Dans le silence des textes, la question fait débat et les juges n’adoptent pas tous la même position.
En effet, dans l'habilitation familiale générale par représentation, la personne habilitée accomplit seule les actes d'administration et les actes de disposition qui sont soumis à autorisation du juge dans le régime distinct de la tutelle (C. civ., art. 494-6, al. 2).
La représentation est parfaite. La personne est seule engagée par l'acte effectué par la personne habilitée.
Toutefois, l'autorisation du juge doit être sollicitée pour conclure valablement un acte à titre gratuit.
La personne habilitée excèderait alors son pouvoir de représentation en consentant à donner le bien du majeur protégé sans autorisation judiciaire : un tel acte serait exposé à la nullité (C. civ., art. 494-9, al. 5).
Certains auteurs distinguent l'autorisation d'une donation de l'autorisation donnée par le juge de modifier le tiers bénéficiaire dans un contrat d'assurance-vie (C. assur., art. L. 132-9).
En effet, le contrat d'assurance sur la vie est à l'origine un outil de gestion patrimoniale dont la finalité est différente d'une donation qui est un acte purement gratuit.
La question n’est à ce jour pas tranchée par la Cour de cassation.
Par voie de conséquence, lorsque l’ordonnance d’habilitation ne comporte pas de précision sur la matière, certains juges des tutelles entendent autoriser toute opération portant sur un contrat d’assurance-vie, notamment la souscription et la modification de la clause bénéficiaire.
D’autres, au contraire, ne souhaitent être sollicités qu’en cas d’opposition d’intérêts entre la personne protégée et l’habilité.
Quoiqu'il en soit, la prudence s'impose et ce d'autant plus si la personne désignée est un proche de la personne habilitée, voire la personne habilitée elle-même.
En effet, lorsque l'accomplissement d'un acte place la personne protégée et la personne dotée d'une habilitation générale en conflit d'intérêts, l'article 494-6 alinéa 6 du Code civil prévoit l'interdiction de passer cet acte.
Le juge peut toutefois, exceptionnellement, autoriser la personne habilitée à accomplir cet acte lorsque l'intérêt du majeur vulnérable l'impose.
L'ESSENTIEL À RETENIR
La question de savoir si la modification de la clause bénéficiaire d’une assurance vie requiert ou non l’autorisation du Juge des tutelles est donc appréciée au cas par cas en fonction de chaque situation.
Claudia CANINI – Droit des majeurs protégés
www.canini-avocat.com
Sources : Cass. 1ère civ., avis 15. Déc. 2021, n°21-70.022