Cass. soc., 30 novembre 2017, n°16-14.541
L’importance de la bonne foi dans les rapports de travail a maintes fois été démontrée sur ce blog[1].
Irréductible à un simple devoir moral, l’impératif posé à l’article L.1222-1 du Code du travail constitue un véritable standard juridique, qui oblige les parties à la relation de travail. En témoigne un arrêt récent rendu le 30 novembre 2017 par la Cour de cassation au sujet de l’obligation de non-concurrence.
En l’espèce, un salarié est licencié pour faute grave pour avoir créé une société exerçant une activité directement concurrente de celle de son employeur – et à l’insu de ce dernier.
Le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement par-devant la juridiction prud’homale.
Débouté en cause d’appel, il forme un pourvoi en cassation, reprochant à l’arrêt d’avoir jugé bien fondé le licenciement sans avoir caractérisé un acte de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle.
La question posée à la Cour, partant, consistait à savoir si la seule constitution par le salarié d’une société dont l’activité est concurrente de celle de son employeur caractérise un acte de déloyauté susceptible de caractériser une faute grave, alors même qu’aucun acte de concurrence effectif ne soit caractérisé.
C’est par l’affirmative que répond la haute juridiction : « la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que le salarié ayant, alors qu'il était au service de son employeur et sans l'en informer, créé une société dont l'activité était directement concurrente de la sienne, avait manqué à son obligation de loyauté, peu important que des actes de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle soient ou non établis, ce dont elle a pu déduire que ces faits étaient constitutifs d'une faute grave ».
Cette décision s’inscrit assez classiquement dans le sillon de la jurisprudence relative à l’obligation de non-concurrence, que certains auteurs qualifient de « clause implicite du contrat de travail ».
Le postulat est simple : le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et le salarié, partant, doit avoir le souci de son co-contractant.
En créant les conditions d'une concurrence de l'activité de l'employeur, le salarié manque à son obligation de loyauté.
Cela justifie donc un licenciement disciplinaire, quand bien même le contrat de travail serait suspendu[2].
Certains commentateurs ont vu dans cette décision un arrêt de principe.
La prudence s’impose pourtant : le juriste attentif notera que le contrôle porté en l’espèce par la chambre sociale de la Cour de cassation est léger[3] (« a pu déduire »), reconnaissant aux juges du fond un véritable pouvoir d’appréciation en la matière.