La subordination juridique est, depuis le célèbre arrêt « Société générale » en date du 13 novembre 1996, le critère déterminant de la relation de travail. Reprenant à leur compte le principe posé par la chambre sociale à l'occasion de l'affaire « Bardou » (cass.soc. 6 juillet 1931), les juges du Quai de l'Horloge s'accordent aujourd'hui à retenir que lorsqu'une tâche est effectuée par un individu sous la direction, la surveillance et le contrôle d'un supérieur, les règles du Code du travail ont vocation à s'appliquer.
Seulement, il n'est pas rare, en pratique, de voir coopérer certains employeurs et salariés « de fait », lesquels ont bien passé un contrat, mais dont la dénomination laisse à penser qu'ils n'ont pas tissé de relation de travail (contrat d'entreprise...). Comment, alors, s'assurer que les règles légales n'ont pas vocation à gouverner leur entente ? Cela pose la question de la preuve de la subordination juridique.
I) La subordination, un fait juridique qui se prouve par tout moyen
En principe, le critère de subordination doit être prouvé par celui qui revendique le statut de salarié. L'existence d'une subordination est un fait juridique, la preuve peut donc se faire par tous moyens.
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La preuve peut se faire à partir du document signé par ce prétendu salarié. C'est le cas dans l'arrêt Ile de la tentation, à l'occasion duquel un « règlement participants » avait été qualifié par les juges de contrat de travail (cass.soc. 3 juin 2009 – 08-40.981).
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Les éléments peuvent aussi se trouver dans un livret d'accompagnement, comme dans l'arrêt (cass.soc. 8 juin 2010 - 09-40.148). En l'espèce, la chaine d'hôtellerie B&B avait eu l'idée de remettre à chaque salarié un livret, dans lequel il était précisé que les gérants devaient impérativement respecter les normes et standards de la chaine ; suivre les directives de la société B&B... Pour la Cour, il existait bien à partir de ce livret un lien de subordination. Cette logique du livret d'accompagnement se rencontre souvent, en pratique (cf. cass.soc. 19 décembre 2000, dit "Labanne").
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La subordination peut aussi se prouver dans des éléments de faits. Les juges utiliseront la méthode du faisceaux d'indice. Parmi ces indices, on trouvera les horaires, le lieu de travail, les isntruments de travail fournis par l'employeur, la stipulation de la rémunération...
II) Au-delà du critère, l'existence de présomptions de salariat et de non-salariat
Parfois, la preuve est facilitée. Pour certaines professions où l'application des critères de la jurisprudence risquerait d'écarter trop facilement la qualification de contrat de travail, la loi a édicté des présomptions de subordination juridique, et donc de situation salariale. Tel est le cas des journalistes, lesquels disposent d'une certaine autonomie (clause de conscience...) susceptible de troubler le critère de la subordination juridique. Mais ces présomptions ne sont que "simples", et peuvent être renversées par la preuve contraire, en démontrant notamment que la personne est inscrite au RCS ou au Répertoire des métiers.
A l'inverse, le législateur a créé des présomptions de non-salariat (voir, par exemple, la loi Madelin du 11 février 1994). Supprimées par Martine Aubry en 2000 et rétablies en 2003 par la loi Dutreuil, elles concernent les personnes inscrites sur le Registre du commerce et des sociétés (commerçants), et au Répertoire des métiers (artisans). Ces présomptions sont réfragables.