Pour un résumé en une page, lire la fiche copropriété n° 5 des Garanties citoyennes relative à la copropriété comme statut optionnel
La copropriété optionnelle
Le statut de la copropriété s’impose dans les immeubles ou groupes d’immeubles divisés en lots possédés par diverses personnes lorsque chaque lot contient à la fois des parties privatives et une quotepart de parties communes (Quand le statut de la copropriété s’impose-t-il ?).
La loi prévoit néanmoins des situations où les propriétaires peuvent échapper au statut de la copropriété à certaines conditions.
L’article 1 point II de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose :
« A défaut de convention y dérogeant expressément et mettant en place une organisation dotée de la personnalité morale et suffisamment structurée pour assurer la gestion de leurs éléments et services communs, la présente loi est également applicable :
1° A tout immeuble ou groupe d'immeubles bâtis à destination totale autre que d'habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes ;
2° A tout ensemble immobilier qui, outre des terrains, des volumes, des aménagements et des services communs, comporte des parcelles ou des volumes, bâtis ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs.
Pour les immeubles, groupes d'immeubles et ensembles immobiliers mentionnés aux deux alinéas ci-dessus et déjà régis par la présente loi, la convention mentionnée au premier alinéa du présent II est adoptée par l'assemblée générale à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat. »
La destination totale autre que l’habitation
Le statut de la copropriété, avec ses lourdeurs, est rarement adapté à des immeubles ou groupe d’immeubles commerciaux ou professionnels occupés par de petites entreprises parfois fragiles et éphémères.
Les groupes d’immeubles en déshérence mal gérés par des commerçants ayant déjà d’autres soucis ont même gangréné les périphéries urbaines. Sur ce point, l’exemple de Toulouse-Le Mirail est éclairant. Le Professeur Nicolas GOLOVTCHENKO a pu le montrer lors du séminaire ALTERPROP qui s’est tenu le 27 janvier 2012 à la Maison des Sciences de l’Homme de Tours.
Conscients de ces difficultés, le gouvernement a permis aux propriétaires d’immeubles à destination globale autre que l’habitation d’échapper au statut de la copropriété.
Ce fut l’un des changements les plus importants introduits par l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 (voir Matthieu POUMARÈDE, « Présentation générale de l’ordonnance du 30 octobre 2019 », AJDI, déc. 2019, pp. 845 à 847).
On notera que pour bénéficier de la possibilité d’échapper à la copropriété, il est hors de question qu’un seul lot puisse être à destination ne serait-ce que partielle d’habitation.
Les ensembles immobiliers hétérogènes
L’autre hypothèse où il est possible d’échapper à la copropriété est l’existence d’ensembles immobiliers hétérogènes.
Ce que l’on entend par là est que le sol, dans ces ensembles immobiliers, est divisé en parcelles possédées chacune par des propriétaires différents (Patrice LEBATTEUX, « Comment redéfinir la notion d’ensemble immobilier et l’application du statut ? », Loyers et copropriété, oct. 2015, pp. 15 à 19).
L’idée d’ensembles immobiliers est ce qui a justifié dès la fin des années 1960 la création par des notaires de divisions en volumes, notamment lorsqu’un des propriétaires était une personne publique.
On rappelle que le domaine public ne peut pas servir d’assise à un immeuble en copropriété, puisque le sol deviendrait partie commune. Cela donnerait des droits à des particuliers sur un élément du domaine public. Or, ce dernier est inaliénable.
Les règles de la copropriété doivent donc être écartées pour tout élément du domaine public, et un lot de copropriété ne peut jamais être intégré au domaine public (CE, Section, 11 février 1994, n° 109.564 et, plus récemment, CAA Paris, 5 juillet 2019, n° 17PA20496).
Volumétrie
Pour construire un bâtiment au-dessus d’un ensemble immobilier composé de parcelles relevant les unes du domaine public et les autres de la propriété de personnes privées, la division en volumes a été inventée.
Chaque propriétaire ne détient qu’un cube d’air dans les immeubles bâtis. Le sol reste possédé par chacun de ses détenteurs. Les gros murs, les canalisations communes, les réseaux communs et le toit sont gérés par une structure ne relevant pas de la copropriété. Les relations entre détenteurs de volumes sont considérées comme des servitudes (un peu comme la servitude de passage dont bénéficie celui dont la parcelle est enclavée).
La division en volumes fait couler beaucoup d’encre, les collectivités publiques et les grandes entreprises souhaitant souvent échapper à la copropriété, ce qui en dit long sur l’attractivité de cette dernière (Agnès LEBATTEUX SIMON « Vademecum de la scission en volumes », Loyers et copropriété, oct. 2015, pp. 29 à 33,).
Certains auteurs ont parlé de « volumétrie ». C’est est un peu étrange, puisqu’étymologiquement, ce mot concerne plutôt la mesure des volumes et non leur organisation.
Il s’agit là toutefois d’une curiosité de langage sans gravité. Ainsi, on ne peut être choqué par la citation relative à l’évolution récente de la copropriété : « ces modifications n’apparaissent pas suffisantes et le statut de la copropriété reste présenté comme un carcan dont certains tentent de s’évader en recourant à des montages juridiques moins contraignants comme la volumétrie », Florence Bayard-Jammes, « La prise de décision par le syndicat des copropriétaires : constats et perspectives », AJDI, juill. août 2019, citation à la p. 500).
On peut aussi comprendre l’expression : « éclatement de l’immeuble : la volumétrie », Agnès LEBATTEUX SIMON « Les alternatives à la copropriété », Loyers et copropriété, janv. 2015, à la p. 12).
Parler de volumétrie est bien moins problématique que la formulation employée par ceux qui se disent « membre du syndic bénévole personne physique » (Tête de membre du syndic bénévole).
Une fois choisie la division en volumes en prétendant être en présence d’un ensemble immobilier, on peut mettre en place une organisation différente de la copropriété.
Organisation différente
Dès 1965, la loi permettait une organisation différente de la copropriété pour les ensembles immobiliers hétérogènes.
La jurisprudence a précisé ce que l’on doit entendre par organisation différente.
On sait déjà que le statut de la copropriété s’applique dans les cas prévus par la loi, même en l’absence de règlement de copropriété (Cass., 3e civ., 12 sept. 2012, n° 11-10.827 et 11-11.12.963). Pour échapper à la copropriété, il faut donc être vigilant, car si l’organisation différente mise en place est insuffisante, et même dans le cadre où la copropriété n’est qu’optionnelle, le statut de la copropriété prévu par la loi du 10 juillet 1965 s’impose.
Il faut une personne morale chargée de gérer les intérêts ou les éléments communs
Cette personne morale doit fonctionner, avoir été déclarée, et avoir été mise concrètement en place avec un représentant légal en fonction. Elle ne doit pas résulter de statuts théoriques (Cass. 1ère civ., 12 janv. 2018, n° 17-18.705).
Le texte de la loi du 10 juillet 1965 tel qu’il a été modifié par l’ordonnance du 30 octobre 2019 ajoute que l’organisation doit être « suffisamment structurée pour assurer la gestion de leurs éléments et services communs ». La Cour de cassation déterminera ce qu’il faut penser par cet ajout.
La prudence commande de choisir des modes d’organisation dont le législateur a prévu qu’ils puissent servir à gérer des éléments immobiliers (les associations syndicales de propriétaires et les organismes fonciers notamment). Dès à présent, il est clair que l’ASL peut constituer l’organisation différente prévue par la loi de 1965 (Cass. 2e civ., 19 févr. 2015, n° 14-12.849).
On notera que pour les juges administratifs, l’ASL (Association Syndicale Libre) est compatible avec la domanialité publique (CE, 10 mars 2020, n° 432555, Christophe OTERO, « Associations syndicales de propriétaires et domanialité publique : entre harmonie et conflit », AJDI, nov. 2020, pp. 765-766).
Traquenards
Ceux qui en ont assez de la copropriété doivent-ils se ruer sur ces montages qui permettent d’échapper au lourd statut établi en 1965 ?
Le problème de toutes les organisations différentes précitées est le pouvoir trop important donné au rédacteur des statuts.
Des structures syndicales foncières peuvent ainsi valablement exclure tout pouvoir direct des propriétaires individuels. Les statuts peuvent prévoir qu’ils doivent passer par des structures intermédiaires pour être représentés à l’assemblée centrale décisionnaire.
Sur ce point, le regretté Christian ATIAS évoquait un « traquenard », ce qui vaut autant dans les unions de syndicats de copropriétaires que dans les unions d’associations syndicales libres (« Le sacrifice des intérêts des copropriétaires en union de syndicats », Recueil Dalloz 2003, pp. 995-998).
Désormais, les propriétaires au sein d’un groupe d’immeubles commerciaux peuvent choisir une organisation différente de la copropriété. Même s’ils étaient en copropriété hier, ils peuvent mettre en place cette organisation à l’unanimité. Que vont-ils choisir ? Respecteront-ils notamment le droit de la concurrence ? Mettront-ils en place plusieurs strates de gouvernance pour museler le propriétaire mécontent individuel et assurer la mainmise d’un professionnel sur l’organisation ?
La liberté contractuelle risque de favoriser l’élaboration de pactes léonins, on le lion propriétaire influent dévore sa proie propriétaire minoritaire.
La sortie du statut de la copropriété ne sera jamais la panacée tant que ces questions n’auront pas été résolues.