En vertu de l'article 8 de l'ordonnance relative à la concurrence, "Le Conseil de la concurrence peut constater, sur demande des entreprises intéressées, qu’il n’y a pas lieu pour lui, en fonction des éléments dont il a connaissance, d’intervenir à l’égard d’un accord, d’une action concertée, d’une convention ou d’une pratique tels que définis aux articles 6 et 7 ci-dessus. Les modalités d’introduction de la demande de bénéficier des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par décret"[1]. De telles modalités ont été fixées par un décret exécutif daté du 12 mai 2005 qui fixe les conditions à remplir par les entreprises en cause en précisant en annexe que les demandeurs doivent indiquer les avantages que procure l’objet de la demande au profit des entreprises concernées, la durée de la demande, les raisons pour lesquelles l’objet de la demande pourrait affecter la concurrence, celles pour lesquelles le comportement de l’entreprise ou des entreprises concernées n’a pas pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le libre jeu de la concurrence dans un même marché, enfin les avantages que la demande est susceptible de procurer à la concurrence, aux utilisateurs et aux consommateurs[2].
De telles dispositions, que l'on ne retrouve pas en droit français, ont été purement et simplement reprises du droit européen dont le Règlement 17 du Conseil du 6 février 1962 dispose que la Commission peut constater, à la conclusion d'une procédure analogue à celle de l'article 85 par. 3 "qu'il n'y a pas lieu pour elle, en fonction des éléments dont elle a connaissance, d'intervenir à l'égard (d'une entente) en vertu des dispositions de l'article 85 paragraphe 1, ou de l'article 86 du Traité".
Contrairement à ce que suggère un auteur, l'attestation négative n'est pas une exemption délivrée en application des règles de l'article 9 de l'ordonnance ayant trait aux exemptions[3]. Si les deux procédures, exemption et attestation négative, semblent similaires, il reste que les deux types de décisions du Conseil de la concurrence diffèrent de manière fondamentale[4] :
- En accordant une exemption, le Conseil de la concurrence constate que si l'accord ou la pratique réunissent les conditions légales pour être interdits, ils présentent toutefois des avantages qui limitent leurs effets négatifs sur la concurrence, à ce titre le Conseil les agrée en accordant aux opérateurs concernés une exemption. L'idée à la base de ce type de dispositions est de ne pas entraver les pratiques bénéfiques pour l'économie.
- En délivrant une attestation négative, le Conseil constate que l'accord ou la pratique qui lui sont soumis ne remplissent pas les conditions posées par le texte législatif pour être réprimés. Ils peuvent limiter la concurrence sans pour autant avoir un impact substantiel sur le marché, ce qui implique qu'ils ne sont pas susceptibles de poursuites en ce que de tels comportements d'entreprises (accords, décisions, pratiques) n'enfreignent pas la prohibition de l'article 6 du dispositif légal.
- Enfin, dans le cas de la mise en œuvre des dispositions de l'article 8, le Conseil de la concurrence délivre une attestation, lorsque les entreprises sollicitent l'application des dispositions de l'article 9, le Conseil délivre une autorisation.
La procédure de l'attestation négative a pu être décrite comme mesure préventive et pédagogique. "L’ordonnance en vigueur intègre une nouvelle disposition qui consacre une mesure préventive et pédagogique, à travers l’attestation négative. En effet, en vertu de cette nouvelle procédure, les entreprises dont les comportements sont susceptibles d’être non conformes aux règles de la concurrence, peuvent demander au Conseil de la Concurrencede vérifier si les pratiques ou accords qu’elles souhaitent mettre en œuvre peuvent être considérés comme compatibles avec cette loi et bénéficier ainsi d’une attestation négative"[5].
En matière d'attestations négatives, on constate un vide juridique en ce que l'ordonnance ne prévoit pas la possibilité pour le Conseil de retirer l'autorisation lorsqu'il est établi, par exemple, que :
- Les circonstances qui ont justifié l’octroi de l’autorisation ont cessé d’exister ;
- Les entreprises n’ont pas respecté les conditions et obligations auxquelles l’octroi de l’attestation négative était soumis ;
- Les renseignements fournis à l’appui de la demande d’autorisation étaient faux ou trompeurs[6].
Il reste toutefois qu'il appartient au Conseil de suppléer aux carences de la loi et de ne pas s'en tenir à la lettre de celle-ci mais à l'esprit qui en façonne le dispositif.
[1] Ordonnance n° 03-03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence, JORA n° 43 du 20 juillet 2003, modifiée et complétée par loi n° 08-12 du 25 juin 2008, JORA n° 36 du 2 juillet 2008, modifiée et complétée par loi n° 10-05 du 15 août 2010, JORA n° 46 du 18 août 2010.
[2] Décret exécutif n° 05-175 du 12 mai 2005 fixant les modalités d’obtention de l’attestation négative relative aux ententes et à la position dominante sur le marché, JORA n° 35 du 18 mai 2005.
[3] Mohamed Chérif Kettou, Droit de la concurrence et pratiques commerciales, Editions Baghdadi, Alger, 2010, p. 43 (en arabe).
[4] Voir, Rachid Zouaïmia, "Le Conseil de la concurrence et la régulation des marchés", Idara, n° 36, 2008, pp. 7-45, du même auteur, Droit de la concurrence, Editions Belkeise, Alger, 2012.
[5] Relations entre les autorités de concurrence et les instances de réglementation sectorielles en particulier en ce qui concerne l'abus de position dominante, Communication de l'Algérie Soumise àla Septième session du Groupe Intergouvernemental d'Experts du Droit et dela Politique dela Concurrence dela CNUCED, Genève, 30 octobre - 2 novembre 2006.
[6] Voir CNUCED, Loi type sur la concurrence, Nations Unies, Genève, 2010.