Valoriser la parole habitante sans conseil des résidents

Publié le Modifié le 02/03/2023 Vu 1 340 fois 0
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Les conflits dans les immeubles collectifs sont liés à l’isolement des protestataires. Quand ces derniers se plaignent, ils ont l’impression d’être méprisés. Mieux vaut favoriser leur inscription dans des traditions valorisantes.

Les conflits dans les immeubles collectifs sont liés à l’isolement des protestataires. Quand ces derniers

Valoriser la parole habitante sans conseil des résidents

Sentiment de musèlement

 

Les conflits fréquents entre copropriétaires ou entre internautes s’expliquent souvent par le refus de chacun de s’inscrire dans un cadre fournissant une autorité à la fois contraignante et libératrice.

 

Les habitants en général, qu’ils soient propriétaires occupants ou locataires, connaissent le même problème. L’idée selon laquelle l’inscription dans une structure collective donne de la force ne les effleure pas. L’ouvrage de Lionel BELLENGER (Choisir l’autorité. Responsabiliser et faire grandir, Paris, ESF, 2019, 204 p.) est passé malheureusement inaperçu.

 

Quand l’habitant se plaint, il est écouté d’une oreille distraite voire moqué par les élus, la technocratie en HLM, les conseils syndicaux, les syndics ainsi que certains magistrats. Celui qui proteste n’est qu’un gêneur que chacun prend l’habitude d’ignorer, en laissant parfois les situations s’aggraver jusqu’au point de non-retour.

 

Ensuite, il ne reste plus qu’à faire des procès, comme dans cet immeuble où les parties communes ont été frappées d’un arrêté de péril. Un copropriétaire a alors été privé de l’indemnité d’occupation due par l’occupant de son lot, même si la source du péril n’était pas située dans les parties privative (Cour de cassation, 3e ch. civ., 11 juill. 2019, n° 17-20.579, observations Christelle COUTANT-LAPALUS, Loyers et copropriété, octobre 2019, com. 184).

 

On peut noter que le premier mouvement des magistrats a été de dire que l’occupant n’avait pas à se plaindre car il ne subissait pas de troubles de jouissance. En effet, le péril affectait d’autres éléments de l’immeuble que les parties privatives occupées. Il a fallu que la Cour de cassation intervienne pour casser l’arrêt de la cour d’appel de Paris (lien).

 

Rares sont les habitants qui ont le temps et l’énergie d’aller jusqu’à la Cour de cassation lorsqu’un acte illicite est commis à leur encontre. Comment s’exprimer afin d’être entendu sans en arriver à de longues procédures ?

 

La fin de la toute-puissance des propriétaires

 

Avant que n’intervienne un arrêté de péril, il faut encourager les gestionnaires publics ou privés d’immeuble à entendre les signaux d’alerte qui leur sont envoyés.

 

L’idée selon laquelle les copropriétaires et les conseillers syndicaux peuvent faire ce qu’ils veulent sans en assumer les conséquences est, par exemple, imprudente.

 

Il est vrai que, sauf gestion de forme coopérative ou délégation de pouvoir, le conseiller syndical a effectivement le droit à la nullité. Quant au copropriétaire, il peut voter n’importe comment en assemblée générale, y compris contre ses propres intérêts, sans risquer de voir sa responsabilité être mise en cause (Cour de cassation, 3e ch. civ., 19 sept 2019 18-18.800, observations Christelle COUTANT-LAPALUS, Loyers et copropriété, nov. 2019, com. 198).

 

Néanmoins, le syndicat des copropriétaires, lui, est responsable sans même commettre de faute lorsque les parties communes sont mal entretenues. Le refus par l’assemblée générale de voter les travaux nécessaires n’y change rien (Cour de cassation, 3e ch. civ., 11 juill. 2019, n° 18-11.676, observations Christelle COUTANT-LAPALUS, Loyers et copropriété, oct. 2019, com. 185).

 

Un conseil des résidents pour rien ?

 

Mieux vaut veiller à ce que les copropriétaires et le syndic entendent les habitants avant que la situation ne s’envenime et que le syndicat des copropriétaires tout entier ne soit très facilement condamné.

 

Concernant les résidences avec services, qui ont un régime amélioré par rapport aux résidences-services traditionnelles, le législateur a donc prévu un conseil des résidents, consulté obligatoirement préalablement à toute assemblée générale. 

 

Cette innovation est inscrite à l’article 41-7 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (voir Guilhem GIL, « Résidences-services en copropriété : les catégories de services non individualisables sont définies », Loyers et copropriété, février 2017, focus 7, pp. 3-4).

 

On peut parfaitement imaginer qu’en copropriété, la destination de l’immeuble soit celle de l’habitat participatif (lien), en référence à l’article L. 200-1 du Code de la Construction et de l’Habitation. Dans ce cas, une copropriété avec services peut naître, les organes du syndicat des copropriétaires étant chargés d’une mission d’animation de la démarche citoyenne liée à l’habitat participatif, qui perdrait alors sa dimension floue (lien). Le groupe d’habitants peut même devenir prestataire en copropriété (lien). Le régime de la copropriété avec services prévu par la loi du 28 décembre 2015 est ainsi susceptible de s’appliquer, avec l’établissement obligatoire d’un conseil des résidents.

 

Il n’en reste pas moins que ledit conseil n’a qu’un avis consultatif. Si les copropriétaires mobilisés font la sourde oreille et agissent à leur guise, les habitants auront toujours l’impression d’être considérés comme quantités négligeables.

 

L’importance du rôle des élus

 

Malgré cela, certains syndicats de copropriétaires issus de la mouvance de l’habitat participatif fonctionnent très bien et veillent à donner régulièrement la parole à ceux qui occupent les logements, sans distinction de statut (propriétaire, proche d’un propriétaire, locataire, proche d’un locataire).

 

Si les syndics coopératifs ou les conseillers syndicaux de ces immeubles font cet effort, c’est parce qu’il est valorisant pour eux. De tels immeubles ont souvent été construits avec le soutien des pouvoirs publics. Les animateurs de ces démarches sont donc habitués à négocier avec les élus dont le contact leur apporte une légitimité supplémentaire.

 

Quant aux élus, ils préfèrent renforcer par leur présence et leur regard ces démarches collectives. Cela vaut mieux que gérer les perpétuelles jérémiades d’individus isolés, ainsi que les rancœurs dès que la collectivité formule une demande auprès du syndicat des copropriétaires. En effet, dès qu’un maire exige des travaux dans un syndicat des copropriétaires dysfonctionnel, ils ont toutes les chances d’être mal accomplis. Cela déçoit à la fois les copropriétaires, qui ont payé pour rien et sous la contrainte, et les locataires, qui ne voient aucune amélioration quant à leur situation.

 

Les élus n’interviennent avec profit, pour eux comme pour l’immeuble, que si la dynamique collective est solide, organisée et durable. Ils peuvent alors animer des réunions où tous les habitants sont écoutés, dans la mesure où ils s’inscrivent dans un groupe structuré et discipliné ayant une histoire précise.

 

Importance des traditions collectives

 

C’est cette insertion dans des collectifs ayant des traditions qui donne une aura à l’habitant. Ce dernier, sinon, serait méprisé en tant que geignard isolé.

 

Ce cadre collectif offre aussi une autorité qui oblige chaque protestataire à se placer dans le sillage d’une dynamique qui le dépasse, car elle existait avant lui et existera, on l’espère, après lui. Cette tradition n’en est pas pour autant oppressive, puisque les porteurs de la tradition ont intérêt à se concilier les nouveaux venus et à leur laisser suffisamment de latitude pour qu’ils s’impliquent dans la dynamique du groupe.

 

L’oubli des traditions collectives dans lesquelles on peut s’inscrire est donc déplorable. Il explique le chaos des désirs individuels qui s’entrechoquent (Hannah ARENDT, La Crise de l’autorité. Between Past and Future, Paris, Gallimard, 1996, édition originale en 1954, trad. Patrick LÉVY, 380 p.).

 

Cela vaut en copropriété ou en HLM comme sur internet.

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