Pots-de-vin et quête d’habitat durable pour tous

Publié le Modifié le 02/03/2023 Vu 1 301 fois 0
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La dégradation du bâti affecte surtout les locataires et les occupants vulnérables. Or, ils pourraient être les premiers à pâtir de l’existence de pots-de-vin versés par les entreprises du bâtiment.

La dégradation du bâti affecte surtout les locataires et les occupants vulnérables. Or, ils pourraient êtr

Pots-de-vin et quête d’habitat durable pour tous

Crise sanitaire et écologique

 

Les effets du confinement ont été particulièrement lourds concernant les mal-logés (lien).

 

Les clusters ont également été nombreux dans les zones où l’habitat urbain problématique reste très présent. Le Val d’Oise, la Seine-Saint-Denis, Marseille, la région lyonnaise et l’est de la France, qui ont connu de nombreuses affaires relatives à des marchands de sommeil, sont, comme par hasard, des territoires où la pandémie a tout particulièrement frappé.

 

Dans les immeubles privés aux parties communes mal entretenues, des studios sont fréquemment loués par des spéculateurs à des personnes vulnérables qui, à défaut d’autres solutions, suroccupent ces habitats devenus des nids à contamination.

 

Ce sont les mêmes immeubles où abondent les passoires thermiques.

 

On rappelle que suite au décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021, à compter du 1er janvier 2023, l’article 3 bis alinéa 1 du décret n° 2002-130 sera rédigé ainsi :

 

« En France métropolitaine, le logement a une consommation d'énergie, estimée par le diagnostic de performance énergétique défini à l’article L. 134-1 du code de la construction et de l’habitation, inférieure à 450 kilowattheures d'énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an. »

 

Faire payer les locataires piégés ?

 

Selon la journaliste juridique Sylvie MICHELIN-MAZERAN, il y aurait au moins 3,1 millions de passoires thermiques occupées par 1,7 million de ménages très modestes. Ces passoires sont les logements où la consommation est supérieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par m2 et par an (Sophie MICHELIN-MAZÉRAN, « Rénovation du parc de logements locatifs privés : des solutions émergent entre incitation et obligation », Loyers et copropriété, novembre 2019, Focus 76, p. 3).

 

Qui va payer pour la réhabilitation de ces passoires thermiques ? Les marchands de sommeil qui les mettent en location ? Ce sont des brigands racistes avides d’argent… Une idée émerge donc chez les spéculateurs et leurs alliés : faire payer les ménages très modestes piégés dans cet habitat indécent.

 

Dès maintenant, et suite à la loi n° 2019-1147 dite énergie climat du 8 novembre 2019, l’article 23-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose, dans son premier alinéa :

 

« Lorsque des travaux d'économie d'énergie sont réalisés par le bailleur dans les parties privatives d'un logement ou dans les parties communes de l'immeuble, une contribution pour le partage des économies de charge peut être demandée au locataire du logement loué, à partir de la date d'achèvement des travaux, sous réserve que ces derniers lui bénéficient directement et qu'ils lui soient justifiés. Elle ne peut toutefois être exigible qu'à la condition qu'un ensemble de travaux ait été réalisé et que le logement ait une consommation énergétique primaire inférieure à 331 kilowattheures par mètre carré et par an.

Cette participation, limitée au maximum à quinze ans, est inscrite sur l'avis d'échéance et portée sur la quittance remise au locataire. Son montant, fixe et non révisable, ne peut être supérieur à la moitié du montant de l'économie d'énergie estimée. »

 

Combines potentielles entre syndics et entreprises

 

Cette situation est d’autant plus cruelle qu’en copropriété, les travaux peuvent être surfacturés. Des commissions discrètes sont souvent versées par les entreprises au syndic ayant présenté ces prestataires à l’assemblée générale.

 

En théorie, ladite pratique est illicite. Le syndic professionnel n’est censé être rétribué, pour l’accomplissement de sa mission de syndic, que par une rémunération indiquée dans son contrat de syndic (voir article 66 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972). Il doit également révéler tout lien capitalistique noué entre lui et les prestataires qu’il présente à l’assemblée générale des copropriétaires (article 4-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970).

 

Dans la pratique, il est très difficile de vérifier les relations amicales ou financières nouées entre syndics et prestataires. Les cadeaux et les invitations au restaurant n’apparaissent pas forcément dans les bilans comptables, pas plus que les aventures intimes.

 

Tout ceci peut induire des surfacturations d’autant plus préjudiciables aux locataires qu’ils n’ont aucun contrôle sur le choix des entreprises et sur le respect du droit de la concurrence.

 

Défiance du législateur

 

Les parlementaires, qui sont loin d’être tous des petits saints, savent très bien comment le monde fonctionne et se méfient donc des syndics ainsi que de leurs relations avec des prestataires dont l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous.

 

Le sénateur Robert NAVARRO (qui eut ensuite des démêlés avec la Justice), a ainsi interrogé le gouvernement sur l’omniprésence des « rétrocommissions » (pots-de-vin) en copropriété (voir Informations Rapides de la Copropriété, juillet-août 2012, p. 23).

 

La loi ALUR de 2014 a donc alourdi les règles relatives à l’information devant être donnée aux copropriétaires par les syndics concernant les liens qu’ils nouent avec les prestataires. Comme le disait Pierre CAPOULADE : « il s’agit ici de lutter contre le trafic d’influence » (c’est lui qui soulignait) (Pierre CAPOULADE, « La copropriété sous contrôle », Administrer, juillet 2014, p. 14).

 

On rappelle que le trafic d’influence, prévu et réprimé par l’article 433-2 du Code Pénal, concerne ceux qui monnaient leur capacité d’influencer une autorité ou une administration publique. Pour des travaux en HLM, souvent subventionnés par les pouvoirs publics, cela peut exister. En copropriété, il s’agit plutôt d’une faute civile.

 

Que faire contre les honoraires cachés ?

 

Quoi qu’il en soit, ce sont les ménages les plus vulnérables qui paient pour ces émoluments illicites induisant des surfacturations lors des réhabilitations.

 

Chacun s’étonne ensuite de l’abondance des malfaçons, au moment même où certains assureurs low cost (des compagnies néo-zélandaises ou danoises installées à Gibraltar, notamment) font faillite (Sophie MICHELIN-MAZÉRAN, « Faillite d’assureurs construction : les copropriétés ne sont pas épargnées », Loyers et copropriété, avril 2019,  focus 20, pp. 3-4).

 

Les locataires et les copropriétaires se tenant en marge des réseaux malsains ne peuvent plus rester inertes ni se contenter d’être endormis au sein d’instances consultatives où les vraies questions, et notamment les appels d’offres, ne sont jamais abordées.

 

Les habitants doivent exiger une concurrence loyale qui laisse des traces, avec des cahiers des charges rédigés dans la transparence (incorporant la fixation de garanties minimales exigées). La faculté pour tous de présenter des candidats doit être assurée. Le suivi des procédures concurrentielles doit être soigneusement consigné.

 

Ensuite, les pots-de-vin seront toujours possibles mais bien moins probables. Or, dans l’immense majorité des immeubles, ces éléments objectifs décrivant les processus concurrentiels n’existent pas. Les locataires et les copropriétaires honnêtes doivent donc faire entendre leur voix pour que ces documents deviennent obligatoires. Afin d’obtenir de tels résultats, les associations agréées existent. Elles doivent démontrer leur motivation et leur mobilisation quant à ce combat.

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