- Quels sont les faits ?
La défunte âgée de 89 ans (veuve et sans enfant) a régularisé différents contrats d'assurance vie au nom de sa sœur.
Elle n'a modifié la clause du bénéficiaire que pour l'un de ses contrats au profit de sa nièce alors que celle-ci était proche d'elle dans les dernières années de sa vie et s'occupait d'elle comme la référente de la résidence pour personnes âgées qui l'hébergeait.
Les juges ont estimé que la signature de cet avenant quelques mois avant sa mort, alors qu'elle souffrait de diverses pathologies constituait manifestement une libéralité faute de l'existence d'un aléa et en raison du caractère illusoire de toute faculté de rachat.
Dès lors les héritiers ont la possibilité d'agir en nullité pour insanité d’esprit ou trouble mental après le décès de la donatrice.
- Qu'en est-il de la preuve de l'insanité d'esprit ou du trouble mental ?
Il appartient au demandeur à l'action en nullité d'un acte pour insanité d'esprit de rapporter la preuve d'un trouble mental existant au moment où l'acte a été passé.
Le trouble mental doit s'entendre d'une altération des facultés mentales suffisamment grave pour supprimer la faculté de discernement.
Par ailleurs il convient de rapporter la preuve d'une concomitance du trouble mental avec la passation de l'acte mais le trouble mental au moment de l'acte est présumé s'il est démontré que la personne concernée était frappée d'insanité d'esprit de manière permanente ou encore dans la période immédiatement antérieure ou postérieure à l'acte et il revient alors à la partie se prévalant de l'acte d'établir que l'auteur de l'acte se trouvait dans un intervalle lucide au moment de sa conclusion.
En l'espèce : les documents médicaux établissent que la souscriptrice souffrait d'un syndrome démentiel sous cortico frontal évolutif - dans les mois ayant précédé l'acte et dans le mois l'ayant suivi - ayant conduit à des troubles cognitifs importants et une altération de ses facultés mentales l'empêchant d'accomplir les actes de la vie civile.
Dès lors il doit être présumé que ces troubles existaient au moment de l'acte et rendaient la souscriptrice incapable de faire preuve de discernement et d'une volonté lucide au jour où il a été procédé au changement de la clause du bénéficiaire de son contrat d'assurance vie.
La petite nièce bénéficiaire du contrat d’assurance vie - du fait de l’avenant litigieux - ne rapporte pas la preuve que l'acte ait été alors établi dans un intervalle de lucidité.
Il convient donc d’annuler la modification de la clause du bénéficiaire de l'assurance vie en raison du trouble mental de la souscriptrice.
Claudia CANINI
Avocat à la Cour - Droit des majeurs protégés
Sources : Cour d'appel, Amiens, 1re chambre civile, 6 Février 2018 - n° 16/02025