Très naïve panacée participative
Dans sa première version, le premier alinéa de l’article 21 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 disposait :
« Un conseil syndical peut à tout moment être institué, en vue d'assister le syndic et de contrôler sa gestion. ».
Ce n’est qu’avec l’article 4 de la loi n° 85-1470 du 31 décembre 1985, dite loi BONNEMAISON, que ce premier alinéa de l’article 21 a disposé :
« Dans tout syndicat de copropriétaires, un conseil syndical assiste le syndic et contrôle sa gestion. ».
Ce qui était sous-entendu par le législateur dès 1985 était que les syndicats de copropriétaires où le syndic solitaire peut faire n’importe quoi sont ceux qui connaissent le plus rapidement des difficultés.
L’ancienne délégation de pouvoir
Les dérives de certains syndics ont laissé penser que plus le conseil syndical intervient, mieux l’immeuble se porte.
Depuis 1985, l’article 21 de la loi de 1965, consacré au conseil syndical, ne cesse de gonfler, avec de fréquentes modifications montrant l’intérêt du législateur pour cet organe du syndicat.
Or, dès 1965, l’article 25 de la loi n° 65-557 disposait :
« Ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :
a) Toute délégation du pouvoir de prendre l'une des décisions visées à l'article précédent ; »
On rappelle que l’article 24 disposait, dans son premier alinéa :
« Les décisions de l'assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés, s'il n'en est autrement ordonné par la loi. »
Depuis 1965, il est donc possible d’accorder une délégation de pouvoir pour prendre les décisions relevant de l’article 24 de la loi.
Cette règle a été interprétée comme donnant la possibilité pour l’assemblée générale de déléguer au conseil syndical le choix d’une entreprise, à condition de bien obtenir la majorité des voix de tous les copropriétaires pour accorder cette délégation (Christelle COUTANT-LAPALUS, Loyers et copropriété juillet-août 2018, com. 186, observations sur Cour de cassation, 3e ch. civ., 31 mai 2018, n° 17-18.046).
On notera que cette délégation de l’article 25 impliquait que la décision de travaux ait été prise régulièrement par l’assemblée générale elle-même. Ainsi, on respectait l’obligation d’inscrire à l’ordre du jour le projet de décision de travaux pour bien informer les copropriétaires, et cela conformément à l’article 13 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967.
Si l’on avait permis des délégations en blanc au conseil syndical, cela aurait par contre abouti à contourner les règles relatives à l’obligation d’élaborer un ordre du jour pour les assemblées générales de copropriétaires. En effet, le pouvoir décisionnaire de l’assemblée générale doit être préservé, notamment, par exemple, en matière de choix des horaires d’ouverture des portes (Florence BAYARD-JAMMES, La Copropriété en questions, Lyon, EDILAIX, 2014, voir p. 116).
Élan vers une nouvelle délégation
La situation a changé avec l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019. Elle est surnommée « ordonnance ÉLAN », car c’est la loi ÉLAN (Évolution du Logement, le l’Aménagement et du Numérique) du 23 novembre 2018 qui avait habilité le gouvernement à la prendre.
Un article 21-1 a été introduit dans la loi du 10 juillet 1965. Il dispose :
« Sans préjudice des dispositions du a de l'article 25, lorsque le conseil syndical est composé d'au moins trois membres, l'assemblée générale peut, par décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires, lui déléguer le pouvoir de prendre tout ou partie des décisions relevant de la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés, ou votant par correspondance.
La délégation de pouvoirs ne peut toutefois porter sur l'approbation des comptes, sur la détermination du budget prévisionnel, ou sur les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et règlementaires intervenues depuis son établissement. »
C’est beaucoup plus large que l’ancienne délégation. Désormais, et à condition de respecter l’enveloppe budgétaire fixée, le conseil syndical peut faire ce qu’il veut concernant, par exemple, le ravalement, s’il a reçu une délégation de l’article 21-1 dans ce sens. Il choisit l’entreprise, les couleurs, les méthodes et les délais, tout en élaborant le cahier des charges.
Précautions législatives
Conscient de l’ampleur de la délégation donnée, le législateur a donné des précisions sur l’enveloppe budgétaire, sur les délais laissés au conseil pour agir et sur les modalités du vote.
Dans l’article 21-2 introduit au sein de la loi du 10 juillet 1965, on lit :
« L'assemblée générale fixe le montant maximum des sommes allouées au conseil syndical pour mettre en œuvre sa délégation de pouvoirs. »
Un article 21-3 précise aussi :
« La délégation de pouvoirs mentionnée à l'article 21-1 est accordée au conseil syndical pour une durée maximale de deux ans. Elle est renouvelable par une décision expresse de l'assemblée générale. »
L’article 21-5 dispose :
« Les décisions du conseil syndical pour l'exercice de la délégation de pouvoirs mentionnée à l'article 21-1 sont prises à la majorité de ses membres. En cas de partage des voix, le président du conseil syndical a voix prépondérante.
Le conseil syndical rend compte de l'exercice de sa délégation de pouvoirs devant l'assemblée générale votant l'approbation des comptes.
Il établit un rapport en vue de l'information des copropriétaires. »
Ce rapport obligatoire est le signe d’une responsabilité écrasante pesant sur le conseil syndical.
Plus moyen de se cacher
Dès lors qu’il dispose d’une délégation de pouvoir de l’article 21-1 et qu’il agit dans ce cadre, le conseil syndical ne peut pas se cacher derrière le syndic, qui ne saurait engager sa responsabilité lorsqu’il s’est borné à exécuter les décisions régulières de l’assemblée générale.
Ce n’est qu’en l’absence de délégation régulière que le syndic se doit de refuser d’exécuter une décision abusive du conseil syndical (Cour d’appel de Pau, 24 octobre 2013, n° 12/02876, observations Sylvaine PORCHERON, AJDI avril 2014, p. 288).
Le conseil syndical bénéficiaire d’une délégation de l’article 21-1 ne peut pas non plus dégager sa responsabilité en prétendant avoir exercé son devoir de conseil, à l’inverse des syndics. Ces derniers, lorsqu’un choix financier ou technique est douteux, doivent avertir les copropriétaires (CA Paris Pôle 4 Ch 2, 2013 04 03 RG 10/20507, observations Guy VIGNERON, Loyers et copropriété, septembre 2013, com. 249). Toutefois, si le syndic a émis des objections mais que l’assemblée générale a passé outre, la responsabilité du syndic est dégagée (Cour de cassation, 3e civ., 11 octobre 2018, n° 17-25.790).
Au final, le conseil syndical qui exécute une délégation de pouvoir de l’article 21-1 assume donc une responsabilité PLUS LOURDE que celle du syndic, parce que le conseil syndical ne peut pas s’abriter derrière la décision souveraine et informée de l’assemblée générale.
On comprend qu’un article 21-4 ait été introduit dans la loi du 10 juillet 1965 et qu’il dispose :
« Le syndicat des copropriétaires souscrit, pour chacun des membres du conseil syndical, une assurance de responsabilité civile. »
Le syndic, dernier rempart
Chacun peut noter que c’est le syndicat des copropriétaires qui souscrit l’assurance de responsabilité civile.
Or, la responsabilité couverte est celle du champ de la délégation. Si jamais le conseil syndical excède, au plan financier ou au plan technique, la délégation qui lui a été accordée, le syndic a le devoir d’intervenir pour refuser d’exécuter les décisions litigieuses.
Si le syndic oublie de s’opposer aux décisions du conseil syndical excédant les délégations reçues, le syndic commet une faute, mais elle est couverte par sa propre assurance de responsabilité civile.
Amis autogestionnaires, vous devez alors comprendre qu’il vaut mieux ne pas cumuler la gestion de forme coopérative, où le syndic est le président du conseil syndical (lien), et la délégation de pouvoir de l’article 21-1 accordée au même conseil syndical.
Le syndicat coopératif des copropriétaires serait bien imprudent s’il donnait une délégation de pouvoir au conseil syndical, tout en comptant sur le syndic coopératif, président du même conseil syndical, pour veiller à ce que le champ de cette délégation soit respecté. L’élu de la majorité du conseil syndical n’est pas le mieux placé pour contrôler les éventuels abus commis par le même conseil syndical.
Assurance et aléa
L’assureur, en cas de faute du syndic coopératif qui aura exécuté une décision abusive du conseil syndical excédant une délégation reçue, risque d’évoquer le défaut d’aléa.
On rappelle l’article 1964 du Code civil :
« Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain.
Tels sont :
Le contrat d'assurance, […] »
Légitimement, on peut estimer que le syndicat des copropriétaires qui cumule gestion coopérative et délégation de pouvoir de l’article 21-1 prend un risque tel que cela supprime l’aléa. Lorsque le syndic coopératif, également président du conseil syndical, commet une faute en oubliant de s’opposer aux décisions dudit conseil syndical excédant la délégation reçue, le syndicat coopératif pouvait s’attendre à ce qui allait arriver.
Amis autogestionnaires, vous voilà prévenus, à nouveau. C’est la deuxième recommandation qui vous est faite sur ce blog en matière de conseil syndical (après celle qui concerne la nécessité de demander à l’assemblée générale de se prononcer clairement sur la possibilité pour des individus se présentant en dernière minute d’être élus audit conseil).
Vous devez à tout prix éviter de cumuler, dans le même immeuble, la gestion de forme coopérative et les délégations régies par l’article 21-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.