« Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération ». Cass. soc. 22 juillet 1954 (Bull. civ. IV, no 576)
De cette affirmation prétorienne (le Code du travail ne définit par le contrat de travail), il ressort que la réunion de trois critères est exigée pour qu’existe un contrat de travail : un travail, une rémunération, et un lien de subordination. Les critères relatifs au travail et à la rémunération sont clairs et ne méritent pas de développements. Le véritable critère déterminant (discriminant) est le lien de subordination. Celui-ci a été défini par la jurisprudence comme étant « le pouvoir de l’employeur de donner des ordres et directives aux salariés, d’en contrôler la bonne exécution, et d’en sanctionner les manquements ». Cass.soc. 13 novembre 1996, « Société générale », n°94-13187.
L’existence de travail ne dépend donc pas de la dénomination que les parties ont donné à leur contrat de travail, mais des conditions de fait dans lesquelles l’activité est exercée. Les juges, pour caractériser l’existence d’un contrat de travail, ont recours à la méthode du faisceau d’indices afin de déterminer s’il existe, ou non, un lien de subordination.
Les indices utilisés par la jurisprudence sont les suivants :
• L’existence d’horaires de travail impératifs
• L’existence d’un lieu de travail
• L’existence de d’ordre et de directive ne laissant pas – ou peu – de place à l’initiative
• L’exercice d’un contrôle permanent de l’activité par l’employeur
• L’exercice d’un pouvoir disciplinaire en cas de défaillance
• La fourniture de matériel par l’employeur
Rappelons que dans certaines circonstances, le Code du travail prévoit expressément que certains travailleurs doivent être présumés salariés. C’est le cas lorsque la preuve de leur subordination est difficile à rapporter. Il en va ainsi, à titre d’exemple, des journalistes ou des artistes de spectacle (L.7111-1 et s.). À l’inverse, parce que certaines professions sont exercées dans des conditions a priori similaires au salariat, le Code du travail prévoit également des présomptions de non-salariat (L. 8221-6 et s.). Ces présomptions de (non-)salariat peuvent être reversée. Le Code du travail exige, pour ce faire, que soit démontrée l’absence (ou l’existence) de rapport permanent de subordination juridique. Cette preuve incombe donc prioritairement sur la personne qui revendique le statut de salarié.
Le rôle du juge prud'homal est donc central dans la (re)qualification du contrat de travail.
Il est intéressant de noter qu’en la matière, le juge use pleinement des pouvoirs qui sont les siens pour requalifier (ou non) un contrat de travail. Il en va, par exemple, d’une totale appréciation souveraine des circonstances de la cause, nonobstant les termes employés dans la convention qui lie les parties (art. 12 du Code de procédure civile). Il en va, encore, de l’utilisation de la bonne foi comme notion-cadre régulatrice des rapports contractuels.
Cette notion est bien connue des lecteurs de ce blog, comme de ceux qui prirent connaissance des articles que j’ai consacrés à la question dans la Jurisprudence sociale Lamy.
Rappelons ici la très juste analyse du Professeur Philippe Le Tourneau : « le juge n’ayant plus, depuis la Révolution, la licence de statuer en équité [...], il s’abrite derrière la bonne foi lorsqu’il estime, en conscience, dans telle ou telle cause, qu’il importe d’aménager les dispositions contractuelles afin de faire régner une plus grande justice » (Ph. Le Tourneau, « Bonne foi », Répertoire civil Dalloz, oct. 1995).
Tel est le cas en matière de requalification du contrat de travail. « Nemo auditur propiam turpitudinem allegans » - nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Si le salarié avait, dans le passé, décliné une proposition faite par sn employeur de conclure un contrat à durée indéterminée, il est mal fondé à solliciter une (re)qualification judiciaire.
La jurisprudence ne cesse de rappeler que la demande de requalification d’un contrat de travail ne peut intervenir « lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse » : Cass. soc., 18 avril 2000, n° 98-40.922 ; Cass. soc., 24 mars 2010, n°08-45.552 ; Cass. soc., 12 janvier 2012, n° 09-42.801 ; Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-12091
Preuve, s’il en fallait encore, que le solidarisme contractuel persiste en droit du travail.