Ensuite, “même si le fonctionnaire est reconnu médicalement apte à exercer ses fonctions, il sera radié des cadres pour perte des droits civiques si la mesure de tutelle est maintenue.
Par contre, en cas de mesure de curatelle, il appartiendra à l'administration d'apprécier, à l'issue de ces droits à congé, si celui-ci est dans l'impossibilité ou non d'accomplir normalement ses fonctions”(Quest. écrite n° 40256, 17 janv. 2000 : JOAN Q 12 juin 2000, p. 3580).
En effet, à 2 reprises la question a été posée au Ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, voici les réponses qui ont été apportées.
1) Quelles sont les conséquences d’une mise sous tutelle ou curatelle d’un fonctionnaire ou d’un agents public sur son Statut ?
Question d’une Députée - Mme Marie-Françoise Clergeau attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur l'influence d'une mise sous curatelle sur la carrière d'un fonctionnaire.
En 1968, en définissant le régime de la curatelle, le législateur avait pour objectif la protection du patrimoine et de la personne. Une mise sous tutelle ou curatelle entraîne la perte des droits civiques de l'intéressé(e).
Or le Conseil d'Etat indique dans un arrêt du 29 mai 1982 que tout fonctionnaire doit jouir « de l'intégralité de ses droits civiques ».
Il n'est toutefois pas fait de distinction entre perte des droits civiques motivée par une condamnation pénale et perte de ces mêmes droits, même partielle, consécutive à une mesure de curatelle ou turelle pour raisons médicales.
En conséquence, elle lui demande de bien vouloir l'informer des instructions données par son administration relatives à l'évolution de la situation d'un fonctionnaire mis sous tutelle ou curatelle.
Publication au JO : Assemblée nationale du 21 décembre 1998
Réponse du Ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Selon l'article 5-2/ de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire s'il ne jouit de ses droits civiques.
La notion de droits civiques recouvre le droit de vote, l'éligibilité et la capacité d'être juré. Or l'article L.5 du code électoral exclut expressément les majeurs en tutelle des listes électorales et l'article 256 alinéa 8 du code de procédure pénale précise que les majeurs en tutelle ne peuvent être jurés.
Il apparaît donc que la qualité de fonctionnaire ne peut être accordée ou maintenue à une personne mise sous tutelle.
En revanche, la situation des majeurs en curatelle est différente dans la mesure où ceux-ci conservent leur qualité d'électeur et ne sont privés que de la capacité à être juré (article 256 alinéa 8 du code de procédure pénale) et à être élu.
Ils sont donc frappés d'une incapacité partielle s'appliquant seulement à certains actes pour lesquels, en raison de leur gravité, leur protection apparaît particulièrement nécessaire.
Compte tenu du caractère limité de cette incapacité, il incombe à l'administration gestionnaire d'apprécier si la mise en curatelle des fonctionnaires emporte ou non radiation des cadres dans la mesure où ceux-ci ne seraient pas dans l'impossibilité d'accomplir normalement leurs tâches professionnelles.
Enfin, si la déchéance des droits civiques entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire en application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ce texte prévoit également que « l'intéressé peut solliciter auprès de l'autorité ayant pouvoir de nomination, qui recueille l'avis de la commission administrative paritaire, sa réintégration, à l'issue de la période de privation des droits civiques ».
Publication au JO : Assemblée nationale du 21 juin 1999
2) La mise sous tutelle ou curatelle d’un fonctionnaire ou agent public peut-elle entrainer sa radiation des cadres ?
Question d’une Députée - Mme Marie-Françoise Clergeau attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur la situation des fonctionnaires placés sous tutelle ou curatelle à l'expiration de leurs droits à congé pour maladie.
Il apparaît qu'un fonctionnaire dans cette situation doit être radié des cadres en cas d'inaptitude définitive à exercer ses fonctions. Mais il n'est pas précisé si une procédure de mise en invalidité peut être appliquée.
La radiation est-elle une radiation pour perte de droits civiques ou bien une radiation des cadres par anticipation, prévue par l'article L. 29 du code des pensions, qui ouvre doit à une pension ? En conséquence, elle lui demande de bien vouloir l'informer de la réponse à cette interrogation.
Publication au JO : Assemblée nationale du 27 novembre 2000
Réponse du Ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat - L'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 dispose que les fonctionnaires de l'Etat en activité ont droit à des congés de maladie, de longue maladie ou de longue durée.
La radiation d'office des fonctionnaires de l'Etat pour invalidité totale et définitive ne peut intervenir qu'à l'expiration de la durée totale des congés de maladie d'un an, de longue maladie de trois ans ou de longue durée de cinq ans.
A l'expiration de ses droits à congé, le fonctionnaire est radié des cadres pour invalidité en cas d'inaptitude définitive à exercer ses fonctions en application de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Si la mesure de tutelle est maintenue alors qu'il est reconnu médicalement apte à reprendre ses fonctions, la radiation des cadres du fonctionnaire intervient pour perte des droits civiques.
En revanche, lorsqu'un fonctionnaire de l'Etat, apte médicalement à la reprise de ses fonctions à l'issue de ses droits à congé de maladie, fait l'objet d'une mesure de curatelle, il appartient à l'administration gestionnaire de déterminer si la curatelle est compatible avec l'exercice de ses fonctions.
Publication au JO : Assemblée nationale du 20 août 2001
3) Que disent les juridictions ?
- La circonstance qu'un fonctionnaire faisant l'objet d'une mesure de mise sous tutelle (au titre de la tutelle des majeurs) est, de ce fait, privé d'une partie de ses droits civiques ne suffit pas à justifier sa radiation des cadres sur le fondement de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983, qui ne vise que les cas où la privation des droits civiques revêt un caractère répressif (CE, 22 févr. 2002).
- Un fonctionnaire des cadres de la direction générale de la concurrence, de la consommation et des prix avait été placé sous le régime de la curatelle, puis radié des cadres.
La cour administrative d'appel annule le jugement, après avoir cité notamment l'article LO 130 du Code électoral et les articles 508 et 490 du Code civil.
Pour la cour, l'intéressé est bien inéligible, il a bien perdu une partie de ses droits civiques, mais le ministre conserve son pouvoir d'appréciation pour la radiation des cadres, selon qu'il estime ou non que l'état de l'intéressé ne lui permet plus d'exercer ses fonctions (CAA Nantes, 20 juin 2002, n° 98NT02311, T.).
PAR CONSÉQUENT : la mise sous curatelle ou tutelle d'un fonctionnaire entraîne bien l'inéligibilité, mais non nécessairement la radiation des cadres de la fonction publique.
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Claudia CANINI
Avocat à la Cour
CNC MJPM*
www.canini-avocat.com
* Certificat National de Compétence - Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs, mention Mesures de Protection Juridique des Majeurs