L’entrepreneuriat à l’ère numérique : est-il légal d’user des photos prises sur les réseaux sociaux pour la publicité de sa boutique en ligne ?

Publié le Modifié le 24/03/2021 Vu 2 774 fois 0
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La récupération abusive de photos sur les réseaux par certains entrepreneurs suscite la question des droits d'auteur. Nous tenterons de faire une analyse juridique de cette pratique devenue monnaie courante chez ceux-ci

La récupération abusive de photos sur les réseaux par certains entrepreneurs suscite la question des droits

L’entrepreneuriat à l’ère numérique : est-il légal d’user des photos prises sur les réseaux sociaux pour la publicité de sa boutique en ligne ?

En vogue depuis un certain temps auprès des jeunes surtout, l’entrepreneuriat se veut d’être une alternative à la réelle problématique de la crise de l’emploi. Cette entreprise, pourtant prometteuse, entraine souvent des implications juridiques. Il y’a parmi ces implications, celle relative aux droits d’auteurs sur les photos publiées sur réseaux sociaux. En effet, nous connaissons au moins un ami Facebook qui a commencé son petit commerce de vente d’habits ou d’accessoires de tout genre. Ce faisant, la publicité de cette boutique en ligne se matérialise par les « stories »[1] des mannequins arborant les articles devant faire l’objet de vente. Face à cette situation, l’on est en droit de se demander quel droit disposons-nous sur les photos que nous publions, les réseaux sociaux peuvent-ils protéger ces droits et que retenir de la question de droit d’auteur à l’épreuve des réseaux sociaux ?

Les droits d’auteurs sur les photos diffusées sur les réseaux sociaux

Généralement, l’on entend par « droits d’auteurs », les droits exclusifs[2] que l’auteur d’une œuvre dispose sur celle-ci. Par conséquent, en vertu de ce principe légalement encadré[3], cette œuvre ne pourra être exploitée sans l’autorisation, sinon la rétribution de son auteur.

Appliqués aux photos publiées sur les réseaux sociaux, les droits sont conférés à leur auteur de par leur originalité.  Dès lors, il est interdit de reprendre les photos sur les réseaux sociaux et d’en faire usage à des fins purement lucratives. Cette protection des droits de propriété intellectuelle est assurée à l’auteur en Afrique subsaharienne par l’accord OAPI[4]. Tandis qu’en France, l’ensemble de ces droits est régi par les dispositions d’une législation nationale[5]

Dans le monde, c’est l’affaire opposant l’Agence France-Presse à un photographe haïtien pour un cliché datant de 2010 qui a été retenue comme le cas d’école de référence. En l’espèce, le jury américain saisi a tranché en faveur du photographe suite à une vente de sa photo prise sur Twitter par l’Agence France-Presse sans l’en avoir avisé. En substance, le jury a motivé sa décision en ces termes : « le fait d’utiliser un réseau social et donc d’en accepter les conditions d’utilisation permettra à tout utilisateur du réseau d’utiliser l’œuvre, mais uniquement sur le réseau, et ne pourra pas le publier ailleurs que sur le réseau ».

En revanche, il convient de préciser qu’il existe une catégorie des images d’utilisation libre sur internet. En d’autres termes, ces images ne requièrent aucune approbation de leurs auteurs avant de faire l’objet d’une reprise par un utilisateur. Il s’agit par exemple des images proposées par la plateforme du site pixabay.com.

Les réseaux sociaux et la protection des droits d’auteur

Contrairement à ce que pourraient croire beaucoup d’entre nous, les réseaux sociaux et les droits d’auteurs ne sont pas alliés. Il serait donc utopique de penser que les réseaux sociaux assurent une parfaite protection des droits sur les publications de tout genre. Pour bien illustrer ce constat, veillons revisiter quelques extraits du contenu des Conditions générales d’utilisation de certains réseaux sociaux qui font partie de notre quotidien. En effet, il s’agit de ces textes que nous acceptons sans daigner prendre le temps de les lire à cause des caractères minuscules et de la longueur  :

  • Twitter : « Tout contenu, qu’il soit émis de manière publique ou privée, est à la charge de l’émetteur (…) Twitter ne peut être tenu responsable d’un tel contenu. Toute utilisation ou dépendance vis-à-vis de tout Contenu ou toutes données affichées par l’intermédiaire des Services ou obtenus via les Services est aux risques et périls de l’utilisateur ».
  • Facebook : « Pour le contenu protégé par les droits de propriété intellectuelle, comme les photos ou vidéos (propriété intellectuelle), vous nous donnez spécifiquement la permission suivante (…) vous nous accordez une licence non exclusive, transférable, sous-licenciable, sans redevance et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriété intellectuelle que vous publiez sur Facebook ou en relation avec Facebook ».

En définitive, les réseaux sociaux ne semblent pas garantir les droits de propriété intellectuelle. Il ressort des clauses de leurs conditions générales d’utilisation des formulations qui tendent plutôt à limiter leur responsabilité vis-à-vis des questions de droits d’auteur. En plus, l’acceptation des CGU leur accorde plein pouvoir pour exploiter les données qu’ils reçoivent (photos, vidéos, informations personnelles).

Ce qu’il faut retenir

La propriété intellectuelle sur les photos et/ou vidéos publiées sur les réseaux sociaux confèrent à leurs auteurs des droits patrimoniaux et moraux qui leur sont exclusifs. Par conséquent, même si la tendance « s’évertue » à normaliser le fait de détourner ces œuvres à des fins qui nous sont personnelles, retenons que cette pratique est illégale et repréhensible[6] au regard de la loi.

Malheureusement pour les auteurs, ces droits sont de plus en plus neutralisés sur les réseaux sociaux au moyen des clauses contenues dans leurs Conditions générales d’utilisation. Ces conditions, lorsqu’elles sont acceptées, autorisent à tout utilisateur l’exploitation des images pourvu qu’elle reste sur le réseau social concerné.

En tant qu’entrepreneur, vous devez être une personne avertie qui ne peut atteindre ses objectifs à long terme qu’en étant irréprochable aux yeux de la loi. Connaitre un rayon sur la position du Droit par rapport à votre domaine d’activité allège des longues péripéties et vous épargne des poursuites que vous pourriez pourtant bien éviter en amont. Car comme on le dit souvent : « nemo censetur ignorare lege[7] » !

NGUEMADJITA Flambert,
Juriste d'affaires, spécialisé en Droit du numérique
 

[1] La story est une photo ou courte vidéo que l’on poste sur son compte Facebook, Instagram…Que les amis peuvent consulter avec une durée de disponibilité de 24H.

[2] Article 4, Titre I Du Droit des auteurs et droits voisins, Accord OAPI révisé : « L’auteur de toute œuvre originale de l’esprit, littéraire et artistique jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial qui sont déterminés par la présente annexe. »

[3] Article 2 de la Convention de Berne : « les termes œuvres littéraires et artistiques comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel que soit le mode ou la forme d’expression…».  

[4] L’accord de Bangui OAPI révisé (1999).

[5] Articles L111 ; L112-2, Code de Propriété Intellectuelle.

[6] L’affaire Agence France-Presse contre le photographe haïtien a valu un dédommagement d’un montant de 1,2 million d’euros.

[7] « Nul n’est censé ignorer la loi » en latin.

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