L'assistance aux syndicats coopératifs
Les alinéas 2 et 3 du décret du 17 mars 1967 disposent :
" Le conseil syndical peut, pour l'exécution de sa mission, prendre conseil auprès de toute personne de son choix. Il peut aussi, sur une question particulière, demander un avis technique à tout professionnel de la spécialité.
Les dépenses nécessitées par l'exécution de la mission du conseil syndical constituent des dépenses courantes d'administration. Elles sont supportées par le syndicat et réglées par le syndic."
En cas de forme coopérative en copropriété, le président du conseil syndical devient automatiquement le syndic (voir article 17-1 de la loi du 10 juillet 1965).
Quand s'applique cette forme coopérative, l'article 42 du décret du 17 mars 1967 dispose, dans son premier alinéa :
" Les dispositions de l'article 27 sont applicables au syndic. Celui-ci peut, en outre, sous sa responsabilité, confier l'exécution de certaines tâches à une union coopérative ou à d'autres prestataires extérieurs."
De nombreux prestataires sont donc apparus pour vendre des conseils et du soutien technique aux conseils syndicaux et aux syndics non professionnels. L'activité de ces prestataires est parfaitement licite (Jean-Marc ROUX, "L'assistance du conseil syndical par un tiers", Revue des Loyers, n° 933, janv. 2013, pp. 16 à 19).
Prestataire externe incompatible avec l'autogestion
Quand on adopte la forme coopérative tout en faisant appel à un prestataire externe rétribué, c'est donc tout à fait légal (au vu de cet article 27 du décret du 17 mars 1967).
Toutefois, ce n'est pas de l'autogestion. C'est même le contraire.
Comme l'a bien dit Pierre ROSANVALLON, actuellement professeur au Collège de France et auteur de L'Âge de l'autogestion (Seuil, 1976), un groupe s'autogère quand il supprime la fracture entre consommateur et producteur (mais aussi entre délégant et délégataire ou entre dirigeant et dirigé) (voir p. 51 de ce livre).
Régis ESTIENNE, un adhérent de la Confédération Générale du Logement, avait pu dire que l'autogestion est "la prise en charge de leurs intérêts par les intéressés eux-mêmes" (Action Logement n° 19, juillet-août 1980, "Indépendance ouverture, indépendance repliement").
Une autre auteure importante, l'universitaire Marie-Hélène BACQUÉ, relève que l'autogestion prend fin dès qu'il est fait appel à un prestataire extérieur. C'est tout particulièrement vrai en copropriété où l'autogestion passe par des règles spécifiques. Or, "l'étude de plusieurs opérations d'habitat autogéré en accession montre cependant que ces règles tendent à disparaître au fil des années, l'autogestion laissant place à la délégation de services au syndic et à des prestataires privés" (Marie-Hélène BACQUÉ, Stéphanie VERMEERSCH, Changer la vie ? Les classes moyennes et l'héritage de mai 68, L'Atelier, 2007, voir p. 124).
L'autogestion n'existe que quand un prestataire rétribué externe reçoit une délégation de la part du groupe de consommateurs.
Comment faire pour les copropriétaires réellement autogestionnaires et qui gèrent eux-mêmes et ensemble leur immeuble sans vouloir se charger de nombreuses tâches techniques et administratives ? Michel BECK avait trouvé la solution.
Reprendre le contrôle
Michel BECK fut le président fondateur de l'ANSCC (Association Nationale des Syndicats Coopératifs de Copropriété) en 1980. Il nous a quittés en 2009.
Dans une lettre du 29 décembre 1993 concernant la fondation de l'USCVB (Union de Services des Copropriétés de la Venise Briarde), puis lors des célèbres assises de la copropriété coopérative en 1997, il a exposé sa vision de l'autogestion (voir Les garanties Citoyennes de l’Habitat n° 6). Elle était très fidèle à ce que proposait Pierre ROSANVALLON.
En effet, Michel BECK prônait la gestion de forme coopérative en copropriété pour impliquer un collectif et ainsi protéger les individus contre une concentration des pouvoirs aux mains d'une seule personne (position conforme à l'Âge de l'autogestion, p. 72).
Comprenant que les conseils syndicaux et les syndics coopératifs puissent avoir besoin de soutiens techniques, Michel BECK les invitait à créer des unions coopératives pour fournir ces prestations tout en restant sous le contrôle direct des consommateurs. Ces unions coopératives de services, d'abord régies par l'article 29 de la loi du 10 juillet 1965 (après la réforme de 1985), sont désormais régies par l'article 93 de la loi ENL (Engagement National pour le Logement) n° 2006-872 du 13 juillet 2006.
Pour éviter que ces unions coopératives de services, aussi sympathiques soient-elles, ne monopolisent le savoir et n'exercent une domination sans contrôle sur les copropriétaires, Michel BECK insistait sur le rôle des associations indépendantes des prestataires, qui devaient exercer une supervision à la fois bienveillante et distanciée sur les prestataires autogérés. En fait, cela permettait un regard croisé, des autogestionnaires extérieurs à une union pouvant vérifier l'action de l'union de services des autres, à charge pour ces autres d'en faire de même.
Reprendre le flambeau
Cette histoire ne doit pas être oubliée. Nous devons garder à l'esprit le sens du respect pour ceux qui nous ont précédés et le souci de transmettre loyalement leurs idées.
L'ANSCC s'est transformée en une structure prestataire externe qui ne fait même pas référence à la copropriété coopérative dans son titre et qui ne défend plus les idées de Michel BECK. Cette structure prestataire a vu ses pratiques être condamnées par la Cour d'appel de Versailles (14e ch., 10 février 2022, n° 21/02298, Lexbase A83887MM)
En ces temps où des réseaux occultes se mobilisent pour dissimuler les jurisprudences qui les gênent et pour tromper le public au nom d'une autogestion frelatée, il est essentiel de nous souvenir des principes que prônait Michel BECK.