Pour une raison inconnue, le Législateur tchadien est resté silencieux sur le contrat de stage et ses implications (rémunération, durée minimum, droit aux congés, délimitation des tâches, etc.), les laissant à la libre appréciation des entreprises d’accueil. Certaines d’entre elles, justifiant de bon sens et d’une bonne pratique sociétale allouent, à la limite, des primes de stage, quoique dérisoires en contrepartie du travail accompli. D’autres par contre, font un usage abusif de ce vide législatif :
- Aucune signature de contrat de stage, remplacé par une simple lettre d’acception dont la copie est déchargée par le stagiaire ;
- Aucune gratification de stage de quelque nature que ce soit ;
- Stage à durée illimitée (ex : plus de 2 ans de stage alors qu’il ne s’agit pas d’un futur expert-comptable) ;
- Remplacement dans toutes les tâches d’un salarié jouissant de tous les droits et avantages sociaux, par un stagiaire qui, dans le meilleur des cas a une prime de stage suffisante pour couvrir ses allées et venues sur les lieux du travail, etc.
Toutes ces pratiques sont illégales, du moins si elles étaient réprimées par la Loi car tout ce qui n’est pas défendu par elle ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce que la Loi n’ordonne pas[1]. Ce principe, les entreprises l’auront compris au détriment de la jeunesse tchadienne, obligée de continuer dans de telles conditions tout en espérant un « changement».
Pourtant, on dénote une volonté d’amélioration affichée à travers l’article 19 de la Convention collective tchadienne de 2002 qui dispose : « Lorsque les conditions particulières d'emploi dans une profession déterminée impliquent ou nécessitent une période de stage, les modalités afférentes à cette période seront réglées par les conventions particulières ». Sauf erreur de notre part, aucune convention de ce genre n’existe à ce jour.
Une intervention urgente du Législateur tchadien trop longtemps resté muet sur la question, serait de mise. Une réforme du Code du travail qui tendrait à pallier ce vide, améliorera l’employabilité des jeunes diplômés. Celle-ci pourrait instaurer :
- une obligation de rédaction du contrat de stage sous peine de le requalifier automatiquement en CDI. En cas d’un tel écrit, ce contrat devra comporter certaines mentions obligatoires sous peine de nullité ;
- une qualification des différents types de contrat de stage ;
- une durée légale maximum tout en précisant qu’en cas de dépassement de ce délai, le contrat sera réputé être un CDI[2] ;
- une gratification obligatoire après un certain temps de stage passé au sein de l’entreprise d’accueil. Cette gratification ne devrait être inférieure au salaire minimum de la catégorie de l’emploi de référence ;
- les conditions de suspension et de résiliation du contrat de stage ;
- un congé annuel lorsque le stage est effectué sur 1 an minimum ;
- une instauration de quota de stagiaires pouvant être reçus simultanément par une entreprise ;
- une interdiction de recruter un stagiaire pour : exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, remplacer un salarié, faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, un emploi saisonnier[3], etc.
Le droit a pour finalité, entre autres, l'assainissement des rapports entre les membres de la société. Dans un monde en perpétuelle globalisation, le Législateur tchadien participera positivement à protéger le stagiaire contre les abus tant des entreprises locales que ceux des multinationales implantées ou songeant s'implanter sur le territoire. Dura lex sed lex (la Loi est dure, mais c’est la Loi) et il serait temps de l’appliquer.
RONELNGUE Boris
Juriste d’affaire, Etudiant en Modes Alternatifs de Règlement de Différends