Les sénateurs ont adopté, mercredi 27 février, par 174 voix contre 171 la proposition de loi présentée par A. DAVID (CRC, Isère), E. ASSASSI (CRC, Seine-Saint-Denis) et plusieurs de leurs collègues, portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives.
Cette amnistie "sociale", qui va dès à présent être discutée à l'Assemblée, soulève quelques interrogations.
Qu'est-ce qu'une amnistie ?
Si l'on s'en tient au Code pénal, l'amnistie « consiste à effacer le caractère d'infraction de certains faits accomplis dans le passé en interdisant toute poursuite pénale, en interrompant l'exécution des peines et en effaçant les condamnations prononcées » (art.133-9).
Autrement dit, l'infraction est réputée de pas avoir été commise. Le casier judiciaire de l'auteur du fait n'en porte pas mention, et aucune poursuite ultérieure ne peut être intentée.
Attention : l'amnistie n'est pas opposable aux tiers qui peuvent agir au plan civil (réclamation de dommages et intérêts)
Pourquoi est-elle qualifiée de sociale ?
Le texte a vocation à s'appliquer à des actes commis à l'occasion de conflits de travail ou de mouvements sociaux revendicatifs "relatifs aux problèmes liés au logement, à la santé".
Ce n'est donc évidemment pas l'amnistie qui est sociale, mais bien les faits qu'elle a vocation à couvrir.
Il faut remarquer que les mouvements sociaux ne sont entendus strictement. Le texte ne concerne pas que les grèves.
Que propose le texte ?
Tous les faits ne pourront pas être amnistiés.
- Le texte ne concerne que les délits entraînant des peines de prison inférieures à cinq ans
- Les délits doivent être commis au cours de conflits "sociaux" (cf.supra)
- Sont exclus les actes qui n'ont pas de lien avec le mouvement (dégradation volontaire...)
- Les faits doivent avoir été commis entre le 1er janvier 2007 et 1er février 2013
Les nombreux amendements ont limité la portée du texte, qui concernait initialement les mouvements sociaux liés à l'éducation, à l'environnement, aux drotis des migrants...
De même, certaines infractions graves sont expressément exclues du champ d'application de cette proposition de loi.
Pourquoi ce texte ?
Comme il l'est précisé à titre liminaire dans la proposition de loi, ce texte s'inscrit dans la tradition républicaine des lois d'amnistie adoptées (cf. les lois de 1981, 1988, 1995 et 2002).
En effet, après chaque élection présidentielle, il était coutume de prononcer une amnistie générale. Nicolas Sarkozy a mis fin à cette tradition à partir de 2007.
Ce texte renouerait donc avec cette tradition républicaine... Mais se limiterait aux infractions liées à des mouvements revendicatifs.
Pierre LAURENT, secrétaire national du PCF, justifie ce projet de la manière suivante (cf. son blog) : «ces dernières années, les difficultés rencontrées par les Français se sont fortement accrues. Chômage, précarité, accès au logement, à la santé, inquiétudes sur l'environnement... Beaucoup de nos concitoyens se sont légitimement engagés dans des mouvements sociaux. Parmi eux, beaucoup sont frappés de procédures criminalisant leurs actions revendicatives».
Quand ce texte sera-t-il applicable :
A l'heure actuelle, "l'amnistie sociale" n'est qu'une proposition de loi. Dès lors, elle n'a, pour l'instant, aucune valeur juridique.
Ce n'est que si l'Assemblée Nationale vote le texte que celui-ci pourra être applicable.
Pour en savoir plus :
Le compte-rendu des débats
http://www.senat.fr/cra/s20130227/s20130227_3.html#par_18
Le dossier législatif
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl12-169.html