Une promesse d'embauche est un avant-contrat de travail[1]. Formalisée ou passée à l’oral[2], elle lie l’employeur lorsqu’elle est suffisamment précise. Ecore faut-il qu’elle fasse mention d’un certain nombre d’éléments[3] tels que le nom du futur salarié, la description de ses fonctions, le montant de sa rémunération… Les juges ont toutefois précisé que l’absence d’une de ces mentions ne suffit pas à rendre nulle la promesse d’embauche[4].
La formulation d’une promesse d’embauche ne marque pas, a priori, la rencontre du consentement des deux parties. En réalité, seul l’employeur s’engage à embaucher le salarié. Lorsqu’il a effectivement formulé une promesse d’embauche (1), il ne doit pas la résilier de mauvaise foi (2).
1. La promesse d’embauche, un engagement réel de l’employeur distinct de l’offre d’emploi
La promesse d’embauche ne lie l’employeur que si elle traduit une volonté réelle (ou exprimée comme telle) d’embaucher le salarié. Tel est le cas lorsque l’employeur précise, dans un courrier envoyé au candidat, les modalités et le montant de sa rémunération, les horaires de travail, la durée de la période d’essai et qu’il attend du salarié une réponse sous huit jours[5]. En revanche, les projets restés au stade d’hypothèses ne sauraient recevoir cette qualification.
La qualification de la promesse d’embauche est déterminante, dans la mesure où sa reconnaissance entraîne celle « d’un engagement pratiquement irrévocable, et dont le bénéficiaire tire déjà un droit »[6]. Cela la distingue de la simple offre d’emploi, que l’employeur peut révoquer à tout moment tant que le candidat ne l’a pas acceptée. Cependant, l’obligation de bonne foi qui pèse sur l’employeur commande de nuancer ce principe de libre révocation de l’offre d’emploi tant qu’elle n’a pas été acceptée par le salarié. En effet, l’employeur commet un abus lorsqu’il révoque une offre d’emploi dans un délai trop court pour que le salarié lui fasse parvenir son acceptation[7].
Les juges du fond vont donc se livrer à une véritable analyse factuelle afin de déterminer s’il y a ou non promesse d’embauche – étant entendu que tous les litiges liés à la reconnaissance d’un tel engagement sont du ressort de la juridiction prud’homale[8]. Les juges disposent, en la matière, d’un pouvoir souverain[9].
Lorsque l’engagement pris par l’employeur est jugé suffisamment clair et précis, la promesse d’embauche lie l’employeur. En sa qualité d’avant-contrat, la promesse d’embauche est soumise aux règles de droit commun, notamment aux articles 1134 et 1147[10]du Code civil. L’employeur est donc tenu de respecter son engagement. Naturellement, l’employeur peut l’aménager, en stipulant que le salarié dispose d’un délai maximal pour accepter la promesse d’embauche, ou en le conditionnant à la survenance d’un événement précis tel que l’obtention d’un diplôme ou d’une qualification.
Quoi qu’il en soit, une fois la promesse caractérisée, l’employeur ne peut pas la résilier de mauvaise foi.
2. L’interdiction de résilier la promesse d’embauche de mauvaise foi
Une fois la promesse d’embauche faite au salarié, l’employeur est débiteur d’une obligation, contractée volontairement. Celle-ci est soumise au droit commun, notamment à l’obligation d’être exécutée de bonne foi. L’employeur ne peut, en conséquence, justifier la rupture d’une promesse d’embauche par des difficultés financières connues de lui au moment de la formulation de ladite promesse[11]. De la même manière, il ne saurait arguer du fait que le salarié a été licencié pour faute grave par son ancien employeur[12] pour se soustraire à son obligation.
Dans la mesure où une promesse d’embauche acceptée par le salarié vaut contrat de travail, il est évidemment impossible à l’employeur de la révoquer après l’acceptation du salarié[13]. Parallèlement, une fois que le salarié a accepté la promesse d’embauche, il ne peut plus se rétracter librement. L’acceptation de la promesse fait peser sur les deux parties les obligations qui découlent du contrat de travail. L’employeur doit fournir le travail convenu au salarié et ce dernier doit rejoindre son poste de travail[14].
Il n’est plus possible, pour l’une ou l’autre des parties, de s’affranchir des règles légales relatives à la rupture du contrat de travail. La rupture par l’employeur d’une promesse d’embauche acceptée par le salarié doit donc prendre la forme d’un licenciement[15].
La jurisprudence s’est montrée plus hésitante s’agissant de la sanction de la rupture de la promesse d’embauche par l’employeur lorsque le candidat n’a pas encore accepté le poste. De prime abord, il avait été jugé que le candidat avait droit à des indemnités de rupture au titre du licenciement abusif[16]. Par la suite, les juges du Quai de l’Horloge ont estimé que la violation par l’employeur de la promesse d’embauche devait être sanctionnée par l’octroi de dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice subi[17]. Aujourd’hui, la chambre sociale considère que la rupture d’une promesse d’embauche par l’employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse[18]. Le salarié a en outre droit au paiement d’indemnités de préavis[19].
En revanche, quand le salarié refuse de prendre ses fonctions à la suite de son acceptation de la promesse d’embauche, il est redevable de dommages et intérêts à l’employeur.
Lorsque la rencontre des consentements s’est faite, le contrat de travail est formé. Cependant, les parties peuvent encore exprimer des doutes sur la capacité de l’autre partie à satisfaire ses espoirs. Le salarié peut s’interroger quant à l’adéquation des fonctions du poste avec ses attentes. De même, l’employeur peut vouloir « tester » la compétence du salarié, afin de s’assurer que celui-ci est pleinement en mesure de satisfaire les exigences du poste. Dans ces circonstances, les parties peuvent recourir à la période d’essai.
[1] Natacha HAUSER COSTA, La promesse d’embauche, RJS 1997, p. 311
[2] CA Douai, 29 septembre 2001, n° 00-2191
[3] Cass. soc., 3 février 1982, n° 79-41.069, Bull. 1992, V, n° 111
[4] Dans un arrêt rendu le 27 février 2002 (n° 00-41.787), la chambre sociale a été jugé valide une promesse d’embauche qui ne mentionnait pas la rémunération du salarié. Encore, il a été récemment jugé (Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 11-10.486) que les seules mentions de l’emploi proposé et de la date d’entrée du bénéficiaire suffisaient à lier l’employeur
[5] CA Pau, 17 mai 1995 « SAE Santo Flor contre Bardet »
[6] Paul FIESCHI-VIVET, Jcl. civil, art. 1134 et 1135, fasc.1
[7] Cass. soc., 22 mars 1972, n° 71-40.266, Bull. civ. V, n° 221
[8] Cass. soc., 9 octobre 1968, n° 67-40.370
[9] Cass. soc., 5 avril 2005, Bull. civ. V, n° 123
[10] « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur »
[11] CA Paris, 23 mai 1989, n° 89-30783
[12] CA Dijon, 25 février 1999, n° 98-1398
[13] Cass. soc., 20 mai 1985, n 83-40.476, Inédit
[14] Cass. soc., 29 mars 1995, n° 91-44.288, Inédit
[15] Cass. soc., 7 novembre 2007 n° 06-42.439, Inédit
[16] Cass. soc., 12 décembre 1983, n° 81-41.845, D.1984, 111
[17] Cass. soc., 5 décembre 1989, n° 86-45.556, RJS 1990, 1
[18] Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 08-42.951, Bull. civ. V, n° 296
[19] Cass. soc., 2 février 1999, n° 95-45.331, Bull. civ. V, n° 52