La clause de différends prend diverses appellations suivant le mode de règlement jugé le mieux adapté par les parties à un même contrat : « clause d’arrangement », « clause de conciliation ou de médiation », « clause d’arbitrage » « mini trial », « clause attributive de compétence » etc.
Au-delà d’avoir un objet commun, à savoir le règlement d’un probable différend contractuel futur, ces clauses sont indépendantes du contrat qui les prévoit et doivent contenir certaines mentions à l’effet d’être applicables.
1. Conditions d’applicabilité d’une clause de règlement amiable de différends
« En cas d’éventuels litiges issus de l’exécution ou de l’interprétation des présentes, les parties priorisent le règlement amiable.
En cas d’échec d’un tel règlement, le Tribunal …. de …. est compétent pour connaitre de ces litiges ».
De prime abord, cette formule (récurrente dans les contrats) semble être bien rédigée et valide. Toutefois, elle est incomplète, du moins en ce qui concerne son alinéa 1er. Cette rédaction imprécise rend sa mise en œuvre impossible.
En effet, sous peine de ne pas produire d’effet, la clause de médiation (mode de règlement amiable par excellence) doit :
- désigner un médiateur ou un moyen de le désigner ultérieurement[1] ;
- préciser la mission de celui-ci ou le déroulement du processus[2].
Bien qu’il s’agisse en l’espèce de la clause de médiation, ce principe d’origine jurisprudentielle est tout aussi applicable à la clause de conciliation qu’à celle compromissoire. En ce sens, leur rédaction, sans désignation d’un tiers et/ou[3] une précision de ses missions rend celles-ci inapplicables.
Par ailleurs, les parties peuvent en sus de ces précisions, indiquer la nature des différends qu’elles choisissent de soumettre au mode de règlement amiable stipulé dans leur contrat.
2. Autonomie de la clause de différends
Quant à la résolution du contrat
La résolution du contrat n'affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence[4].
En d’autres termes, les parties sont tenues au respect du processus de médiation, de conciliation ou de la procédure d’arbitrage prévu dans leur contrat avant toute saisine du juge et ce, même en cas de résolution.
Cette dernière étant la sanction de l’inexécution par l’une des parties de son obligation, mettant fin au contrat et peut être conventionnelle, unilatérale ou judiciaire.
Quid de la survie de la clause de différend à la nullité du contrat ?
En principe, un contrat entaché de nullité est anéanti dans toute ses dispositions avec effet rétroactif, entrainant un retour au statu quo ante. Autrement dit, le contrat est réputé n’avoir jamais existé et les parties doivent restituer ce qu'elles ont reçu[5].
Néanmoins, les clauses de différends s’érigent en exceptions à ce principe. La Cour de Cassation estimant que la nullité du contrat qui les contient ne saurait les englober. Elles demeurent applicables du fait de cette indépendance consacrée notamment par la jurisprudence :
- la clause attributive de compétence ne peut être affectée par la nullité du contrat qui en fait mention[6] ;
- le litige portant sur la nullité du contrat sera soumis à la procédure préalable de conciliation prévue par ledit contrat avant saisine du juge[7] ;
- l’arbitre, suivant le principe de « compétence-compétence » est seul compétent pour trancher de sa propre compétence même en cas de nullité du contrat ou de la clause compromissoire le désignant, sauf nullité manifeste de celle-ci [8].
Par ailleurs, la mise en œuvre de la clause de conciliation ou de médiation suspend le délai de prescription. Il s'agit en l'occurrence de la prescription extinctive [9], distincte de celle acquisitive.
En cas d’échec, ce délai de prescription qui ne vaut que pour la conciliation ou la médiation[10], recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six (6) mois, à compter du jour où le règlement amiable s'est achevé sans accord. Dans une telle hypothèse, les parties sont libres de saisir le juge compétent pour trancher leur litige.
Par contre, en cas d’issue favorable, les parties peuvent soumettre leur accord à l’homologation de la juridiction compétente. Cette démarche ayant pour but de donner force exécutoire à leur accord[11].
RONELNGUE Boris,
Juriste d’affaire, Etudiant en Modes Alternatifs de Règlement de Différends
[1] Com., 3 octobre 2018, n° 17-21.089
[2] Com., 29 avril 2014, n° 12-27.004 : Bull. civ. IV, n° 76
[3] Com., 30 mai 2018, nos 16-26.403 et 16-27.691 : Bull. civ. IV
[4] Art. 1230 du Code civil français ; art.4 de l'Acte uniforme OHADA sur l'arbitrage
[5] Cette restitution peut être atténuée ou disparaitre. Il en est ainsi lorsqu’elle a été prononcée sur la base d’une incapacité (art.1352‑4 du C. civ. français; art. 1312 du C. civ. de 1958 applicable au Tchad) ou sur le fondement du « nemo auditur » (cause immorale)
[6] Civ. 1re, 15 avril 2015, n° 14-11.572
[7] Civ. 2ème, 6 juillet 2000, n° 98-17.827
[8] Civ. 1ère, 6 octobre 2010, n° 09-68.731 : Bull. civ. I, n° 183 ; art. 1447 et 1448 du Code de procédure civile français; art. 4,11 et 13 de l'Acte uniforme OHADA sur l'arbitrage
[9] Art. 4 al.4 de l’Acte uniforme OHADA sur la médiation, art. 2238 al. 1er C. civ. français, art. 2245 du C. civ. de 1958 applicable au Tchad
[10] Cass. 1re civ., 9 juin 2017, nº 16-12457, publié ; Cass. 2e civ., 24 janv. 2019, nos 17-31389 et 17-31710
[11] Art 16 al.3 Acte uniforme OHADA sur la médiation ; Art. 23 al.1 Code de procédure civile, commerciale et sociale tchadien ; Art. 21-5 de la loi française n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative