LA VRAI QUESTION : Le salarié dont la rémunération a été modifiée unilatéralement par son employeur peut-il demander la résiliation judiciaire de son contrat ou prendre acte de la rupture aux torts de son employeur ?
LA FAUSSE QUESTION : L’employeur peut-il dorénavant modifier la rémunération de son salarié sans son accord lorsque cette modification est minime ?
La rémunération du salarié constitue un élément essentiel de son contrat de travail qui ne peut faire l’objet d’une modification sans son accord. Le salarié dont la rémunération serait modifiée peut demander au juge la résiliation judiciaire de son contrat ou prendre acte de la rupture de celui-ci aux torts de l’employeur.
Depuis un revirement en date du 12 juin 2014, si le salarié peut toujours demander la résiliation judiciaire de son contrat ou prendre acte de la rupture de celui-ci en cas de modification de sa rémunération sans son accord, c’est à la condition que cette modification empêche la poursuite du contrat, autrement dit, qu’il ne s’agisse pas d’une modification minime. (Avant cet arrêt les salariés pouvaient obtenir la résiliation judiciaire de leur contrat ou prendre acte de la rupture de celui-ci aux torts de leur employeur en cas de modification même minime de leur rémunération)
Il s’agit donc de l’application stricte du principe selon lequel la prise d’acte de la rupture n’est justifiée que si l’employeur a commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat [1].
Cependant, ce qui dérange un peu ici, c’est que l’on touche à la Sacro-Sainte rémunération du salarié qui reste un "élément essentiel" du contrat ne pouvant être modifiée sans son accord ; il ne faudrait pourtant pas mélanger deux facultés bien distinctes :
- celle de rompre le contrat ou d’en demander la rupture
- celle de le modifier
En effet, empêcher le salarié de demander la résiliation judiciaire de son contrat et a fortiori de prendre acte de la rupture au motif d’une modification dérisoire de sa rémunération n’autorise pas l’employeur à modifier le contrat.
Il ne faut donc pas tirer de conclusions hâtives de cet arrêt. Ce revirement de jurisprudence n’autorise toujours pas l’employeur à modifier unilatéralement la rémunération du salarié (même de façon minime) qui serait en droit de demander des rappels de salaire à hauteur de la différence entre l’ancienne rémunération et la nouvelle rémunération modifiée.
Une question demeure : à partir de quand passe t-on de la modification n’empêchant pas la poursuite du contrat à celle empêchant sa poursuite ? En l’espèce, l’employeur avait baissé le taux de commissionnement du salarié sur un produit, le faisant passer de 33 à 25 %....
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 juin 2014, 13-11.448, Publié au bulletin.
Notes :
[1] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 mars 2014, 12-21.372, Publié au bulletin ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 mars 2010, 08-44.236, Publié au bulletin.