droit au respect de son image et droit pénal

Publié le 13/07/2019 Vu 1123 fois 7 Par
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11/07/2019 16:09

Il existe un arrêt de la Cour de Cassation daté du 16 mars 2016 (n° du pourvoi 15-82676) qui considère à mon avis à tort que le fait de publier sur internet la photographie d'une personne nue sans l'autorisation de cette personne n'est pas pénalement réprimé. En conséquence, la Cour de Cassation casse l'arrêt de la Cour d'Appel qui avait condamné l'auteur de cette publication. La personne photographiée avait donné son accord pour être filmée, mais non pas pour que l'image soit publiée.

Or les articles 226-1 et 226-2 du code pénal répriment bien un tel fait.

Je ne comprends donc pas cet arrêt : la Cour de Cassation énonce : "Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que n'est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, SANS SON ACCORD, l'image d'une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement, la cour d'appel a méconnu les textes visés et le principe ci-dessus énoncé ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef.".

Pour ma part, au vu des textes, même si la personne photographiée avait donné son accord pour être filmée, c'est la Cour de Cassation qui viole les textes en question, puisqu'elle reconnaît qu'elle ne l'avait pas donné pour la publication.

11/07/2019 16:37

bonjour,

l'arrêt en question :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000032263441

le principe vu par la cour de cassation :
"Attendu qu'il se déduit du deuxième et du troisième de ces textes que le fait de porter à la connaissance du public ou d'un tiers, soit des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, soit l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé, n'est punissable que si l'enregistrement ou le document qui les contient a été réalisé sans le consentement de la personne concernée ; "

le consentement, c'est pour être filmé. dans cette affaire, il y eu consentement pour être filmé.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=AF04483EFA3D62488431F705195CB181.tplgfr22s_3?idArticle=LEGIARTI000033207318&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20190711
"Est puni des mêmes peines le fait, en l'absence d'accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d'un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l'aide de l'un des actes prévus à l'article 226-1."

ce n'est donc que lorsque les images ont un caractère sexuel que la diffusion sans consentement est un délit.

11/07/2019 21:35

Bonjour et merci pour votre réponse, mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre point de vue.

Simplement cet article 226-2-1 du Code pénal en matière sexuelle fait aggraver la sanction (2 ans d'emprisonnement et 60 000 € d'amende) ;

ce qui fait qu'en matière non sexuelle, l'article 226-1 reste applicable, prévoyant une sanction d'1 an d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.

11/07/2019 23:35

cela n'agrave pas seulement, cela étend le délit à la diffusion sans consentement de photos prises avec consentement.

alors qu'en matière non sexuelle, la cour de cassation nous dit que le consentement, c'est seulement pour la prise de photos. peu importe qu'il y ai consentement ou non pour la diffusion.

12/07/2019 16:07

Article 226-1 (Code pénal)
EST PUNI d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant OU TRANSMETTANT, SANS LE CONSENTEMENT DE CELLE-CI l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

Mon commentaire :

On voit bien que, dans ce texte du Code pénal, l’absence de consentement de la personne photographiée pour la transmission a de l’importance puisqu’elle entraîne la punition de l’auteur de cette transmission ; mais effectivement la Cour de Cassation dit l’inverse et c’est précisément ce que je critique, ce que vous semblez ne pas avoir bien ressenti.
Le fait que l’auteur de la photographie l’ait prise avec le consentement de la personne filmée n’est pas punissable ; mais s’il la publie et la donne en pâture au public (ce qui a été le cas) SANS LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE FILMÉE, ce second fait est, quant à lui, punissable et donc contrairement à ce qu’en dit la Cour de Cassation.

D’ailleurs, on voit bien sur le site gouvernemental :
www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32103

« Votre consentement à être photographié ne donne pas pour autant votre accord pour la diffusion de l'image (par exemple sur internet). »

Je pense que vous n’avez pas bien saisi l’esprit de mon raisonnement qui est le suivant : la Cour de Cassation n’applique pas la loi qui est pourtant claire à ce sujet et c’est ce qui m’étonne.

Il reste que la Cour de Cassation renvoyant l’affaire à une autre Cour d’appel pour être rejugée, on n’a pas connaissance de la conclusion définitive de ce litige. Il arrive en effet que cette autre Cour d'Appel n'admette pas l'arrêt de la Cour de Cassation et qu'il faille alors que la Cour de Cassation se réunisse à plusieurs Chambres ou même en Chambre plénière pour fixer définitivement sa position.

Je pense me rendre à la Grande Bibliothèque (BNF) : dans la Salle de Droit de cet organisme, on doit trouver de la documentation à ce sujet, et même peut-être des commentaires de cet arrêt : si je trouve des éléments intéressants, je ne manquerai pas de vous en faire part..

12/07/2019 21:30

vous pouvez créer un compte gratuit sur le site dalloz, et lire les commentaires sur cet arrêt, par exemple :

"Sur le fondement de l'interprétation stricte de la loi pénale, la Cour a en effet estimé que l'infraction de l'article 226-2 du code pénal, visant le fait de porter à la connaissance du public l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé, ne pouvait s'appliquer que lorsque l'enregistrement de l'image avait lui-même eu lieu sans le consentement de l'intéressée.

Le raisonnement ne peut qu'être approuvé : l'article 226-2 est en effet une infraction de conséquence qui punit le fait de porter à la connaissance du public un enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1 qui supposent l'absence de consentement de la personne concernée. Dès lors, si la personne consent à la prise de la photographie, aucune infraction n'est commise en cas de diffusion ultérieure. À l'inverse, l'enregistrement non consenti est réprimé, tout comme la diffusion de cet enregistrement non consenti. Ce faisant, la Cour opère une distinction entre la transmission de l'image, incriminée à l'article 226-1, et sa diffusion, incriminée à l'article 226-2. La diffusion s'entend de la mise à disposition du public, quand la transmission fait référence « aux différents procédés permettant l'obtention de l'image d'une personne à distance » (S. Fucini). L'image obtenue avec le consentement de la personne peut alors être diffusée au public sans crainte d'une sanction pénale. Toutefois, l'impunité n'est que pénale, un tel comportement étant à l'évidence constitutif d'une faute civile.

La décision peut apparaître sévère pour la victime, mais le respect de la légalité criminelle, ici utilisée à bon escient, est à ce prix. On s'étonnera toutefois que la qualification retenue n'ait pas été celle prévue à l'article 226-4-1 du code pénal qui incrimine, aux côtés de l'usurpation d'identité, le fait de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant d'identifier un tiers en vue de troubler sa tranquillité, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération. Nul doute que la diffusion en ligne de la photographie d'une femme nue, sans son consentement, entre dans les prévisions de ce texte (en ce sens, R. Ollard). Le vide répressif n'est en réalité qu'apparent."

13/07/2019 17:09

Bonjour,

Merci beaucoup pour ces précisions.

J''espère que je ne vous ai pas trop ennuyé, et ne vous ai pas fait perdre trop de temps.

Je suis surpris qu'un autre membre de Legalvox me dise que j'ai été impoli car il dit qu'il faut respecter certaines règles de politesse en arrivant sur le site.

Et pourtant depuis ma très récente inscription, je n'ai correspondu qu'avec vous. En quoi aurais-je été impoli ? Je ne comprends pas.

Au revoir, avec mes salutations.

SCOULEN.

13/07/2019 18:10

il manque un bonjour à votre premier message.

sur le site cité précedemment, on peut lire :
"S'il est vrai que l'article 226-1 punit entre autres le fait de porter atteinte à l'intimité de la vie privée en «
transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé », il faut bien comprendre ce que recouvre ici la notion de transmission. La transmission doit nécessairement être distinguée de la communication ou de la divulgation de l'image, puisque ces derniers actes font l'objet de l'article suivant. L'article 226-1 s'intéresse aux différents procédés techniques permettant d'obtenir l'image d'une personne, et la transmission fait ainsi référence aux différents procédés permettant l'obtention de l'image d'une personne à distance, tel que la transmission s'opérant entre une caméra et un appareil permettant de voir l'image perçue par la caméra (V. Rép. pén., Vie privée [Atteintes à la], par N. Cazé-Gaillarde, n° 45)."

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