Il y a contrat quand deux personnes se mettent d’accord pour obtenir un résultat qui les intéresse tous les deux, un accord pour faire bouger les choses [1]. Cependant, ce ne sont pas tous les accords de volontés qui peuvent produire de tels effets. Encore faudrait-il que ces accords aient été régulièrement conclus, qu’ils aient été valablement formés. Ceci implique que l’accord doive respecter certaines conditions à savoir le consentement, la capacité, un contenu licite et certain et, dans certains cas, la cause ou encore consideration (celle-ci est une conception doctrinale).
La consideration est une notion de droit anglo-américain, qualifiée par une jurisprudence de 1875 [2], comme tout droit, intérêt, bénéfice ou avantage, revenant à une partie ou, en abandon de droit, un désavantage, une perte ou une obligation donnée, subie, tolérée ou souscrite par l’autre. En d’autres termes, elle inclut ce que les parties obtiennent ou ce à quoi elles renoncent, au titre du contrat.
Cette notion s’apparentant à celle de la cause (d’actualité en droit OHADA, mais disparue en droit français), est une condition sine qua none à l’existence d’un contrat en droit anglo-américain.
· Sa formation
La consideration inclut au préalable, une promesse aboutissant à une rencontre de volontés émanant des parties (donc une offre et son acceptation).
Cette conception n’est autre que la contrepartie, la compensation, qui doit être fournie par celui envers qui l’engagement est pris, soit le promisee. Elle se manifeste par le fait que chacune des parties au contrat accepte de subir un préjudice juridique en échange de l’exécution de ce qui a été offert par son cocontractant.
Autrement dit, la promesse des parties ne sera exécutoire uniquement que s’il y a une considération. L'on se retrouve à faire ou de s’abstenir de faire une chose, non sous une astreinte légale mais contractuelle. C’est le « préjudice négocié ».
· Exigence d’un contrat bilatéral
Il apparait évident que la consideration est liée à un échange de promesse, de volonté. Considérer qu’une seule des parties s’engage envers l’autre signifierait absence de consideration et de facto de contrat ; du moins en droit américain (le droit anglais exigeant en sus de la consideration, l’intention de créer des liens juridiques pour conclure un contrat). En effet, la législation américaine ne conçoit pas la possibilité de conclure un contrat sans considération. Il faut une contrepartie aussi minime soit-elle de chaque partie au contrat. Les tribunaux en sont venus à exiger que la contrepartie ait une valeur, même si elle n'est pas nécessairement égale à la valeur de ce qui est reçu.
Par ailleurs, la doctrine selon laquelle une contrepartie est nécessaire pour qu'un contrat soit exécutoire, a un certain nombre de fonctions en droit des contrats. En plus de fournir la preuve de l'existence d'un contrat, la contrepartie a aussi une fonction de mise en garde contre une action irréfléchie de la part du promettant, une fonction de dissuasion pour décourager les transactions d'utilité douteuse à titre d’exemple, pour permettre aux personnes intéressées de mesurer ce à quoi elles voudraient s’engager.
On comprend qu’une promesse non négociée ou encore un don ne saurait être exécutoire et donc qualifié de contrat.
· Intervention du juge pour consideration disproportionnée
Dans ce cas d’espèce, les tribunaux portent rarement un jugement sur la valeur de la contrepartie apportée, à moins que les promesses de chaque partie ne soient disproportionnées au point de démontrer leur mauvaise foi dans le processus de négociation. Si le juge estime que la contrepartie est déloyale, le contrat sera frappé de nullité, non pas en raison d'un manque de contrepartie, mais parce que la contrepartie est si disproportionnée qu'elle indique qu'une partie a agi de manière déloyale ou a dissimulé des informations qui auraient pu rendre l'accord équitable. On se retrouverait alors dans un cas de fraud in the inducement (violence économique ou dol).
En dépit de la globalisation de notre ère qui peut s’illustrer par l’internationalisation des échanges commerciaux, il demeure un fait, les pays de la « Common law »[3] conservent, en matière contractuelle, des particularités qui suscitent une certaine curiosité chez tout juriste. En réalité, la consideration n'est qu'une de ces particularités. D'autres concepts, tels que la privity of contract[4], l'equity[5], ou encore l'estoppel[6], peuvent intervenir pendant l'une des trois phases de la vie d'un contrat (formation, exécution et extinction).
Par RONELNGUE Boris
[1] Raymond Verdier, « Paroles de Jean Carbonnier », P .231.
[2] Currie v Misa (1875) LR 10 Ex 153; (1875–76) LR 1 App Cas 554 : En l’espèce, la Cour a jugé que le titre d'un créancier sur un titre négociable en raison d'une dette préexistante et qui lui a été transféré, de bonne foi, sans aucun avis d'infirmité du titre par le débiteur est irrévocable. La dette préexistante ne constituait pas en soi une contrepartie suffisante pour le titre négociable. Par conséquent, il y avait une absence de toute contrepartie à l'établissement ou au paiement du chèque par M. Misa.
[3] Les pays adoptant les doctrines de la Common Law à l’instar de l’Angleterre et des Etats-Unis.
[4] Il désigne le lien contractuel en vertu duquel une partie est autorisée à exiger l’exécution d’une obligation par l’autre (analogue à la force obligatoire du contrat).
[5] L’Equity désigne un ensemble de règles auxquelles le juge fait recours pour remédier aux déséquilibres ou encore aux injustices manifestes , nées d’un lien contractuel et constatées par ce dernier.
[6] Principe selon lequel une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers.