La ZLECAF : historique – actualité – enjeux

Publié le 17/08/2021 Vu 5 192 fois 0
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Zone de libre-échange de l'Afrique, la ZLECAF répond à l'urgence du continent de se créer un espace de marchés uniformisé, dans un contexte de globalisation des échanges et de perpétuelle compétitivité sur le plan économique.

Zone de libre-échange de l'Afrique, la ZLECAF répond à l'urgence du continent de se créer un espace de mar

La ZLECAF : historique – actualité – enjeux

L’Afrique, en dépit d’énormes potentialités et efforts notoires enregistrés durant les dernières décennies, continue d’occuper un rang mitigé dans le classement de compétitivité économique mondiale. Cette situation s’explique quelque part, par le paradoxe de la fragmentation de ses marchés malgré le contexte de globalisation vers lequel les économies du monde s’orientent. Il s’est dès lors avéré nécessaire pour le continent africain d’amorcer vers un processus de défragmentation de ses marchés dans le but d’optimiser la productivité de ses économies. C’est dans cette veine d’idée qu’il a été décidé de la création de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF).

Longtemps perçue comme un projet en cours de réalisation, la Zone de libre-Echange continentale africaine est un accord issu de la vision de l’Union Africaine, avec à ce jour cinquante-quatre signatures sur les cinquante-cinq Etats-membres que comporte ladite Union. Elle ambitionne ouvrir la sphère d’échanges du continent africain en regroupant en son sein toutes les organisations économiques existantes. En d’autres termes, la ZLECA (encore appelée ZLEC ou ZLECAF) est un espace économique créé dans le but d’avoir un marché africain, aussi grand qu’il n’y ait jamais existé auparavant au moyen de l’intégration des Etats-membres et des organisations sous-régionales y afférentes. Cependant, bien qu’elle ne cesse de faire l’objet de l’actualité économique du continent depuis sa constitution effective, la ZLECAF demeure méconnue, sinon peu connue, de l’ensemble des ressortissants africains.

Qu’est-ce que la ZLECAF ? Depuis quand remonte son histoire ? Quelles sont ses objectifs ? Qu’en-est-il depuis sa création ? Quels sont ses enjeux ? Telles sont les interrogations essentielles qu’elle pourrait nous inspirer.

Le présent billet qui s’articule sous la forme d’une pérégrination s’évertuera d’apporter des éléments de réponse aux préoccupations soulevées ci-haut. Il s’agira donc de proposer une synthèse qui prendra en compte l’historique, l’actualité et les enjeux de la ZLECAF ou aubaine d’uniformisation d’un espace d’échanges intra-africains.

HISTORIQUE DE LA ZLECAF

De prime abord, il importe de mentionner que la ZLECAF que nous connaissons aujourd’hui ne date pas de la seconde décennie des années deux-milles, comme cela peut se lire à la signature de l’accord[1]. En effet, pour avoir une lecture plus ou moins globale de la notion, il faudra remonter son histoire, de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine succédée par celle de l’Union Africaine.

L’idée d’un espace d’échanges intra-africains à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine

Trois évènements majeurs de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine à sa dissolution permettaient d’annoncer les couleurs de la mise en place d’un espace africain d’échanges de biens et de services. Il s’agit de la Déclaration de Monrovia, du Plan d’Action de Lagos et du Traité d’Abuja.

Déjà en 1963, avec la création de l’Organisation de l’Unité Africaine, même si l’idée n’était pas encore précise, la volonté de conduire tout le continent dans une intégration, tant politique que socio-économique, a été entre autres, l’une des raisons maitresses qui ont motivé les chefs d’Etat africains à se réunir.

C’est en 1979 à la Déclaration de Monrovia[2] que sera mentionnée pour la première fois un marché commun africain. Ce rassemblement de Monrovia était pour l’union de l’Afrique, dans le respect du nationalisme placé sous les principes de non-ingérence et de souveraineté nationale des jeunes Etats fraichement indépendants. En opposition à l’idée de panafricanisme qui voulait que tout le continent s’oriente vers une union et une intégration plus étroite de sa politique, de sa société et de son économie. Cette notion de marché commun fit l’objet d’une élaboration dès 1980, par le Plan d’Action de Lagos (PAL).

Le Plan d’Action de Lagos (PAL), qui s’inspire du travail d’économistes et d’experts africains, vise « l’autosuffisance nationale et collective dans le domaine économique et social, en vue de l’instauration d’un nouvel ordre économique international ». Dans ce but, il détaille un vaste programme de mesures pour la période 1980-2000. Dans la pratique, alors que Washington et Londres sonnent la charge libre-échangiste, entraînant avec eux les institutions financières internationales, le Plan d’action de Lagos fait le choix d’une stratégie volontariste, basée sur le renforcement des économies locales, la souveraineté sur les ressources naturelles, l’autosuffisance alimentaire, l’essor de l’industrie et, surtout, la mobilisation des populations. Parmi les mesures principales, l’on retrouve la mise en œuvre d’une stratégie continentale en matière de transports et de communications et l’intensification des échanges commerciaux et financiers interafricains. Le PAL prévoit, par ailleurs, d’encourager le développement des nouvelles technologies et la formation. Dans la tradition des politiques menées depuis les indépendances, la puissance publique joue un rôle clé, mais cette fois dans le cadre d’un plan d’action continental basé sur des coopérations régionales et sous-régionales.

Malheureusement, L’objectif d'intégration économique de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) est caractérisé par une trop grande ambition des projets comparée aux faibles moyens alloués.

Durant un sommet[3] à Abuja, l’Organisation de l’Unité Africaine constitue la Communauté économique africaine. La concrétisation de l’idée sera manifestée tout premièrement par le  Traité d’Abuja qui proposait une union douanière continentale. Ledit traité prévoyait également l’instauration d’un marché commun continental à l’horizon 2025. Cependant, les avancées du projet laissent les observateurs sceptiques.

Les multiples difficultés rencontrées par l’Organisation de l’Unité Africaine auront raison de son existence. Elle sera remplacée par l’Union Africaine le 09 juillet 2002, en application de la Déclaration de Syrte[4].

La création de la ZLECAF sous l’Union Africaine

Avec un PIB[5] à parité de pouvoir d’achat[6] estimé à 2.840 milliards de dollars, la jeune organisation n’a pas perdu de vue l’ambition de créer pour l’Afrique un espace de marché uniformisé et ce, dès sa création. Mais il a fallu attendre entre 2012 et 2015 pour voir respectivement :

-           L’Assemblée de l’Union africaine adopter le Plan d’action pour stimuler le commerce intra-africain (BIAT) et une feuille de route pour l’établissement de la ZLEC (Zone de Libre-Echange Continentale) ;

-           Le lancement des négociations sur la ZLEC par l’Assemblée de l’Union africaine.

 

Même si l'objectif fixé pour créer cette zone de libre-échange est l'année 2017[7], Le processus de négociation est lancé en juin 2015 à Johannesburg. Lors de la 25eme session ordinaire de la Conférence de l'Union africaine, les objectifs, les principes, la feuille de route pour créer la ZLECA sont fixés[8].

En février 2016, le premier forum de négociation de la zone de libre-échange continentale a lieu à Addis-Abeba en Éthiopie.

Le même mois, une réunion se tient à Abidjan pour préparer ce forum, regroupant, en plus des communautés régionales telle la zone tripartite de libre-échange, qui doit inclure les marchés des différentes régions et sous-régions du continent[9], des membres des Nations unies, de l'Union africaine, de la Banque africaine de développement et des membres de la société civile.

En mai 2016, le deuxième forum de négociation de la zone de libre-échange continentale se tient à Addis-Abeba. Il vise à définir les contours de la ZLECA, le tout en collaboration avec les Nations unies et l'Union africaine. En octobre de la même année, le troisième forum de négociation de la zone de libre-échange continentale a lieu à Addis-Abeba[10].

Le 21 mars 2018, 44 pays sont signataires lors d'un sommet à Kigali. Quelques autres pays qui ont des réserves ne rejoignent pas le projet, tels que le Nigeria, le Burundi, l'Érythrée, la Namibie et la Sierra Leone[11].

Fin décembre, il ne restait que la ratification de 7 États sur les 22 nécessaires pour sa mise en place[12]. Le 29 avril 2019, le seuil des 22 États est atteint avec la ratification du Sahara occidental et de la Sierra Leone[13].

Le 7 juillet 2019, le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, et le président du Bénin, Patrice Talon, signent l'accord de libre-échange lors d'un sommet de l'Union africaine à Niamey, au Niger, portant à 54 le nombre des pays signataires. L'Érythrée devient le seul pays africain à n'avoir pas rejoint la ZLECA[14].

 

Du point de vue du nombre des pays participants, elle sera la plus grande zone de libre-échange du monde depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et le traité de libre-échange nord-américain Aléna, qui datait de 1994, devenu l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). Par ailleurs, tout comme l’Association Européenne de Libre-Echange (AELE), la ZLEC a des objectifs économiques. Toutefois, elle n’est pas encore à un stade d’intégration des Etats tiers du fait de son début naissant d’où la nécessité de l’orienter au profit des concernés de manière prioritaire.

 

Flambert NGUEMADJITA

Juriste d’affaires, spécialisé en Droit du Numérique.

 



[1] Accord portant création de la Zone de Libre-échange Continentale Africaine, signé le 21 mars 2018.

[2] Du 17 au 20 juillet de l’année susmentionnée, s’est tenue à Monrovia au Libéria la 16e session extraordinaire de l’Assemblée des chefs d’Etat de l’OUA

[3] Le 03 Juin 1991, 51 pays membres de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) ont signé au cours du 27ème sommet de l'organisation, à Abuja au Nigéria, le traité dit « Traité d’Abuja »

[4] La Déclaration de Syrte renvoie à la résolution prise en Lybie sous l’impulsion du dirigeant Mouammar Khaddafi pour l’instauration d’une organisation en remplacement de l’Organisation de L’Unité Africaine (OUA).

[5] Produit Intérieur Brut : Indicateur économique permettant de quantifier la totalité de la production de richesse annuelle effectuée par les agents économiques sur un territoire donné.

[6] Méthode utilisée en Economie pour comparer entre pays le pouvoir d’achat, des devises nationales.

[7]Les pays africains organisent le deuxième forum de négociation de la ZLEC [archive], Passerelles, ICTSD, 16 juin 2016

[8]L’Afrique entame la négociation de sa zone de libre-échange continentale [archive], Passerelles, ICTSD, 29 février 2016.

[9] Le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE) et la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), avec d'autre part la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union du Maghreb arabe et la Communauté des États sahélo-sahariens.

[10]La troisième session de négociation sur la ZLEC s'achève sur des avancées limitées [archive], Passerelles, ICTSD, 14 octobre 2016

[11]Article Une vaste zone de libre-échange va voir le jour en Afrique [archive] sur BFM Business, le 21 mars 2018. Antoine d’Abbundo, « Commerce, vers un marché unique africain » [archive], La Croix, 20 mars 2018.

[12]Abdi Latif Dahir, « Africa moved the world closer to its largest free trade area since WTO in 2018 » [archive], sur Quartz, 26 décembre 2018.

[13](en) « African Continental Free Trade Area (AfCFTA) Legal Texts and Policy Documents » [archive] (consulté le 3 juin 2019).

[14]« Sommet UA : Nigeria et Bénin adhèrent à la Zlec » [archive], sur africanews.fr, 7 juillet 2019.

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