possédait 11 logements dans un immeuble en copropriété. Les actionnaires ont vendu la totalité de leurs parts à une autre société qui s’est proposée de racheter la majorité des parts.

Quelques jours après, un arrêté de péril a été pris.

La vente a été annulée, et la société acheteuse a été indemnisée par les actionnaires de tous ses préjudices, y compris concernant le prêt que l’acheteuse avait contracté (Cass. 3e civ., 13 avr. 2023, n° 21-18.368).

 

Connaissance préalable

L’annulation des ventes se comprend d’autant mieux que les vendeurs qui se précipitent pour céder leurs biens avant que ne survienne un arrêté de péril savent souvent ce qu’ils font.

Le mécanisme est identique à celui qui est prévu en cas de gros travaux révélés à l’acheteur juste après son arrivée.

Une copropriétaire avait ainsi été syndic non professionnel de son immeuble de 1997 à 2014. À ce titre, elle avait signalé aux copropriétaires la nécessité de réparer la toiture. Ils n’en n’avaient rien fait.

La copropriétaire a dès lors cru bon vendre son lot sans indiquer à l’acheteur cette difficulté.

L’acheteur a découvert après son arrivée d’importantes infiltrations et a demandé l’annulation de la vente.

La vendeuse a invoqué une clause du contrat excluant toute garantie des vices cachés.

Or, une telle clause n’est pas applicable lorsque le vendeur connaissait le vice avant la vente. La vente devait donc être annulée (Cass. 3e civ., 18 janv. 2023, n° 21-23.977).

 

Évitement de la décote

Le comportement de cette dame, ancienne syndic non professionnelle, révélait un état d’esprit assez contestable.

En effet, bien que les ventes de logements dégradés ne soient pas interdites, il est nécessaire d’informer de manière loyale l’acquéreur pour qu’il puisse évaluer le coût des travaux à entreprendre.

Cela induit donc une décote quant au prix du bien.

Dès à présent, ce phénomène est observé concernant les ‘‘passoires thermiques’’. Entre 2023 et 2035, les règles se durciront progressivement pour interdire les nouveaux baux d’habitation dans les logements ayant une étiquette de performance énergétique inférieure à D.

Les logements actuellement classés E, F ou G se vendent donc moins cher (déjà 11 % de décote, voir Coline BÉRARD, « Passoires thermiques. Profitez des nouvelles aides », Capital, mars 2023, pp. 84 à 86)).

Des amis du lobby des professionnels de l’immobilier déplorent donc l’évolution du droit relatif aux passoires thermiques, puisque les commissions des intermédiaires de vente vont diminuer si les prix baissent (voir Th. Poulichot, Bail et logement décent, pp. 55-56).

La situation est la même en matière de péril, à ceci près que le vice affectant l’immeuble est plus facilement dissimulé.

 

Insectes xylophages

Aussi regrettable que cela puisse paraître, le diagnostic relatif à la présence de termites n’est pas exigible partout en France.

Le tiers sud-ouest du pays, l’ouest de la vallée du Rhône, la moitié de la Bretagne et de l’Île-de-France, la Seine-Maritime et le Pas-de-Calais sont seuls concernés par cette obligation.

Cela signifie qu’en dehors de ces zones, un immeuble peut être infesté sans que cela ne soit révélé par un document fourni lors de la vente.

Il est vrai qu’en application de l’article L. 126-4 du Code de la Construction et de l’Habitation, le préfet doit être avisé de la présence de termites, mais parfois, cette obligation n’est pas respectée.

En outre, l’administration peut être prévenue sans que l’acheteur ne le soit.

Enfin, il arrive que les insectes affectent une partie de l’immeuble, mais ne soient pas repérables dans le lot vendu.

 

Acceptation des travaux d’un tiers

Dans un immeuble francilien, une société a vendu un lot de copropriété à un particulier.

Un an après, un arrêté de péril a été pris.

Les planchers hauts et bas de l’appartement étaient affectés par des insectes xylophages.

L’acheteur a réclamé, au titre de la garantie des vices cachés, la réduction du prix de vente et des dommages intérêts.

La société venderesse a réplique que l’acheteur avait accepté que le syndicat des copropriétaires répare les désordres. Selon la venderesse, lorsque l’acheteur d’un bien affecté d’un vice caché obtient entière réparation par le vendeur, l’action en garantie des vices cachés disparaît dès que le vice est réparé.

La Cour de cassation, dans un arrêt qui sera publié, a considéré que cette règle ne s’applique pas lorsque c’est un tiers qui effectue la réparation.

L’acheteur conservait donc son droit d’agir en garantie des vices cachés, même si le syndicat des copropriétaires d’était engagé à réparer les désordres (Cass. 3e civ., 8 févr. 2023, n° 22-10.743).

 

Assurances

Encore faut-il que la personne condamnée puisse s’acquitter des condamnations, d’où l’importance des assurances.

Dans un autre immeuble, une société avait été missionnée pour opérer une réhabilitation.

Au bout d’un an, d’importants désordres sont apparus au plan de l’humidité. Après un an de plus, un arrêté de péril a été pris. Des insectes xylophages avaient été découverts.

La responsabilité de la société qui avait opéré la réhabilitation a été reconnue, sur le plan de la garantie décennale du constructeur.

Toutefois, le contrat d’assurance couvrant l’activité de cette société excluait explicitement la garantie décennale.

L’assureur n’a donc pas été condamné à garantir les indemnités que doit verser la société (Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 21-24.109).

C’est évidemment très risqué, en cas de défaillance de l’opérateur mal assuré. Le syndicat des copropriétaires aurait dû être plus vigilant. Il faut vérifier le contenu du contrat d’assurance couvrant le prestataire choisi.

 

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