Archive : Le tribunal militaire international de Nuremberg

Publié le Modifié le 06/05/2015 Vu 5 980 fois 1
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

En parcourant mes vieux dossiers, j'ai retrouvé cette (modeste) étude réalisée en 2010. Avec le recul et l'expérience, c'est évidemment avec l'oeil sévère que je me relis... Je vous la présente en l'état.

En parcourant mes vieux dossiers, j'ai retrouvé cette (modeste) étude réalisée en 2010. Avec le recul et l

Archive : Le tribunal militaire international de Nuremberg

Les Alliés n’ont pas attendu la fin de la Seconde Guerre mondiale pour envisager le sort qui serait réservé aux grands dignitaires nazis. Dès les conférences de Moscou et Téhéran de 1943, les trois grandes puissances (les États-Unis, l’URSS et la Grande Bretagne) s’accordaient pour que soient jugés et punis les responsables de crimes de guerre.

Ceux qui sont devenus les vainqueurs du second conflit mondial (la France les a rejoints entre-temps) vont signer les accords de Londres le 8 août 1945. Aussi connu sous le nom de Charte de Londres, ou Charte de Nuremberg, cet accord fixe les statuts d’un Tribunal Militaire International ayant pour mission de « juger et punir de façon appropriée les grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe ».

La ville de Nuremberg n’est pas celle que les Alliés avaient initialement choisie. Les accords de Londres avaient fixé le siège du tribunal à Berlin, mais la capitale allemande était un champ de ruines à la fin de la guerre. Deux raisons expliquent le choix de Nuremberg. La première est purement matérielle : cette ville avait conservé un palais de justice en bon état. Il était suffisamment spacieux (22 000 m²) pour accueillir un procès d’une telle ampleur (plus de 400 audiences, une année de débats…), et était relié à une prison par un tunnel. La seconde raison est de portée symbolique. C’est en effet à Nuremberg qu’ont été édictées les lois antisémites du 15 septembre 1945 («loi sur la protection du sang et de l'honneur allemand ») et que se tenaient les congrès annuels du parti nazi.

Pour de nombreux auteurs, le Tribunal Militaire International de Nuremberg (TMIN) est une première dans la justice pénale internationale. Cette affirmation n’est pas rigoureusement exacte car on peut évoquer le procès « raté » de Leipzig de 1921 destiné à juger les criminels allemands de la Première Guerre mondiale, cependant elle est recevable. Pour l’historien François Bédarida, le TMIN est un début dans la mesure où pour la première fois, un jugement a été rendu au nom de la conscience universelle. Historien également, René Remond ajoute que les accords de Londres ont posé la première pierre d’une jurisprudence à l’échelle des nations. Annette Wieviorka, directeur de recherche au CNRS et auteure de nombreux ouvrages relatifs à la Seconde Guerre mondiale, retient que pour la première fois, on a jugé des grands criminels de guerre en tant que tels.

Le TMIN marque également le point de départ de la constitution d’un nombre important de tribunaux internationaux ad hoc, c'est-à-dire de « juridictions d’occasion » (cf. Renaud Donnedieu de Vabres) créées sur mesure à chaque manifestation de la criminalité internationale. Il faut garder à l’esprit que la Cour pénale internationale ne date que de 1998 et qu’aucun organe n’était auparavant compétent pour juger les crimes commis à l’échelle mondiale.

Il est aujourd’hui impossible de parler du TMIN sans parler des procès de Nuremberg. Le pluriel est justement employé : si le procès des dignitaires nazis est mondialement connu, il faut rappeler que d’autres procès ont eu lieu en son sein, notamment de celui des « médecins » des camps poursuivis pour des expérimentations médicales. Il ne s’agira pas, dans le cadre de cet examen, de s’attarder outre mesure sur ces différents procès. Il est toutefois impossible d’étudier le premier Tribunal Militaire International de l’Histoire sans observer la justice qui y a été rendue. Le procès des criminels nazis, objet même de la création du TMIN, retiendra donc principalement notre attention.

L’examen de ce qui est considéré comme la première juridiction pénale internationale va donc permettre de répondre à un certain nombre d’interrogations. Comment ont été désignés les accusés, les accusateurs et les juges ? Comment qualifier la justice qui a été rendue par le TMIN ? Quels sont les réels apports du Tribunal dans le droit pénal international ?

Il s’agira, au long de cet examen, d’étudier la véritable nature de la justice fixée dans la charte de Nuremberg (1), ainsi que sur l’héritage considérable que le TMIN a laissé à la justice pénale internationale (2).

I.     La justice selon le Tribunal Militaire international de Nuremberg

Les accords de Londres du 8 août 1945 ont fixé les statuts du TMIN, en posant les règles relatives à la poursuite et au jugement des criminels nazis. Il est intéressant de consacrer du temps à  l’examen de ces dispositions non en les énumérant (ce qui reviendrait à paraphraser les accords de Londres), mais en prenant du recul sur ce qu’a réellement été la justice rendue à Nuremberg.

La doctrine a souvent critiqué le rôle prépondérant des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale dans la composition d’une juridiction chargée de condamner des vaincus (A), pour autant il serait faux de considérer que la justice rendue à Nuremberg n’a pas été pas juste et loyale (B).

A.     La justice des vainqueurs

Certains auteurs ont reproché aux accords de Londres d’avoir mis en place une « justice des vainqueurs ». Ils reprochent notamment aux « puissances signataires » d’avoir eu une vision manichéenne de la Seconde guerre mondiale, en limitant la responsabilité des crimes aux seuls Allemands. Sans polémiquer, il est vrai que la constitution même du TMIN oppose les vainqueurs et les vaincus avec d’un côté les juges et les accusateurs et de l’autre les accusés.

  1. L’omniprésence des quatre puissances signataires dans la composition du TMIN

Le Tribunal est composé de quatre juges, assistés chacun d’un suppléant. Ces juges sont désignés par les quatre « Puissances signataires », à savoir la France, le Royaume-Uni, les États-Unis d’Amérique et l’URSS. Ils ne sont pas récusables. Il revient à chaque État de remplacer son juge si celui-ci a des problèmes de santé.

La présidence du tribunal est assurée à tour de rôle par les quatre puissances, soit par accord interne au tribunal, soit par vote à la majorité d’au moins trois juges.

Les décisions sont prises à la majorité et, en cas de partage des voix, le vote du président est déterminant.

En outre, ces mêmes puissances signataires désignent les accusateurs : le Ministère Public est formé d’un représentant de chacun des quatre États. Ces représentants du Ministère Public sont chargés de former une commission destinée à dresser la liste des grands criminels de guerre qui devront être traduits devant le Tribunal. Ils devront en outre produire les actes d'accusation et rédiger les règles de procédure.

Il ressort de la composition de ce TMIN que seuls quatre pays sont clairement représentés, ce sont les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale.

L’absence des dix-sept autres nations qui ont adhéré aux accords de Londres est évidemment regrettable. Annette Wieviorka considère que cette « mainmise » des quatre États sur la composition de TMIN n’est pas choquante dans la mesure où chacun d’eux parle pour d’autres pays non-représentés.

  1. Désignation et qualité des accusés

La mission du TMIN est de juger ceux qui ont commis des crimes et complot contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Chacun de ces concepts est définit à l’article 6 de la charte.

Les crimes contre la paix sont envisagés de trois façons distinctes. La première est la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d’une guerre d’agression. La seconde est la guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux. Enfin, est un crime contre la paix la participation à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un quelconque des actes précédemment mentionnés.

Les crimes de guerre correspondent à la violation des lois et coutumes de guerre, dont l'assassinat et les mauvais traitements des populations civiles ou des prisonniers militaires, la déportation des populations civiles, l'exécution d’otages, le pillage de biens, la dévastation et la destruction de villes ou villages sans motifs…

Les crimes contre l’humanité correspondent à l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.

La charte précise que les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l’élaboration ou à l’exécution d’un plan concerté ou d’un complot pour commettre l’un des crimes définis à l’article 6, sont responsables des actes accomplis par toutes les personnes en exécution de ce plan. Le TMIN est donc compétent pour juger des personnes physiques, mais également des organisations (comme le seront l’État Major général, la SS, la Gestapo ou encore la SA), ce qui est une innovation dans la justice pénale internationale. Par ailleurs, la charte exclut que le fait d’avoir été chef d’Etat ou d’avoir assumé des responsabilités au niveau gouvernemental puisse être une excuse ou une source d’atténuation des sanctions.

La Commission formée par le Ministère Public a dressé une liste de trente-et-un accusés, dont font partie certaines figures emblématiques du régime nazi (Hermann Göring, Albert Speer, Martin Bormann…). On s’aperçoit que seuls des criminels allemands sont jugés. Cette approche manichéenne de la Seconde Guerre mondiale est évidemment critiquable, surtout lorsque l’on sait que ce sont les quatre Etats vainqueurs du second conflit mondial ont « créé » les chefs d’inculpation, assuré la poursuite et l’instruction des accusés, prononcé le jugement et exécuté les peines. Le terme de « justice des vainqueurs » prend alors tout son sens.

L’historien allemand Rudolf Von Thadden estime qu’à Nuremberg, « les Alliés ont oublié la voix des Allemands de la résistance à Hitler ». Il explique que les comptes se sont réglés à partir d'une fausse équation : d'un côté, les vainqueurs, tous forcément contre Hitler ; de l'autre, les vaincus, tous forcément nazis.

Il faut toutefois limiter ces critiques, car une justice des vainqueurs n’est pas synonyme d’une absence de justice.

B.    Une justice loyale et équitable

L’Histoire montre que les procès qui suivent le renversement d’un régime politique peuvent être de véritables parodies de justice, à l’image du procès des époux Ceausescu.

A ce titre, il est important de considérer l’exemplarité du jugement des dignitaires nazis, car que l’on considère ou non qu’il s’agisse d’un procès des vainqueurs, force est de constater que la justice qui a été rendue à Nuremberg était juste et loyale. Le principe du procès loyal figure à l’article 16 des accords de Londres.

     a)    Le respect des droits de la défense

Les accords de Londres posent de nombreux principes relatifs aux droits de la défense.

Tout d’abord, chaque accusé a le droit de désigner un avocat.

La procédure est de type accusatoire, c'est-à-dire qu’après avoir entendu la lecture de l’acte d’accusation, les accusés peuvent se défendre et appeler des témoins (il y en aura trente-trois).

En ce qui concerne les modalités de preuves, le Tribunal précise qu’il n’est pas lié par des règles techniques et qu’il doit admettre tout élément qui lui paraît avoir une valeur probante.

En raison du caractère international du procès, il y avait quatre langues de travail au sein du Tribunal : le français, l’anglais, le russe et l’allemand. Chaque accusé était équipé d’une oreillette à travers laquelle leurs étaient traduits les propos tenus pendant le procès.

     b)    Le massacre de Katyń

Le massacre de Katyń est un élément qui reflète la justesse et la loyauté de la justice rendue à Nuremberg.

Lorsqu’en 1939, les Allemands et l’URSS envahissent la Pologne, la police politique de l'Union soviétique (le NKVD) capture et exécute près de 22.000 officiers polonais dans la ville de Katyń. Espérant faire attribuer ce massacre aux allemands, les Soviétiques réussissent (contre l’avis des autres alliés qui connaissent la vérité) à le faire figurer dans l’acte d’accusation des dignitaires nazis. Sans doute espéraient-ils que les juges se passeraient de témoignages et que le rapport du NKVD, concluant sur une incrimination des allemands, suffirait à faire peser contre eux le massacre de Katyń. Les Soviétiques ont eu tord : ils n’ont pu empêcher le déroulement d’une justice loyale et contradictoire, qui a permis aux nazis de se défendre et de faire citer des témoins. Finalement, le massacre de Katyń ne figure pas dans le jugement, ce qui prouve encore une fois qu’une véritable justice a bien été rendue à Nuremberg.

     c)     Les peines encourues et prononcées

Les peines encourues par les accusés vont de la peine de mort  à l’acquittement.

À travers les peines prononcées, il apparait que les accusés n’étaient pas présumés coupables. Les peines ont été votées par les juges en fonction de la gravité des actes commis par les accusés. Dans son verdict, le Tribunal prononce trois acquittements, neuf condamnations à des peines de prison à vie ou à temps et douze condamnations à mort.

La charte ne prévoit pas, à proprement parler, d’appel contre les décisions rendues par le Tribunal.  Seul le Conseil de contrôle pour l’Allemagne a la possibilité de réduire ou modifier les sanctions mais pas les aggraver.

On remarque ainsi que le TMIN a permis le déroulement d’un procès équitable, où les accusés ont pu se défendre.

2.    L’héritage de Nuremberg

Le Tribunal militaire de Nuremberg n'a pas uniquement permis de juger les dignitaires nazis. Il a laissé derrière lui un important héritage juridique (A), par la création d'un Code criminel international, et par la définition juridique de termes qui restaient jusque là très flous. Mais aussi un important héritage politique et institutionnel (B), en légitimant un nouvel ordre mondial, et en ouvrant la voie de la justice pénale internationale.

A)    L'héritage juridique du Tribunal militaire de Nuremberg

     a)    Le crime contre l'humanité

Avant 1945, le crime contre l'humanité n'était pas définie en des termes juridiques. Avant la Première Guerre mondiale, cette interdiction s'inscrivait dans la morale internationale, et se déduisait uniquement par les comportements communément admis par les autres États. Suite à la « Grande Guerre », on commence à traduire cette morale protectrice de l'Homme dans un Droit international pénal, mais l'infraction ne sera jamais définie en tant que telle.

La notion juridique du crime contre l'humanité apparaît pour la première fois au titre II, article 6 alinéa c, du statut du Tribunal militaire de Nuremberg adopté par le biais de la Charte de Londres du 8 août 1945. Il s'agit d'un « accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances Européennes de l'Axe et statut du Tribunal international militaire. »

Selon cette charte, le crime contre l'humanité s'entend comme: « l'assassinat, l'extermination (génocide), la réduction en esclavage, la déportation et tous autres actes inhumains commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, que ces actes ou persécutions aient constitués ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, la participation à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes ci-dessus définis. » A noter ici le caractère rétroactif du crime contre l'humanité, il à vocation à s'appliquer également aux crimes perpétrés avant la guerre. On aurait alors pu s'attendre à ce que le TMIN juge les crimes commis par les nazis avant la guerre, tels que les assassinats qui ont eu lieu durant la nuit des longs couteaux, où encore les persécutions nazies perpétrées à l'encontre des juifs etc. Mais il n'en sera rien, tous ces faits ne seront pas poursuivis, car les puissances victorieuses ne veulent pas créer un précédent juridique qui pourrait se retourner contre eux à l'avenir. Il est certain que leurs agissements, aux seins des colonies par exemple, sont loin d'être exemplaires...

A l’origine, le champ d'application de cette infraction était restreint. Elle n'avait vocation à s'appliquer uniquement à l'encontre des puissances de l'Axe. Le principe « vae victis » avait pour conséquence où pour but de dédouaner les puissances alliées des crimes qu'ils auraient commis. On peut citer à cet égard le bombardement de Dresde en Allemagne, où les viols systématiques perpétrés par les Soviétiques à l'encontre des Allemandes en 1945.

Le TMIN pose les fondements de la notion de crime contre l’humanité, celle-ci va lentement se hisser au niveau international, et sera complétée au fil du temps. Ainsi, le 11 décembre 1946 une résolution des Nations Unies confirme les principes reconnus par la Charte de Londres. Cela a pour conséquence directe d’élargir le champ d’application du crime contre l’humanité, qui se voit reconnaître une valeur internationale.

En 1968, le crime contre l'humanité devient imprescriptible, tout comme les crimes de guerre. Cela ressort de la convention sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre entrée en vigueur le 11 novembre 1970.

Dans une résolution du 30 novembre 1973, entrée en vigueur le 18 juillet 1976, l'assemblée générale des Nations Unies opère un nouvel élargissement de la notion en y incluant le crime d'apartheid.

À l'occasion de la guerre de l'ex-Yougoslavie, un Tribunal ad hoc est créé en 1993 par l'ONU, afin de réprimer les crimes perpétrés durant ce conflit. Il s'agit du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie situé à La Haye au Pays-Bas. Celui-ci va reprendre la définition du crime contre l'humanité définie dans la charte de Londres. Un an plus tard, en 1994, le Tribunal pénal international pour le Rwanda fera de même. La définition du crime contre l'humanité du procès de Nuremberg a véritablement créé un précédent juridique, cette notion va se trouver à nouveau renforcer, et va avoir solennellement vocation à s'appliquer de nos jours au niveau international grâce à l’entrée en vigueur du statut de Rome, créant la Cour de Pénale Internationale (CPI).

Le statut de La Cour Pénale Internationale (CPI) est signé le 17 juillet 1998 à Rome, ce statut  prend le nom de « statut de Rome ».

L'article 7 de celui ci va venir définir précisément ce qu'est le crime contre l'humanité. Il pose 11 actes susceptibles d'être retenus comme tel. On peut citer la torture, l'extermination, la réduction en esclavage, l'apartheid etc.

On peut retenir trois caractères principaux de cette définition. Le crime contre l'humanité est imprescriptible. Le statut reprend ainsi la convention sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. Toutes les personnes ayant commis de tels actes sont responsables, de l'exécutant aux chefs d'État. Enfin le crime contre l'humanité peut être commis en temps de guerre, mais également en temps de paix.

De ces trois éléments ressort une certaine primauté du droit international sur les États. En effet, ces derniers soucieux de conserver leur compétence pour juger de tels actes vont devoir aligner leur définition du crime contre l'humanité sur celle du statut, afin de ne pas être dessaisi au profit de la CPI. Le Droit pénal international va venir s'imposer aux systèmes juridiques nationaux. Des dispositions pouvant êtres jugées légales pour un État, ne le seront peut être pas pour la CPI. Elle pourra alors être saisie, et appliquer le droit pénal international. Les États se voient donc dans une certaine mesure, obliger d'adopter cette définition au sein de leurs propres législations.

     b)    Le Code de crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité

Le 21 novembre 1947 l'Assemblée générale des Nations Unies crée la Commission du droit international (CDI). Elle a pour mission de favoriser le développement progressif de la codification du droit international. Depuis Nuremberg, on a vu  s’affirmer la responsabilité pénale de l'individu, « les infractions en droit international sont commises par des hommes et non des entités abstraites ». Dés lors, il fallait dresser les faits individuels pouvant être déterminés comme des infractions internationales. L'infraction de crime de droit international à été pour la première fois utilisée dans le statut du TMIN. Cette qualification sera reprise par la CDI dans son projet de Code de crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité. Ce projet sera adopté dans sa version finale en 1996. Il se limite aux infractions caractérisées par leur gravité. Il s'agit du génocide, du crime d'agression, du crime contre l'humanité, des crimes de guerre, et des crimes contre le personnel de l'ONU.

Trois de ces crimes ont vu le jour grâce au statut du TMIN. Ainsi, hormis le crime contre l'humanité développé précédemment, l'infraction de crime d'agression même si elle n'est toujours pas définie de manière précise fait référence aux crimes contre la paix définis au titre II, article 6, alinéa a, de l'accord de Londres, « c'est-à-dire la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression, ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent; »

Pour  les crimes de guerre, l'article 6, alinéa b, du même statut, contenait une première définition sous la forme d'une liste de violations des lois et des coutumes de la guerre. Cet article énonçait des «  violations qui comprennent, sans y être limitées, l'assassinat, les mauvais traitements et la déportation pour des travaux forcés ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires; » Les 4 conventions de Genève de 1949 s'y sont par la suite greffées, et cette définition s'est insérée dans le statut de la Cour pénale internationale .

L'importance du TMIN se traduit ici par l'insertion de ses propres définitions dans les mécanismes juridictionnels internationaux contemporains. Outre cette codification pénale, le TMIN va dégager un autre Code, établissant des règles précises en matière d’expérimentation médicale sur l’être humain.

     c)     Le Code de Nuremberg.

Le Code de Nuremberg établi le socle de l'éthique médicale. Il est la conséquence directe des procès de Nuremberg. Il faut rappeler que deux tribunaux ont été constitués après la guerre. L’un a jugé les dirigeants politiques, l'autre à jugé les médecins impliqués dans l'expérimentation médicale nazie. En août 1947, le « procès des médecins » est rendu.

Les jugent vont alors ressortir 10 points, réunis dans le Code de Nuremberg qui seront les principes fondamentaux de l'expérimentation humaine. Ainsi, il ressort de ce Code que l'expérimentation ne peut avoir lieu qu'avec l'accord du sujet, que celui ci peut interrompre l'expérience à tous moment, que le but recherché par l'expérience ne peut être obtenu par aucun autre moyen etc.

Le Code de Nuremberg influencera la déclaration d'Helsinki de 1964, déclaration rédigée par l'association médicale mondiale, établissant les principes éthiques médicaux. Il apparaît comme  le fondement de la bioéthique actuelle.

L’héritage de Nuremberg ne s’arrête pas là. Le TMIN avait dés sa création la volonté d’ériger, et de légitimer un nouvel ordre mondial. Il est imprégné de la stratégie politique des grandes puissances victorieuses qui souhaitent l’utiliser comme tribune. La création de la Cour Pénale Internationale est l’illustration de la volonté des Etats de voir évoluer l’ordre international.

B)    L'héritage politique et institutionnel de Nuremberg

     a)    La légitimation du nouvel ordre international

Le procès de Nuremberg marque la transition d'un ordre mondial à un autre. C'est le TMIN qui joue ce rôle symbolique, on peut parler de « justice transitionnelle ». L'ordre démocratique mondial se justifie dés lors par opposition au régime nazi, et aux atrocités que celui-ci à causé. C'est cette même atrocité qui légitime l'action du Tribunal, et l'évolution du système international.

Le droit est fortement lié à la politique, cela se remarque au niveau interne, mais c'est encore plus flagrant au niveau international. C'est ainsi qu'à Nuremberg on à pu parler de « justice des vainqueurs ». Ces derniers vont se servir du TMIN pour légitimer leurs actions, et leur puissance, à la fin de la seconde guerre mondiale. C'est ainsi que ce procès va, d'une part être marqué par une certaine autocensure de la part des alliés, et d'autre part, reposer sur une construction juridique critiquable.

Un des buts de cette censure était d'éviter de tomber dans un relativisme moral. C'est ainsi par exemple, que les Britanniques et les Américains ont fermé les yeux sur l'installation de camps de déportation par les Soviétiques en Europe de l'Est, et ce pour éviter de se voir reprocher les bombardements des villes Allemandes, qui ont causés la mort de plus de 600 000 victimes. Quant à la construction juridique, elle peut être critiquée par le fait que l'accusation basait sa stratégie sur l'idée de « complot ». Les accusés auraient mis sur pied une « conspiration » pour déclencher la guerre, et commettre des crimes contre l'humanité. Cette construction est tout à fait critiquable car elle ne peut être prouvée, c'est ce que l'historien Browning appellera la « vision Nuremberg ».

La politique est également fortement présente dans la définition du crime contre l'humanité de la charte de Londres de 1945. Les Alliés veulent réprimer les crimes commis par les nazis, tout en se préservant des accusations dont ils pourraient faire l'objet. Les Américains ont peur de se voir reprocher les discriminations institutionnalisées à l'encontre des noirs dans certains de leurs États. Les Soviétiques ne souhaitent pas répondre des faits commis à l'encontre des Tchétchènes ou des koulaks. Quant aux britanniques et aux Français ils n'ont pas hésité à réprimer dans la plus grande violence les populations revendiquant l'indépendance. Cela explique pourquoi à l'époque, le crime contre l'humanité ne peut être commis que lors d'un conflit. Cela permettait de mettre à l'abri les grandes puissances contre toute accusation.

Il s'agit d'un des points centraux de l'émergence des normes juridiques internationales, celles-ci sont fortement marquées par les exigences stratégiques des grandes puissances. Les deux « grands » n'avaient aucun intérêt à ce que cette incrimination voit son champ d'application étendu. Ils ne veulent pas être jugés, c'est pourquoi pendant la guerre froide cette notion sera mise entre parenthèse. Elle ne réapparaîtra que dans les années 1990, après la chute du mur, et la fin de la guerre froide, suite aux épurations ethniques qui marqueront cette période. Ces événements vont venir légitimer la nécessité d'une cour pénale internationale permanente afin de sanctionner au niveau mondial les crimes commis par les États. Cela marque un important point de départ quant à l'abandon du système Westphalien de la toute puissance nationale.

     b)    La création de la Cour Pénale Internationale

La première tentative de création d'une cour pénale à vocation internationale remonte à la première guerre mondiale. Le traité de Versailles prévoyait la création d'un Tribunal international afin de poursuivre le Kaiser Allemand Guillaume II pour « offense à la moralité et à la sacralité des traités ». Ce projet ne sera jamais réalisé du fait du refus des Pays-Bas d'extrader Guillaume II.

Il faudra donc attendre 1947, pour que la création d'une telle cour soit reconnue comme une nécessité par les Nations Unies, qui veulent prolonger Nuremberg. La création d'une cour pénale internationale (CPI) permanente sera confiée à la commission de Droit international (CDI). Celle-ci doit rédiger un statut, afin de mettre sur pied une telle institution. Cependant, si la commission continue à travailler sur un tel projet, la guerre froide va venir interrompre le processus jusqu'en 1990. Avec la fin de celle-ci, la commission de droit international est appelée à réexaminer le projet dans le cadre de la rédaction du Code des crimes contre l'humanité, et contre la sécurité.

Les événements en ex-Yougoslavie et au Rwanda, et la création de tribunaux ad hoc afin de juger les responsables de ces massacres ont véritablement accéléré le processus. La création d'une cour permanente internationale retrouve tous son sens, et est portée aux yeux du monde. Ainsi, le 17 juillet 1998 est adopté à Rome le statut la CPI. Son entrée en vigueur était soumise à la ratification d’au moins 60 États. Ce sera chose faîte le 1er juillet 2002. Aujourd'hui 113 membres ont adopté ce statut. Elle siège à la Haye aux Pays-Bas...

La création de la CPI est une avancée considérable dans la voie de l'établissement d'une juridiction pénale internationale. Cette Cour juge non pas les États, mais les individus ce qui est différent de la Cour internationale de justice (CIJ).

La cour est compétente pour juger les individus responsables de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre, de crimes d'agression, de crimes d'apartheid, et de crimes contre le personnel de l'ONU.

Elle ne peut être saisie que pour les faits commis après le 1er juillet 2002. De plus son action est soumise à plusieurs conditions. Tout d'abord, son statut lui donne un caractère d'organe subsidiaire, et non pas substitutif. Cela implique donc une inaction de l'État à condamner la commission de tels crimes afin qu'elle puisse être saisie. D'autre part, sa saisine est soumise à la présence d'un de ces trois cas : Il doit s'agir de(s) ressortissant(s) d'un État partie à la convention ou qui l'accepte en l'espèce ; d'un crime commis à l'encontre d'un État partie à la convention ; ou de la saisine du procureur de la CPI par le conseil de sécurité de l'ONU.

A noter que des grandes puissances ne sont pas partie à cette convention. Ainsi, la Russie et les États-Unis ont bien signé le statut, mais ne l'ont jamais ratifié. La Chine et l'Inde ne l'ont ni signé, ni ratifié.

La CPI reste donc marquée par la souveraineté des États, elle ne dispose pas d'un droit d'ingérence suprême, et sa saisine reste limitée. Néanmoins, il s'agit là d'une avancée considérable dans la création d'une justice pénale internationale. Elle apparaît comme le prolongement du TMIN. C'est ce Tribunal qui à permis la légitimation des tribunaux ad hoc, et qui a montré la nécessité de créer une institution de justice internationale permanente, afin de ne pas laisser impuni des crimes sous couvert de la souveraineté de l'État.

Bibliographie non-exhaustive :

La justice pénale internationale, Jean-Paul Bazelaire et Thierry Cretin, PUF

Les Procès de Nuremberg et de Tokyo, Annette Wieviorka, Éditions Liana Levi

Introduction au Droit Pénal international, Cherif BAISSIOUNI, Bruylant

La répression pénale des crimes internationaux, Photini PAZARTZI

Juger la guerre, juger l'histoire   Pierre Hazan, PUF

Le crime contre l'humanité, Jean-François Roulot,  L'harmattan

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par kheops86
29/12/2022 23:54

Désolé de vous contredire,mais leprocès deNuremberg n'est qu'une escroquerie, une mascarade, une arnaque, en l'espèce un sanhédrin déguisé. Il a été conçu et mené comme si les "nazis" (qui n'ont jamais existé, ce terme est aussi juif que moqueur) étaient seuls responsables de la guerre, alors qu'il n'en est rien; l'escalade des agressions commence avec la juiverie internationale et son boycott de mars 1933, et va jusqu'au refus obstiné des communistes polonais de restituer Dantzig aux Allemands, territoire VOLE par l'ignoble traité de Versailles. Tout est mensonge et manipulation, et n'importe quel clampin un tant soit peu logique et rationnel saitbien que les chambres à gaz ne sont qu'une fiction, que les photos de Dachau ou de Buchenwald (liste non exhaustive) ne reflètent en rien la réalité des camps d'internement qui n'ont JAMAIS ETE des camps d'extermination. Tout a été fait pour cacher les sapoleries judéo-soviétiques autant que les dégueulasseries judéo-occidentales, des goulags aux bombardement de terreur et l'emploi de la bombe atomique contre des populations civiles. Les vrais crimes contre l'humanité ont été commis par les "alliés", et auschwitz, comme Oradour, ne sont que d'odieux mensonges qui devront bien être réglés un jour. Nuremberg? Une version aussi "officielle" qu'obligatoire par force de loi, ce qui est purement à vomir.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de Valentin GUISLAIN

Maître Valentin GUISLAIN,
Avocat associé au barreau de Béthune (droit civil ; droit du travail ; droit commercial)
Membre du Conseil de l'Ordre

 

Cabinet d'avocats BVGL

44 rue Louis BLANC, 62400 BÉTHUNE

03.21.57.63.60

Informations
Rechercher
consultation.avocat.fr
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles