Investissement risqué en résidences de tourisme

Publié le 01/03/2023 Vu 2 676 fois 0
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Des dispositifs fiscaux encouragent les ménages à investir dans des résidences de tourisme. Ces dernières sont vouées à être louées ensuite à un opérateur. Plusieurs procès montrent la dangerosité de telles opérations.

Des dispositifs fiscaux encouragent les ménages à investir dans des résidences de tourisme. Ces dernières

Investissement risqué en résidences de tourisme

Un modèle attractif

 

Pourquoi les résidences de tourisme plaisent-elles tant aux investisseurs ?

 

Tout simplement parce qu’elles font l’objet d’incitations fiscales attractives.

 

Le processus pourrait paraître simple.

 

Un promoteur-vendeur propose de vendre à chaque acquéreur un logement qu’il s’agit de construire ou de réhabiliter.

 

En contrepartie, l’acquéreur accepte de consentir un bail d’au moins 9 ans à un preneur, exploitant touristique.

 

Le but est qu’à terme, l’acquéreur perçoive un loyer tout en bénéficiant d’une réduction d’impôts (20 à 25 % selon les situations).

 

La Cour de cassation résume alors le processus ainsi : Des personnes ont « acquis des lots au sein d'une résidence en l'état futur d'achèvement, avec un objectif de défiscalisation » (Cass. 1ère civ., 1er févr. 2023, n° 21-16.380).

 

 

Une opération complexe

 

La présentation qui précède est néanmoins très simplifiée.

 

Le mécanisme ne se résume pas à la relation directe entre promoteur-vendeur et l’acquéreur.

 

D’autres acteurs interviennent, ce qui multiplie les risques de conflits au moindre problème.

 

Les banques qui fournissent des prêts pour attirer les acquéreurs, les agents immobiliers, qui tentent de convaincre les investisseurs, et les entreprises du bâtiment participant à la reconstruction ou la réhabilitation ne doivent pas être oubliés. Citons aussi les notaires qui passent les ventes et pour lesquels les promoteurs-vendeurs sont d’excellents clients.

 

Or, une opération visant à livrer des logements à une date précise risque toujours de rencontrer divers imprévus. Dans ce cas, une indemnisation des acquéreurs est souvent imposée. Le promoteur-vendeur se retourne ensuite contre les entreprises de construction. Ce fut notamment le cas lorsqu’une résidence de tourisme n’a pu être livrée suite au gel de canalisations (Cass. 3e civ., 4 mars 2021, n° 18-21.344).

 

 

Confusion grossière des intérêts

 

Outre ces soucis inévitables, le promoteur-vendeur a évidemment des liens avec le preneur-exploitant. En effet, dans les contrats de vente, le bail avec présence d’un preneur-exploitant, est imposée aux acquéreurs, notamment pour des raisons fiscales.

 

Si le bail n’est finalement pas conclu, l’avantage fiscal est perdu (Cass. 1ère civ., 1er février 2023, n° 21-16.380).

 

La tentation est alors, pour le promoteur-vendeur, de se nommer lui-même preneur-exploitant futur, ce qui induit un mélange des genres particulièrement nuisible aux investisseurs.

 

En effet, l’exploitant d’une résidence de tourisme qui commence son activité bénéficie d’un remboursement de TVA lié à la différence entre la TVA déjà versée à d’autres entreprises concernant les immobilisations (et notamment le bâti) et la TVA encaissée auprès des premiers touristes clients (lien).

 

Très souvent, il est prévu que les remboursements de TVA servent de caution pour les loyers à verser aux investisseurs. Parfois, le promoteur-vendeur en même temps preneur-exploitant s’arrange pour encaisser lui-même ce remboursement de TVA par l’intermédiaire de son comptable, malgré les promesses initiales d’utiliser ces fonds pour garantir le versement des loyers. Ensuite, lorsque ce preneur-exploitant fait faillite, il est incapable de représenter ces fonds et les acquéreurs se retrouvent avec des locaux vides pour lesquels ils ne perçoivent aucun loyer.

 

La responsabilité du notaire qui permet de tels tours de passe-passe sans prévenir spécifiquement les acquéreurs du risque encouru est alors engagée (Cass. 1ère civ., 11 janv. 2023, n° 21-22.022).

 

 

Fragilité économique intrinsèque

 

En effet, les faillites d’exploitants de résidences de tourisme sont extrêmement fréquentes. Les logements sont ensuite vides durant des procédures très longues et les investisseurs privés de loyers n’ont plus que les yeux pour pleurer.

 

Les acquéreurs victimes se comptent alors par dizaines pour chacun des immeubles concernés (Cass., 3e civ., 16 nov. 2022, 21-10.016).

 

Cela occasionne des procès-fleuves aux multiples parties à mettre en cause, et qui encombrent les Cours d’appel de Chambéry, Lyon, Montpellier, Grenoble ou Pau, ainsi que la Cour de cassation, très souvent saisie au final.

 

L’exemple le plus calamiteux est celui des multiples arrêts du 6 octobre 2021 (Cass. 1ère civ., n° 20-11.788 et autres).

 

Des acquéreurs aux abois avaient accepté un protocole d’accord suite à la faillite du preneur prévu. Un nouveau preneur était intervenu en échange du versement de quelques loyers. Les obligations initiales du contrat de vente ont alors été effacées, car un protocole a autorité de chose jugée. Il devenait impossible de faire annuler les ventes pour tromperie.

 

Circonstances connues de tous

 

Sans qu’il s’agisse ici d’accabler les acquéreurs, il faut donc les mettre en garde.

 

Bien entendu, il est humain d’être focalisé sur un gain substantiel futur sans accepter les avertissements étayés émis par des intervenants prudents.

 

Néanmoins, nos concitoyens doivent comprendre qu’un capitalisme équilibré implique de hauts risques pour les plus grands profits, tout particulièrement en matière touristique où le rapport au rêve est très fort.

 

Les entreprises de tourisme ont des phases de réussites impressionnantes. Malheureusement, surviennent aussi des périodes bien plus sombres. Les crises sanitaires, sécuritaires, énergétiques, sociales voire climatiques peuvent affecter fortement les résidences touristiques et entraîner une fragilisation des entreprises concernées.

 

Dans ce cas, les ménages investisseurs sont assez mal placés pour pleurer en cas de faillite de l’exploitant avant la fin du bail initialement fixé à 9 ans.

 

La banque qui conseille un tel investissement sans trop prévenir du risque de faillite ne manque pas à son devoir de conseil. Comme l’a rappelé la Cour de cassation, en matière de résidences où un bail est accordé ensuite à un exploitant, la possibilité d’une liquidation de cette exploitant avant la fin du bail est toujours possible. L’absence de loyers qui s’ensuit relève alors de « circonstances connues de tous » (Cass. com., 30 juin 2015, n° 14-17.907).

 

 

Promesses dolosives

 

Néanmoins, il est possible de se retourner contre le promoteur-vendeur s’il se permet de faire des promesses excessives.

 

Sur une plaquette de commercialisation, un promoteur-vendeur s’était ainsi engagé à ce que soit générée une « rentabilité garantie ». Hélas, le preneur-exploitant a ensuite fait faillite.

 

La Cour de cassation a estimé que la promesse d’une garantie de rentabilité constituait une manœuvre dolosive, c’est-à-dire d’un agissement visant à tromper les acquéreurs. Or, le dol permet d’annuler la vente (Cass. 3e civ., 24 sept. 2020, n° 19-18.637).

 

 

Pratiques inacceptables

 

De la même manière, des citoyens irlandais et britanniques avaient été démarchés par un intermédiaire pour investir dans une résidence de tourisme vendue en l’état futur d’achèvement. Néanmoins, la construction n’a pas été achevée.

 

Le notaire a été condamné pour manquement à son devoir de conseil, notamment parce qu’il avait été étroitement associé à l’opération et qu’il savait que le promoteur-constructeur ne disposait pas dès le départ des fonds nécessaires pour terminer la construction.

 

L’intermédiaire de vente a aussi été condamné pour ne pas s’être inquiété de la situation spécifique des acquéreurs et de leur capacité financière à assumer les risques induits par une telle opération.

 

On remarque également que des contrats de réservation ont été conclus alors que « l’intermédiaire n’était pas encore titulaire de la carte professionnelle d’agent immobilier ». Belle pratique que voilà ! Et après, on accuse le DAL d’excès vis-à-vis des professionnels de l’immobilier… Au moins, le DAL n’encourage pas l’exercice illicite de la profession d’agent immobilier.

 

Pour les manquements au devoir de conseil qu’il a commis concernant ces contrats, l’intermédiaire n’était donc même pas couvert par l’assurance (Cass. 1ère civ., 8 janv. 2020, n° 18-21.919 et 18-23.424).

 

 

Revenir à l’essentiel

 

Les victimes concernées par les nombreux arrêts cités dans le présent article se trouvent donc dans une situation inacceptable et dangereuse pour l’ensemble du public.

 

Ces pratiques jugées illicites par la Cour de cassation sont délétères. Elles affectent l’ensemble du secteur du bâtiment et détournent les investisseurs de la construction de logements destinées à l’habitation principale.

 

Les logements vacants n’ont jamais été aussi nombreux. La crise de ces résidences de tourisme ou des résidences services l’explique.

 

Notons les difficultés de certains gestionnaires de résidences services destinées à nos aînés (voir Sud-Ouest, 17 mai 2022).

 

Il était essentiel d’évoquer ces points de manière documentée. C’est bien plus utile que les débats passionnés où les qualificatifs excessifs, ainsi que les moqueries visant des groupes entiers de personnes, sont échangés.

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