L’arrêt rendu le 19 novembre 2014 par la chambre sociale de la Cour de cassation n’est, en soi, pas révolutionnaire. Il reprend une solution bien établie selon laquelle la survenance d’une situation de harcèlement moral caractérise nécessairement une défaillance de l’employeur dans la mise en œuvre de son obligation de sécurité de résultat.
La victime du harcèlement peut être tentée de former une demande tenant spécifiquement à indemniser ce poste de préjudice. Par le passé, la Cour de cassation s’est déjà prononcée en faveur d’une telle solution (Cass. soc. 6 juin 2012, n°10-27.694, n° 1378 F-PB) : « les obligations résultant des articles L. 1152-4 et L. 1152-1 du Code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques ».
Quid, donc, de cette exigence de « préjudices différents ». Cette condition devait-elle être appréciée strictement ? L’arrêt rendu le 19 novembre 2014 par la chambre sociale (n°13-17.729) permet de répondre par la négative. La condition du préjudice distinct n’est plus rappelée – ce qui témoigne, sinon de sa disparition, de la bienveillance des juges dans son appréciation.
Le salarié a obtenu, dans cette affaire, la condamnation de l’employeur à 12.000€ pour l’indemnisation du préjudice causé par la situation de harcèlement moral et 8.000€ pour celui lié au manquement à l’obligation de sécurité.
L’on sait donc, à présent, que la victime d’une situation de harcèlement moral peut demander, outre l’indemnisation du préjudice direct que la situation lui cause (L.1152-1 C.trav), celle indemnisant la violation par l’employeur de son obligation de sécurité (L.4121-1 C.trav).
« Mais attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ;
Et attendu que la cour d'appel a alloué des sommes distinctes correspondant au préjudice résultant d'une part de l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement et d'autre part des conséquences du harcèlement effectivement subi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ».
Cour de cassation, civile, chambre sociale, 19 novembre 2014, 13-17.729, Publié au bulletin